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Aboubacar Diané, Secrétaire permanent du CONASUR : « Nous disposons d’un plan multirisque pour parer à d’éventuelles inondations »

Publié le lundi 13 août 2012 à 08h33min

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Le 1er septembre 2009, Ouagadougou a connu les plus graves inondations de son histoire. La gestion de la catastrophe fut difficile et jalonnée de tâtonnements. Trois ans après, les prévisions météorologiques n’écartent pas des risques d’inondations en ce qui concerne notre pays. Avec Aboubacar Diané, Secrétaire Permanent du Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), nous avons échangé sur le dispositif mis en place en cas d’éventuelles catastrophes, dans un contexte encore marqué par la crise alimentaire et la présence massive des refugiés maliens. De nos échanges, il ressort un manque criard de moyens financiers.

Lefaso.net : Nous sommes en saison pluvieuse, avec tous les risques d’inondations que nous connaissons. Quelles sont les besoins les plus urgents en cas d’inondations ?

Effectivement, les prévisions saisonnières en Afrique de l’ouest prévoient une situation de normale à excédentaire pour ce qui concerne notre pays, ce qui veut dire qu’on risque d’avoir des poches d’inondations. Quand les inondations surviennent, les ménages affectés perdent généralement jusqu’à leurs stocks. En termes de besoins urgents, c’est bien sûr les besoins alimentaires. Il faut donc, un petit stock d’urgence et également du matériel de survie. Quant on parle de matériel de survie, c’est le matériel de couchage. Il y a les nattes, les moustiquaires, les ballots de friperie, les abris et autres pour pouvoir soulager les sinistrés qui résistent difficilement au passage des eaux. Il y a également les besoins en tentes. Il s’agit vraiment de choses prioritaires pour l’homme dans ces situations, sans oublier le volet santé.

Pour ce faire, il faut prévoir quelque chose pour parer au plus pressant au cas où ces personnes seraient confrontées à des traumatismes, à des blessures ou à certaines maladies, notamment le paludisme, fréquente en saison hivernale.

Après les inondations de 2009 qui ont quelque peu surpris, le CONASUR a certainement mis en place un dispositif de réponse. Aujourd’hui, de quel dispositif disposez-vous pour réagir efficacement en cas de nouvelles inondations ?

A l’heure actuelle, nous disposons de ce que nous appelons le plan national multirisque de préparation et de réponse aux catastrophes. Qui dit préparation dit prise d’un certain nombre de mesures pour pouvoir parer au plus urgent au cas où une catastrophe surviendrait. Ce plan intègre l’ensemble des départements ministériels qui sont membres du CONASUR. On a ainsi créé des secteurs d’interventions. Nous avons par exemple le secteur santé, le secteur sécurité alimentaire, le secteur abri et matériel de survie, le secteur prévisions météorologiques et hydrauliques, le secteur logistique et transport. En tout, il y a une dizaine de secteurs qui sont concernés. En cas de catastrophe, chaque secteur fait un diagnostic prévisionnel et dit ses besoins d’interventions initiaux. C’est dire que dès qu’une situation de catastrophe survient, très rapidement on va se réunir et pour chaque secteur les besoins seront exprimés à partir des évaluations qui seront faites sur le terrain pour pourvoir apporter une réponse appropriée.

Quand se font ces évaluations, avant ou quand la catastrophe survient ?

Dans les plans sectoriels, pour les plans de contingences, on n’est pas parti sur la base d’hypothèse de planification. Mais quant la catastrophe survient, il faut maintenant aller de façon concrète sur le terrain pour procéder à une évaluation rapide de la situation. Une évaluation rapide qui va permettre de donner la tendance en termes de nombres des victimes et des besoins par secteur. Une fois que cela est évalué, très rapidement, on apporte les premières réponses. Ce qu’on appelle les réponses urgentes en attendant des données plus précises qui permettront une prise en charge plus adéquate des victimes.

Comment appréciez-vous votre dispositif actuel ?

Le dispositif est bon. Mais ce sont les moyens et son opérationnalité qui manquent. Le plan a été élaboré et adopté par le gouvernement depuis le 25 février 2009. Il a fait l’objet d’une relecture en 2010 mais on n’a jamais pu avoir des ressources financières conséquentes pour pouvoir équiper tous les secteurs afin qu’ils puissent fonctionner concrètement. Au niveau des départements ministériels et au niveau des partenaires techniques et financiers, des ONG, au niveau de chaque secteur, il y a des chefs de files de chaque département ministériel concerné et nous avons des points focaux au niveau des partenaires techniques et financiers.

Les évaluations sont faites de façon conjointe et synergique. On expose les besoins pour répondre efficacement. De façon spontanée les uns et les autres mettent la main à la poche, ou bien amènent des aides en nature pour qu’on puisse soulager les populations. Alors que l’idéal voudrait qu’on se prépare le mieux possible, en ayant des moyens conséquents avec un stock suffisamment fourni pour ne plus avoir à courir et à chercher de gauche à droite en cas de catastrophe. Mais, de nos jours, malheureusement, c’est ce qui se passe. Nous avons la chance d’avoir un document référentiel. Tous les ministères connaissent ce document.

Le ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique sait par exemple qu’il est le chef de file au niveau du secteur eau, hygiène, assainissement et du secteur sécurité alimentaire. Il élabore des plans sectoriels à cet effet et en cas de catastrophe ils savent quels sont leurs besoins.
C’est bien d’avoir un référentiel mais c’est encore mieux de disposer des moyens de sa mise en œuvre…

Tout à fait. Nous avons élaboré la stratégie nationale de prévention et de gestion des catastrophes, assortie même d’une loi d’orientation. Mais, à l’heure actuelle, ces documents n’ont pas été adoptés par le gouvernement, ni par l’Assemblée nationale en ce qui concerne le volet loi. Si cette stratégie assortie de la loi est adoptée, on va assister à une restructuration du secrétariat permanent parce que l’idéal au niveau du secrétariat serait d’avoir un personnel pluridisciplinaire à l’image de la composition du CONASSUR. Pourquoi pas un médecin, pourquoi pas un économiste planificateur, pourquoi pas un ingénieur agronome ? En tout cas, tous les profils pertinents sont nécessaires pour pouvoir réagir en temps réel.
Malheureusement, à l’étape actuelle, sans des motivations, les uns et les autres ne sont pas prêts à venir mouiller le maillot.

Le CONASUR ne dispose donc pas d’un fonds propre ?

C’est l’Etat qui alloue un budget au CONASUR pour constituer son stock d’urgence. Nous avons 100 millions pour constituer un stock de vivres, de matériels de survie. Quand on dit 100 millions vous pouvez croire que c’est beaucoup mais lors des acquisitions cet argent se révèle insuffisant. La gestion des catastrophes coûte extrêmement chère. Si on devrait se contenter des ressources que l’Etat mettait à notre disposition, nous ne pourrions pas fonctionner de façon optimale.

Comment êtes-vous organisé au CONASUR pour gérer les catastrophes au niveau décentralisé ? Disposez-vous de structures décentralisées ?

Au plan national vous avez le CONASUR. Quand vous descendez au niveau régional, c’est le Conseil Régional de Secours d’Urgence et de Réhabilitation. Au niveau provincial, vous avez le Conseil Provincial de Secours d’Urgence et de Réhabilitation. Au niveau départemental, c’est le Conseil Départemental de Secours d’Urgence et de Réhabilitation. Etant donné que le CONASUR est une structure nationale de gestion des catastrophes, il a fallu mettre en place un secrétariat permanent du CONASUR qui est chargé de travailler avec l’ensemble de ces acteurs pour l’accomplissement des missions du CONASUR. Si une catastrophe venait à survenir au niveau régional, voire provincial ou même départemental, l’information va remonter jusqu’au niveau central pour que des actions idoines soient entreprises.

Vous travaillez donc en collaboration avec toutes ces structures déconcentrées ?

C’est la raison d’être du secrétariat permanent du CONASUR. La communication est permanente et nous travaillons vraiment en synergie. Quand il y a un problème sur le terrain, c’est le secrétariat permanent qui travaille à la gestion de ces questions.

Le Burkina est confronté à une insécurité alimentaire et fait également face à un afflux de refugiés maliens. Si des inondations survenaient dans ce contexte, comment réagiriez- vous ?

Nous serions dans une situation de catastrophe complexe. Il y a une insécurité alimentaire. Il y a les refugiés maliens pour lesquels nous intervenons, il y a les éventuels risques d’inondations pour lesquelles nous sommes présentement en état de veille. Naturellement, quand on intervient sur plusieurs fronts à la fois, on ne peut qu’être débordé. Et quand on n’a pas suffisamment de moyens, c’est encore plus compliqué.

Pour les catastrophes, le minimum de stocks d’urgence que nous avons, ne nous permet pas de couvrir tous les besoins en cas d’inondations. Mais c’est suffisant pour apporter les premiers secours. Donc dès les tout premiers instants, dans les 24 heures, les 48 heures, nous pouvons rapidement aller soulager les populations. Ainsi nous donnons également le top départ et des ONG, qui ne passent pas forcement par le CONASUR, vont sur le terrain et en collaboration avec nos démembrements arrivent à répondre aussi aux besoins des populations. C’est dire que la tâche est ardue lorsque c’est plusieurs crises qui surviennent. Elle est davantage compliquée quant les ressources faut défaut. Mais quant il y a suffisamment de moyens et qu’il y a une bonne coordination, tout peut se gérer.

Avec ce manque de fonds, les populations ne risquent- elles pas d’être abandonnées à elles- mêmes ?

Le gouvernement travaillera toujours à trouver quelque chose pour ces populations. C’est comme je le disais tantôt, au Burkina tout est prioritaire. C’est quand ça survient que vous voyiez l’élan de solidarité se manifester. Mais quand on dit aux gens qu’il faut préparer, on trouve que tout est prioritaire. On ne peut pas prendre des ressources posées pendant qu’il y a des priorités de l’autre coté, le citoyen lambda ne peut pas le comprendre. Alors que, de la même manière qu’on se prépare pour les projets de développement, c’est de cette même manière qu’on doit se préparer pour faire face aux catastrophes.

Nous devons envisager les actions de réduction des catastrophes et voire même les actions de riposte en cas de catastrophes. La réduction des risques passe la prévention. Il faut sensibiliser suffisamment les populations, les conscientiser pour qu’elles évitent les comportements à risques afin de réduire les différentes situations de catastrophe. La riposte, c’est quand la catastrophes est là et qu’il faut naturellement apporter une réponse. Apporter la réponse supposera qu’on a différents moyens qui pourront répondre aux besoins des secteurs en vue d’aller soulager les populations qui seront en détresse. Comme je l’ai dit, la santé on en a besoin. Il faut également manger, s’abriter et s’habiller. Les catastrophes ne préviennent pas, d’où la nécessité de mieux se préparer.

Entretien réalisé par Aminata OUEDRAOGO (Stagiaire)

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