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Mahamadi Kouanda : “Le militant lambda du CDP a été trompé”

Publié le mercredi 8 août 2012 à 23h01min

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Tous azimuts ! Il y a lieu de le dire. C’est vraiment une rencontre tous azimuts avec un iconoclaste de la vie socio- politique et sportive de notre pays. Mahamadi Kouanda, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous a ouvert ses portes et son cœur pour sa part de vérité historique sur le Burkina des deux dernières décennies. Nous avons pris deux prétextes pour le rencontrer. D’abord la création " résurrection " du Mouvement des sans voix, ensuite et non des moindre le quart de siècle de la Révolution démocratique et populaire du 4 août 1983. Au final, nous avons eu droit à une véritable confession, à un round up de la vie nationale où aucune question n’a été éludée. Ses relations avec le Président Blaise Compaoré, les acteurs de première heure de la création du CDP, les points saillants de l’actualité, tout y passe. Homme passionné et passionnant el hadj, comme on l’appelle souvent, s’est donc adressé à Le Progrès comme à son habitude. Franc et direct…

Le Progrès (L.P.) : Vous avez été porté récemment à la tête du Mouvement de la défense des personnes sans voix. Qu’est-ce que le Mouvement de la défense des personnes sans voix et quelle est la portée de cette responsabilité pour vous ?

Mahamadi Kouanda (M.K.) : C’est un grand challenge pour moi. Pour revenir à l’histoire " Les sans voix " a été crée en 1991. Toutes les couches sociales de la société burkinabè y étaient représentées. Des élèves, des étudiants, des fonctionnaires, des ouvriers, des laissés-pour-comptes (…). Certains aujourd’hui sont ministres, députés, gouverneurs, et autres. Le mot secteur informel est venu de l’INTER CDR. L’organisation politique sociale mise en place à l’INTER CDR était comparable à celle de l’armée burkinabè et à la chefferie coutumière. A l’époque, aucune organisation sociale n’était aussi mieux structurée. Quand nous avons décidé dans l’intérêt du pays et du président Blaise Compaoré de dissoudre l’INTER CDR en juin 1988, il faut avouer qu’on avait du mal à faire face aux problèmes sociaux de nos ex camarades. Des sympathisants du Front populaire, de l’EX INTER, de meneurs d’hommes que je suis Mahamadi Kouanda, Marin Ilboudo, Assimi Kouanda, Michel Zabramba, Kader Cissé, Francois Compaoré, Conombo Alfred, Samandoulgou Célestin, Tiendrebéogo Célestin. Un an après la création de l’INTER CDR, nous avons connu l’arrivée de notre camarade Roch Kaboré qui y a participé activement. Ces noms, je les donne pour l’histoire. Il y a Norbert Tiendrebéogo, Guiro Amidou, Hervé Bingo qui n’est plus de ce monde, Ouiya Bertin, Ouédraogo valentin, Pierre Compaoré.

Ce sont eux qui étaient vraiment aux avant-postes. Sinon, l’INTER était comparable à un gros village. Des femmes qui ont marqué la vie de l’INTER, on peut citer la première responsable Georgette Baga. Ensuite, sont arrivées Anne Ouédraogo avec Abiba Sidibé. Et dans le bureau on avait Zénabou de Tanghin (Zénabou Ouédraogo) devenue madame Compaoré (son mari, Pierre Compaoré). Alice Tiendrébéogo était une conseillère, une personne ressource. C’est elle qui encadrait les femmes de l’INTER mais pour le respect de son mari, elle ne s’était pas très bien affichée. Mais elle a toujours apporté son soutien à la Révolution, surtout après le 15 octobre en formant nos femmes sur le plan de l’image et du comportement. C’est une femme qui a lutté et a beaucoup d’expériences. Nous avons aussi des femmes comme Djénéba Labolé qui était au quartier Saint-Léon, etc.

Pour compléter la liste au niveau des hommes, nous avons des gens comme Issaka Lingani, directeur de Publication du journal L’Opinion, Gabriel Tamini qui n’étaient pas des militants de l’INTER mais des partenaires.

Ils étaient de l’entourage, de Lamien Watamou. Beaucoup ne sont plus de ce monde. Même dans l’armée, si on prend à tout hasard, vous avez des gens comme Bassolet (Djibril Bassolet, ministres des affaires étrangères) qui étaient d’abord étudiants avec les Sané Topan (ambassadeur du Burkina au Mali). Ils sont nombreux et certains vont m’en vouloir de n’avoir pas cité leur nom mais ce n’est pas sciemment fait. Vous avez les gens comme Modeste Da qui était policier mais qui jouait à l’EFO (Etoile filante de Ouagadougou) qui a participé à nous aider. Il était à l’INTER CDR, un CDR engagé au secteur 17. Il y a Noël Da de la Radio nationale du Burkina. Il y a Bakouan qui assurait la province du Houet avec Hamed Yago, le père du jeune Yago (Secrétaire adjoint chargé du Mouvement associatif au sein du Secrétariat exécutif national, ndlr). Ce dernier n’était pas de l’UCB ni de l’INTER mais plutôt du JCB. Mais on composait ensemble parce qu’on était majoritaire dans tout le Burkina. Toutes les structures de la Révolution et du Front populaire étaient occupées à 80% par les gens de l’INTER UCB. C’est une réalité que personne ne peut discuter. Nous sommes tous aujourd’hui la même chose et il est bien souvent de rappeler l’histoire.

François Compaoré à l’époque était un militant naturel, en tant que petit frère du chef de l’Etat. Il est venu à l’OD/PMT après l’aile dissidente conduite par Salif Diallo, Barry Yacouba, Dieudonné Bonanet et Bassinga qui n’est plus de ce monde.

Vous avez aussi des femmes comme Adéle Traoré, la député Blandine Sawadogo, Cathérine Ouédraogo l’ex épouse du général Traoré Ali, Kadi Korsaga à un moment donné. Tout le monde ne pouvait pas venir à l’INTER. Il fallait avoir un canal. Soit c’était à travers Sankara ou par Blaise, soit on te connaissait et on estimait que tu es engagé. Il y avait aussi le regretté Lamien Watamou qui, il faut le reconnaître, a été l’un des principaux formateurs idéologiques des membres de l’INTER CDR.

A l’époque, on avait un bureau de 7 et un bureau de 23 qui faisait office de comité central. A défaut d’avoir ce cadre, nous avons décidé de créer " Les sans voix " pour aider tous les Burkinabè qui n’avaient pas les moyens de se faire entendre, de jouir pleinement de leurs droits. A la sortie de la révolution d’août que nous avons corrigée avec l’avènement du Front populaire, nous avons remarqué qu’un certain nombre de CDR, membres de l’INTER ou pas avaient eu à faire des abus dans la distribution des parcelles. Nous avons mis une commission au sein de l’INTER CDR pour leur conseiller de corriger pour éviter qu’ils s’illustrent négativement auprès de la population et éviter d’aller inutilement en justice. Plusieurs fois, nous sommes allés dans les arrondissements. Il faut dire que nous étions solidaires dans " Les sans voix ". Il nous est même arrivé de payer des parcelles pour des camarades. La structure a été reconnue officiellement en 1991. Il ya eu des moments de mouvement et de léthargie. Nous pensons que le moment est propice pour nous de réveiller la structure et mobiliser tous ceux qui sont laissés-pour-compte, tous ceux qui traversent des situations sociales anormales, …. Nous allons les aider à sortir de l’abus, de l’injustice.

L.P. : Aujourd’hui justement la justice est beaucoup critiquée et les citoyens semblent ne plus faire confiance à cette justice. Quelle est votre appréciation ?

M.K. : Je pense que le pouvoir actuel et l’opposition sont fautifs. Ceux qui sont au pouvoir, doivent parfois, accepter se remettre en question et éviter d’intervenir dans les dossiers de justice. Malheureusement des individus au sein du pouvoir sans considérer les conséquences de leurs actes jouent sur leurs positions pour intervenir dans des dossiers. Ce sont ces cas isolés qui fragilisent le pouvoir. Ils compromettent leur dignité et permettent aux gens d’avoir des jugements inacceptables sur le pouvoir en place. En ce qui concerne l’opposition, je dis que nous n’avons pas une vraie opposition au Burkina Faso. 90% des hommes politiques, notamment ceux qui se réclament de l’opposition ont été ministres de Blaise Compaoré où sous le Conseil national de la Révolution où Blaise Compaoré était le numéro II. Ils sont dans l’opposition aujourd’hui parce qu’ils ne sont plus aux commandes. Suivez mon regard. Le jeune Sankara (NDLR maitre Béninwendé Stanislas Sankara) est le seul qui n’a jamais été officiellement ministre sous la révolution et dans le gouvernement de Blaise Compaoré. Cela se comprend, il était étudiant au moment de la révolution. Mais 70% des responsables de son parti sont d’anciens CDR, responsables révolutionnaires, qui ont dirigé le pays à l’époque d’une manière ou d’une autre.

Parce que le délégué d’un secteur était plus important qu’un conseiller municipal aujourd’hui dans ses capacités d’agir au nom de l’Etat. Il ne suffisait pas d’être ministre seulement ou haut-commissaire pour diriger le pays. Lui en tant que individu, il peut dire qu’il n’a jamais géré le pouvoir d’Etat. Aussi il a été délégué CDR en tant que étudiant je crois. Et si cela est avéré, il est aussi comptable de cette situation. Ailleurs dans les autres pays africains, l’opposition, c’est dès le départ. Il finit ses études, il s’installe comme libéral, avocat, médecin, architecte… Il crée son parti et refuse à tout moment, de composer avec le pouvoir en place. Il peut attendre 5 ans, 20 ans mais il va prendre le pouvoir. C’est cela une opposition conçue du début à la fin. Une opposition qui se crée parce que j’étais ministre et on m’a enlevé n’est pas une vraie opposition. Nous aussi, nous avons connu des hauts et des bas dans ce parti mais est-ce qu’on a quitté ? Je ne suis pas pour les gens qui changent de parti du jour au lendemain. Un homme doit pouvoir rester même si c’est difficile. Même si il est incompris, on le comprendra à un moment donné.

L.P. : Quelle appréciation faites-vous de notre société civile ?

M.K. : Notre société civile est aujourd’hui beaucoup politisée mais ce n’est pas là le problème. Beaucoup de responsables de la société civile n’ont pas leur indépendance économique. Nous souhaitons que la société civile puisse avoir son autonomie financière et économique. Il faut aussi instaurer un cadre de concertation de la société civile. Il est aussi important que l’Etat voie dans quelle mesure il pourrait financer la société civile. C’est le rempart des hommes politiques, et quand il ya une crise comme celle de l’année passé, c’est la société civile qui est interpellée parce qu’elle a des facilités pour négocier avec les différents protagonistes mieux que les hommes politiques. Ce fonds est nécessaire pour éviter que des individus s’approprient ces structures pour les contrôler à leurs intérêts. Pour la crise de l’année passée, la société civile a fait de son mieux à travers les chefs coutumiers, les religieux et la société civile naturelle que sont les ONG et associations. Même dans l’armée, certains anciens et non des moindres ont travaillé dans l’ombre à calmer un certain nombre de personnes. Il ne sert à rien de nous tuer entre nous burkinabè. A part la société civile, Blaise Compaoré a géré la crise seule.

Aucun homme politique ne peut se taper la poitrine aujourd’hui pour dire qu’il a contribué à ce que la paix revienne. Certains ont préféré se mettre à l’abri que d’aider. Dans toutes les rencontres il était seul avec son entourage militaire et ses conseillers à la présidence. C’est le lieu pour moi de féliciter le Premier ministre Luc Adolpne Tiao qui, depuis son arrivée, a fondamentalement fait un effort. Il a mouillé le maillot. Je demande à Allah de l’aider encore plus dans sa mission. La crise de confiance vient du comportement des uns et des autres. Il faut être croyant parce qu’il n’y a pas deux Dieux que l’on soit musulman, catholique, protestant etc. Si l’on croit en Dieu, on doit pouvoir pardonner. Aujourd’hui moi qui vous parle, il ya cinq dix ans, j’étais prêt à faire la bagarre pour être membre du bureau politique de mon parti. Aujourd’hui, ça ne m’intéresse pas. Il faut amener les gens à comprendre que nous sommes unis pour le meilleur et pour le pire. Nous devons mutuellement nous faire confiance et nous respecter.

L.P. : Acteur de la révolution, que vous rappelle le 4 août 1983 ?

M.K. : Quand on arrive au mois de juillet, c’est un mois de peur et en plus un mois de confiance pour moi. La peur parce que j’ai peut-être eu la chance, le devoir de rejoindre le capitaine Blaise Compaoré et à l’époque, le sous-lieutenant Gilbert Diendiéré et l’ensemble des groupes voltaïques. On n’était pas nombreux certes, mais on était de tout cœur avec eux. On a trouvé qu’il était important, de ce fait, de soutenir la révolution naissante. Nous savons qu’il est très important pour nous aujourd’hui de nous rappeler le 4 août 1983. En conscience politique, que mes amis me pardonnent, j’ai l’impression que c’est cette génération de 1979 à 1983 qui était plus engagée et plus réfléchie que les générations d’aujourd’hui. Je dis ca parce qu’à l’époque, on n’avait pas besoin d’argent pour nous faire travailler. Pour preuve, aucun des responsables issus de la révolution ne peut dire qu’on était motivé par l’argent. Ils n’avaient que le minimum pour survivre.

Quand la révolution a pris fin, il y avait un slogan anti CDR qui disait, " Est-ce que je suis bête pour travailler gratuitement comme un CDR ?". Tous ceux que j’ai cités plus haut travaillaient sans calcul. A l’époque, j’avais l’habitude de tuer un mouton chez mon père avec un sac de riz à Kiendpalogo et on mangeait. Paix à l’âme de Sankara, à Lingani et à Henri Zongo, il n’ya pas quelqu’un qui n’a pas mangé le mouton chez moi lors des veillées débats. Sankara en a mangé, bref c’était l’occasion de débats bien animés. Mais certains croyaient que les moutons venaient du CNR. C’est après qu’ils ont compris que c’était de la volonté et l’amitié que j’avais pour eux. C’était aussi ma contribution pour ce sous-bassement, car on ne peut pas débattre dans la faim. De 1983 jusqu’après la révolution en 1988, on continuait à faire des débats. C’est à partir de 1989 que le discours du président Compaoré du 19 octobre 1987 a commencé à prendre corps réellement. A savoir, l’envie de repartir à une vie constitutionnelle normale. C’est là qu’on a programmé le Congrès du front populaire, et que les choses ont commencé à se décanter.

On a accepté et on a mis fin aux veillées débats et on a accepté le retour à une vie constitutionnelle normale. Bien entendu, il arrive que certains de ceux que j’ai cités plus haut participent aux cotisations pour les veillées débats. Vous savez que dans toute cotisation d’un groupe, c’est le président qui donne le plus. C’est cette base qui constitue aujourd’hui le parti. Certains y étaient par conviction, soit pour détecter de bons militants pour leur groupe. On ne venait pas parce qu’on aimait Kouanda ou l’INTER CDR. Aujourd’hui, je connais certains membres de l’INTER qui sont Sankaristes, qui sont au PAI. Certains sont aussi aux cotés de notre frère " difficile " Valère Somé.

L.P. : Pensez-vous que la crise qu’a connue le Burkina Faso est désormais derrière nous ?

M.K. : L’Etat et tous les citoyens ont fait un effort. Mais pour que cette paix soit définitive, il faut que chacun de nous fasse un effort. Il faut que les gens soient tolérants même en circulation. Respectueux des lois. Ceux qui brûlent les feux ne sont pas seulement de l’opposition ou du pouvoir ; il ya ceux qui brûlent les feux en voiture, à mobylette, à vélo. Ce sont là des comportements quotidiens qui peuvent réveiller la crise. Ensuite, il ya l’intolérance civile ou militaire. Troisièmment, il faut que tous ceux qui ont eu la chance d’avoir des moyens acceptent de partager un peu. Je ne dis pas d’aller partager au marché. Mais de temps en temps, il faut gérer votre entourage immédiat. Il faut souvent donner sans calcul. Si l’on faisait ces efforts, je pense qu’on peut considérer la crise comme étant derrière nous. Je dis bien je pense. Aujourd’hui, moi en tant qu’individu, Mahamadi Kouanda, je ne peux pas dire que la crise est derrière nous. Pour que la crise soit derrière nous, il faut que chacun de nous continue d’avoir un comportement social, tolérant, humain et ouvert.

L.P. : Quelle est l’ambiance aujourd’hui au sein du CDP ?

M.K. : Elle est très bonne. Les gens avaient peur du changement mais ils ont compris que cela est salutaire. Nous n’avons plus de cercle fermé et intouchable. Il ya eu aussi l’arrivée de plusieurs jeunes dans les instances dirigeantes du parti. Il n’ya jamais eu cela depuis 1989. Le congrès qui vient de se dérouler ressemble au congrès constitutif qui a eu lieu dans cette cour. On s’est assis ici (NDLR : dans sa cour au secteur n°15) de 19 h à 2 h du matin pour créer le CDP. Et si vous prenez aujourd’hui le premier bureau de l’ODP/MT, les jeunes y étaient à 60%. J’espère qu’au prochain congrès, les jeunes seront représentés à 70% et nous les anciens âgés de plus de 55 ans, 30%. Nous serons là pour les encadrer et les conseiller. Aussi, il faut permettre aux femmes d’intégrer les instances du parti. Et là, je suis clair, pas n’importe quelle femme. Il faut des femmes engagées. On n’a pas à faire plaisir à des gens qui n’ont pas la compétence. Je pense qu’a ce congrès, les femmes qui ont été choisies sont les meilleures. Mais je pense qu’il faut toujours être rigoureux dans les choix.

L.P. :...Certains cadres du parti nargueraient des militants en disant que le CDP est désormais dirigé par la FEDAP-BC

M.K. : Je m’inscris en faux contre cette assertion. C’est archi-faux. Le militant lambda a été trompé par un certain discours de l’opinion publique. Dire qu’Assimi Kouanda (NDLR : le secrétaire exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès) par exemple vient de la Présidence, donc de la FEDAP-BC est malhonnête. Parmi tous ceux qui ont dirigé le CDP, qui a été militant avant Assimi Kouanda ? Roch ou Salif ? Salif, Roch ou Simon n’ont jamais été membres fondateurs du CDP. Assimi est membre fondateur du CDP. Salif Diallo par exemple a eu le mérite d’être venu avant les autres. Salif est venu pratiquement un mois après la création du parti. Il a été suivi du groupe de Kader Cissé, Zoubga Alain, Leonard Compaoré, Célestin Tiendrébéogo, etc. En troisième lieu, le groupe de Moïse Nignan-Traoré, Simon Compaoré etc. Il faut que les gens apprennent à connaitre l’histoire avant de parler. S’ils sont restés modestes pendant longtemps par la volonté de Blaise Compaoré ou pour des raisons que j’ignore (Assimi Kouanda et François Compaoré par exemple), ce n’est pas une raison pour avoir des analyses qui ne tiennent pas la route.

On connaît l’histoire, mais on est là pour unir. On trompe les gens. Chacun a une histoire. Prenez Pooda (Ollo Anicet Pooda, actuel Secrétaire à l’organisation), il a été un élément formé au secteur n°8. Vous prenez les Salifou Sawadogo, ce sont des gens qui ont travaillé d’abord au secteur n°6, Kamsaoghin. Ils s’occupaient de la jeunesse scoute, puis ensuite après la révolution de la jeunesse estudiantine avec les Alain Edouard Traoré, ministre de la Communication, le regretté Jonas Somé… Il y en a d’autres… Prenez Yacouba Barry, ce n’est pas un petit militant ! Quand Salif Diallo venait dans l’ODP/MT, il était accompagné de Dieudonné Bonanet et Bassinga qui n’est plus de ce monde. Dans tout ça, qui a donné sa vie plus que moi ? A un certain moment, on m’a écarté du parti pendant dix ans. Mais est-ce que je suis mort ? Les gens doivent accepter que le changement les concerne aussi. N’importe qui n’est pas n’importe qui. Avant de critiquer la position de quelqu’un il faut d’abord chercher à comprendre son histoire. Au départ, chacun de nous a dit qu’on est là pour aider Blaise Compaoré. Et c’est cette philosophie qui est toujours de mise donc il n’y a pas de bagarre. Les gens n’aiment pas la vérité…

L.P. : Mahamadi Kouanda et Blaise Compaoré, quelle histoire ?

M.K. : Oh ! Moi je vais donner ma réponse. Il faut aussi demander la réponse de Blaise à cette question. J’ai connu Blaise sans savoir qu’il avait l’intention de faire la politique. Et moi également. C’était en 1973. On ne s’est pas connu à Ziniaré ni à Yamana dans mon village. On s’est connu sur le terrain municipal. Il jouait au ballon. Je savais qu’il était militaire. Ensuite moi, j’ai été appelé à l’équipe nationale, pas en tant que joueur, mais en tant que chef de matériels de l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO) pour aider le Onze national. Et Blaise a été appelé en présélection. C’est ainsi que nos liens se sont renforcés. Et depuis lors on a gardé le contact malgré qu’il était au Cameroun, aux Etats-Unis, au Maroc…. J’ai connu Thomas Sankara grâce à Blaise. Je n’ai donc pas de problème particulier avec Blaise Compaoré. Nos deux familles se connaissent et se fréquentent grâce à nos relations. Il connaît mon caractère et de la manière dont je suis avec vous c’est de cette façon que je me comporte devant lui.

Ce que je pense au fond de moi je lui dis. Je suis le premier à le respecter et à le faire respecter. Mais, j’ai peur de celui qui me respecte. Depuis que je le connais, il ne m’a jamais manqué de respect. Il est arrivé à certain moment qu’il me dise, écoute Mahamadi, sur ce point, dans l’intérêt du pays et du fait que tu sois proche de moi, il faut aller dans tel sens. Et avec un calme remarquable. Donc, il est vraiment le contraire des autres " chefs ". Maintenant, il faut aussi avoir le courage de l’avouer, il y a eu des moments difficiles entre nous parce que des gens avaient travaillé à cela. Mais aujourd’hui on se voit mieux qu’avant. Donc, que ces personnes prennent leur mal en patience. La roue tourne, peut-être que leur chance reviendra…mais la force n’a jamais résolu un problème. Je suis bien placé pour le dire parce que je n’ai pas peur de dire à quelqu’un ce qui m’est arrivé et qui a crée une distance entre Blaise et moi pendant 2, 5 ans. Si je précise exactement le temps que cela a duré, peut-être que les gens ne me croiront pas. Donc je préfère me taire sur le temps que ça duré. Les gens ont travaillé à empêcher le contact permanent entre Blaise et moi. C’est donc à eux dire pourquoi, pas à moi.

L.P. : Les réformes politiques et institutionnelles sont en train de prendre corps avec, entre autres, la constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle. Votre point de vue sur l’opportunité ...?

M.K. : Je ne connais pas le contour de cette loi, mais je crois que c’est important. J’estime que si la constitution peut nous aider à mieux organiser les chefs et leur donner un minimum de conditions pour leur permettre de rester soudés et ne pas se mêler de la vie politique pour qu’en cas de crise, je ne le souhaite pas, ils puissent être un rempart pour sauver la nation…, je pense que c’est bien pensé vraiment…

L.P. : Augmentation du nombre de députés et création d’un Sénat pendant qu’on crie vie chère et que l’Etat dit qu’il n’a pas les moyens de faire face à certaines revendications sociales ?

M.K. : Je pense que ce ne sont pas les institutions qu’il faut condamner. Ce sont des individus qui ne veulent pas y travailler-là qu’il faut condamner. Le Sénat va permettre d’éviter des querelles de positionnement et d’équilibrer les forces. C’est déjà un atout. On parle de gaspillage d’argent. Mais si on n’en a pas, qu’on laisse tomber tout ! L’Etat c’est l’Etat. L’Etat est pauvre quand ses intérêts ne sont pas menacés. L’Etat est riche quand sa survie est liée à des dépenses. Là-dessus, il n’y a pas lieu de parler trop. Pour le second volet, concernant l’augmentation du nombre de députés, c’était une requête de l’opposition depuis longtemps qui estimait que dans les provinces à un seul siège, c’est le parti au pouvoir qui l’emporte toujours. On a donc ajouté un autre siège à ces provinces et je pense que c’est normal, car cela permettra aux petits partis politiques qui ne sont pas des nôtres de pouvoir quand même émerger.

Aussi, l’argent qui a été dépensé dans la crise que notre pays a connue en 2011 dépasse celui d’un mandat d’un député ! Si on peut faire sortir de l’argent pour résoudre une crise, autant la prévenir !

L.P. : Et la pension de retraite des députés

M.K. : Que ceux qui pensent que ce n’est pas normal, aillent d’abord réveiller Mitterrand (NDLR : le président français François Mitterrand). Quand il décidait d’imposer la démocratie à l’Afrique francophone à travers le discours de la Baule, vous a-t-il consultés ? Il n’a consulté aucun chef d’Etat ! Il les a convoqués comme des " commandants " de cercle et leur a dit : voilà les conditions pour qu’on vous donne de l’argent. Pour atteindre le développement, la condition c’est la démocratie. La démocratie a ses exigences qu’il faut prendre dans leur entièreté. Au Bénin, depuis 2006, tous les députés de 1960 à ce jour ont une pension de retraite. De même pour le Niger depuis 2007. Or, le Bénin est comparable au Burkina par ce qu’on a connu la révolution au même moment. Le Bénin nous dit qu’il a connu la révolution avant nous. Nous, en retour aussi, nous leur disons que certes, vous l’avez connue avant nous, mais nous l’avons fait mieux que vous. Le Mali en a déjà. En Guinée c’était bouclé mais je ne sais pas s’ils l’ont voté aussi. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire également. Je ne sais pas ce que vous voulez ? Dans l’Union, c’est quasiment nous seuls qui n’avons pas encore emboîté le pas.

Or c’est une mesure de l’UEMOA. Vouloir le contraire c’est peut-être nous demander de quitter l’Union ! Ceux qui voient ça d’un mauvais œil là, c’est de l’égoïsme. Et il faut qu’ils pensent que ce n’est pas pour un individu ou pour un groupe qu’on fait cela. C’est profitable à tout le monde et à toutes les générations. Si on avait dit que cela concernait uniquement les députés de la IVème République, là vous pouvez nous condamner !

L.P. : Qu’est-ce qui tient aujourd’hui à cœur Mahamadi Kouanda et qu’il a envie de dire comme mot de fin ?

M.K. : Je tiens à m’adresser à la nouvelle direction politique de mon parti. Je lui demande de tout faire pour ne pas décevoir dans le cadre des élections couplées de 2012. Cette direction est pleine de talents intellectuels, humains et pleins d’énergie. Pour les sorties qu’elle a entamées, je les y encourage. Même si le premier responsable n’arrive pas à faire les 45 provinces, qu’il fasse au moins les 13 régions et les chefs-lieux de province pourront être sillonnés par des équipes. Cela permettra de sonner la mobilisation, cela facilitera l’ancrage du parti à la base et partant, le choix des futurs candidats. Je voudrais m’adresser également à tous les hommes politiques, et partant, à tous les Burkinabè. Aux hommes politiques particulièrement, je les invite vraiment à bannir l’égoïsme. Tant au sein de leur propre parti qu’au sein des institutions de l’Etat pour voir l’intérêt supérieur de la société. Si chacun de nous fait l’effort d’être humble, modeste, sensible à l’intérêt général, je pense que l’égoïsme n’aura pas sa place dans nos comportements.

S’il n’y a pas d’égoïsme, chacun devrait reconnaître ses limites et ses forces pour que nous puissions travailler dans la complémentarité, main dans la main, pour construire ce pays qui a besoin de chacun de ses filles et fils. A l’ensemble des religieux et chefs coutumiers, de toujours continuer la prière pour que la paix et la confiance continuent à régner au sein des Burkinabè.

Entretien réalisé par Antoine W. DABILGOU &
Kader PALENFO

Le Progrès

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