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Pour le compte de qui le rouleau compresseur Sud-Africain s’est-il mis en branle à la tête de l’Union africaine ? (2/3)

Publié le jeudi 26 juillet 2012 à 16h08min

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Les années 1980 vont être celles de la radicalisation de la répression contre les militants anti-apartheid. L’armée sud-africaine va entreprendre des raids contre le Lesotho, le Swaziland, le Mozambique qui abritent des bases de l’ANC. Les attentats et les émeutes se multiplient, l’état d’urgence sera instauré en 1985 tandis que les pays « occidentaux » prennent conscience que le régime d’apartheid n’est plus diplomatiquement et économiquement tolérable ; les premières sanctions économiques vont alors être décidées*.

Nkosazana Dlamini Zuma, à cette époque, va préparer une spécialité en maladies tropicales infantiles à l’université de Liverpool. Elle prendra ensuite la direction d’une ONG britannique qui venait médicalement en aide aux réfugiés. A Paris, Dulcie September, la représentante de l’ANC, sera assassinée le 29 mars 1988. L’apartheid craque de toutes parts mais n’entend pas mourir sans résister.

Le dimanche 11 février 1990, Nelson Mandela sera, effectivement, libéré après vingt-sept années d’emprisonnement. Le 30 juin 1991, l’apartheid est aboli. A la veille de Noël, cette même année 1991, des négociations constitutionnelles vont être engagées entre l’ANC et le président Frederik De Klerk. Nkosazana Dlamini Zuma est aux côtés de Mandela dans cette négociation. Zuma, quant à lui, qui s’était établi à Lusaka, en Zambie, est revenu en Afrique du Sud afin d’organiser le retour des exilés. Le 9 mai 1994, Mandela est élu président de l’Afrique du Sud. Le 11 mai 1994, il forme le premier gouvernement « d’union nationale ». Thabo Mbeki est premier vice-président et De Klerk est deuxième vice-président.

Le gouvernement comprend des ministres membres de l’ANC et du Parti national – la formation politique de De Klerk – ainsi que de l’Inkatha de Mangosuthu Buthelezi (nommé ministre des Affaires intérieures). Nkosazana Dlamini Zuma est ministre de la Santé, une des très rares femmes du gouvernement (à noter que Winnie Mandela n’est que ministre déléguée aux Arts, Culture, Sciences et Technologie). Zuma, dans le même temps, deviendra le troisième personnage de l’Etat, après Mandela et Mbeki, quand il sera nommé, en décembre 1994, chef de la direction nationale de l’ANC dont il deviendra le vice-président en décembre 1997. Il est également le patron de l’ANC dans le Kwazulu-Natal après y avoir mis au pas les militants de l’Inkatha.

Le lundi 14 juin 1999, Thabo Mbeki sera élu président de la République par le Parlement au sein duquel l’ANC détient 266 des 400 sièges de députés. Quelques jours plus tard, le jeudi 17 juin 1999, il forme son premier gouvernement. Zuma est nommé vice-président ; ce qui traduit la victoire de l’ANC sur l’IFP (Inkhata Freedom Party) et l’hégémonie de l’ANC dans la vie politique de l’Afrique du Sud. Nkosazana Dlamini Zuma (dont elle est divorcée depuis 1998), est nommée ministre des Affaires étrangères. Une promotion qui ne manquera pas d’étonner, son action en tant que ministre de la Santé (son domaine de compétence puisqu’elle est médecin de formation) ayant été « controversée ». Mais elle est proche de Mbeki et c’est, incontestablement, la femme politique la plus influente du pays après Winnie Mandela bien sûr. Battante, adepte du franc-parler, elle n’est cependant pas réputée pour ses qualités de… diplomate. A la tête de la diplomatie sud-africaine, elle prendra alors la suite d’Alfred Baphethuxolo Nzo qui était titulaire de ce portefeuille depuis le 11 mai 1994.

Nzo (qui est mort le 13 janvier 2000) s’était évertué à maintenir l’équilibre diplomatique de l’Afrique du Sud entre « l’Occident » et ses alliés plus « militants » : Iran, Libye, Cuba. C’est son intercession qui conduira Tripoli à livrer les auteurs présumés de l’attentat de Lockerbie aux tribunaux européens. Nkosazana Dlamini Zuma n’a pas, à l’international, la même envergure que Nzo. Mbeki et Zuma vont garder la main. Zuma va ainsi représenter Mbeki lors du 21ème sommet France-Afrique à Yaoundé, au Cameroun (18-20 janvier 2001).

Mbeki, quant à lui, avait fait le choix d’aller en Suisse, à Davos, pour y présenter, le dimanche 28 janvier 2001, le « Plan pour la renaissance de l’Afrique » qui restera dans les annales (et plus encore dans les tiroirs) comme le NEPAD lorsque le « plan Oméga », présenté par le président sénégalais Abdoulaye Wade, y aura été intégré. La diplomatie sud-africaine sera, dans ces années-là, celle de Mbeki. Il sera d’ailleurs, souvent, à contre-courant sur les « affaires africaines » qu’il s’agisse des relations avec Laurent Gbagbo, le président de la République de Côte d’Ivoire, ou de la perception du bien-fondé du « Discours de Dakar » prononcé par Nicolas Sarkozy en juillet 2007. Sans oublier, bien sûr, « l’affaire Mugabe » dans laquelle il s’est englué.

Parce que l’Afrique du Sud a été le pays de l’apartheid et que Nelson Mandela, qui en est sorti vivant, est devenu le géant de l’Afrique noire, ce pays est intouchable. Mais il est encore (pour combien de temps ?) des Sud-Africains capables de dire que l’Afrique du Sud de la corruption, du népotisme, du racket, du crime organisé…, en deux mots du « tout ANC » (que certains intellectuels sud-africains qualifient de « parti stalinien de droite »), n’est pas l’Afrique du Sud dont ont rêvé beaucoup de ceux qui ont combattu l’apartheid.

Mbeki, s’il avait été le président d’un pays africain autre que l’Afrique du Sud, n’aurait pas manqué d’être saccagé par la presse internationale. Parce qu’il venait après Mandela – dont il avait été le vice-président – parce que l’Afrique du Sud était une raison de ne pas désespérer de l’Afrique noire, les médias le ménageront. Jacob Zuma aura moins de scrupules. En juin 2005, Mbeki avait entrepris de se séparer brutalement de son vice-président dès lors que celui-ci était « empêtré dans une affaire de corruption ». Zuma deviendra ainsi le plus redoutable adversaire de Mbeki ; un électron libre qui va entreprendre, rapidement, de conquérir le pouvoir en conquérant le parti. Le 20 décembre 2007, il prend la tête de l’ANC et éradique l’opposition interne.

Le 8 janvier 2008, il est désigné candidat officiel de l’ANC à la présidentielle. Le 12 septembre 2008, il fait invalider les poursuites engagées contre lui dans une affaire de corruption (après avoir été acquitté dans une affaire de viol : « Elle était en demande et, dans la culture zouloue, une femme en demande doit être satisfaite »). Un véritable coup d’Etat politique (cf. LDD Afrique du Sud 011/Vendredi 24 septembre 2008). La « personnalité » de Zuma fera que les commentateurs internationaux se focaliseront sur un comportement qui, vu d’ailleurs, pouvait paraître caricatural, quand il fallait se préoccuper des ambitions géopolitiques de Pretoria. Mandela avait, diplomatiquement, surfé sur la crise zaïroise ; Mbeki avait surfé sur la « crise ivoiro-ivoirienne » ; Zuma va surfer sur la crise libyenne (cf. LDD Afrique du Sud 015/Jeudi 3 novembre 2011). Zuma ne cessera de fustiger l’intervention de l’OTAN (bien qu’en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies l’Afrique du Sud ait voté en faveur de la résolution 1973 mais Pretoria n’est pas à une contradiction diplomatique près), de proposer, imperturbablement, une médiation dont personne ne pouvait croire qu’elle aboutirait, et de déplorer l’assassinat de Kadhafi.

Il se satisfaisait, tout compte fait, d’une intervention « occidentale » en Libye qui lui permettait, tout à la fois, de dégager définitivement en touche un leader africain encombrant qui lui faisait de l’ombre et de faire vibrer la fibre souverainiste de quelques peuples africains dans la plus pure tradition de l’ANC ; dont on oublie, depuis qu’il est au pouvoir, qu’il a été un parti progressiste et anti-impéraliste.

* Le 24 juillet 1985, Laurent Fabius, premier ministre français, annoncera la suspension de tout nouvel investissement en Afrique du Sud. L’ambassadeur de France à Pretoria sera rappelé. Le 26 juillet 1985, les Nations unies adopteront la résolution 569 présentée par la France instituant les sanctions économiques contre l’Afrique du Sud. Le 13 novembre 1985, le gouvernement français annoncera qu’il ne renouvellera pas les contrats d’importation de charbon sud-africain.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 26 juillet 2012 à 19:27, par sie En réponse à : Pour le compte de qui le rouleau compresseur Sud-Africain s’est-il mis en branle à la tête de l’Union africaine ? (2/3)

    La résolution 1973 du conseil de sécurité, que les sud-africains ont voté, n’a pas dit d’attaquer la Libye mais d’empêcher les avions militaires libyens de décoller. Les occidentaux ont bel et bien violer cette résolution en détruisant systématiquement toutes les infrastructures libyenne et en contribuant finalement à l’assassinat de Khadafi. La France de Sarkhozy a craint les révélations que Khadafi a menacé de faire et lui a réglé son compte.
    La France de Sarkhozy n’a pas supporté que jusqu’au bout l’Afrique du sud de Zuma et le Mali d’ATT se soient opposé à cette violation de cette résolution. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France n’a pas condamné le coup d’État contre ATT et s’est juste contenté de demander de ne pas attenté à la vie du Président.
    Je pense ce écrit a pour ambition de ternir l’image de défenseur des intérêts de l’Afrique que présente la nouvelle présidente de la commission de l’UA

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