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Aboutissement de la facilitation de l’Accord de Ouaga : Boureima Badini reconnaissant au Faso.net

Publié le mercredi 4 juillet 2012 à 00h38min

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Bien que très occupé en ce moment par la rédaction des rapports de sa mission de Représentant du Facilitateur de l’Accord politique de Ouagadougou (APO), Boureima Badini a su trouver du temps ce lundi 2 juillet 2012 pour se rendre dans les nouveaux locaux du principal portail d’informations sur le Burkina, Lefaso.net, à qui il a rendu un vibrant hommage pour le soutien inestimable dont il a bénéficié.

« Vous faites vraiment œuvre utile. Vous êtes un site important par lequel beaucoup de gens s’informent, même ici au Burkina Faso. En tout cas, je tenais surtout à venir vous dire merci pour votre grande contribution pour la réussite de notre mission. Certes, les choses n’ont pas été faciles. Nous sommes allé pour dix mois et nous en avons fait pratiquement quatre ans et demi. Mais, votre soutien a contribué à faire comprendre davantage la mission qui était la nôtre », confie t-il au fondateur du Faso.net, Dr Cyriaque Paré, qui l’a accueilli à bras ouvert à son arrivée.

Accompagné par deux de ses plus proches collaborateurs, Badini est venu ainsi exprimer de vive voix sa gratitude. Et d’expliquer pendant son tête-à-tête avec le fondateur : ‘’ Pour moi le défi dès le départ, quand j’ai discuté avec mon chargé de communication Jean-Baptiste Ilboudo, c’était de donner de la visibilité à notre action, parce que beaucoup de Burkinabè n’hésitaient pas à se poser la question de savoir ce que le Burkina Faso et Blaise Compaoré allaient faire en Côte d’Ivoire, surtout qu’à l’époque nous avons été accusés d’être des pompiers pyromanes.

Il fallait expliquer pourquoi nous y allions. Grâce à votre appui, nous avons été compris par les Burkinabè et écouté par les acteurs ivoiriens qui savaient que nous étions soutenu par le Président du Faso et le peuple burkinabè. Je tenais donc à vous remercier et toute la presse entière pour cet accompagnement’’.

Se félicitant de la visite du Représentant du Facilitateur, Dr Paré a dit que c’était pour lui un grand plaisir et un grand honneur de l’accueillir. « Le succès que vous avez atteint aujourd’hui nous rend aussi fier parce qu’on se dit qu’on y a contribué d’une certaine manière. Nous sommes vraiment content que vous ayez fait cette démarche pour nous rendre visite ». S’agissant du soutien dont Monsieur Badini a bénéficié du Faso.net pendant sa mission, le fondateur a dit que c’était par devoir que cela a été fait. « C’était un devoir pour nous de donner de la visibilité à l’information sur le Burkina et d’aider à comprendre parce que nous-mêmes nous avons été interpellé sur ce qui se passait en Côte d’Ivoire, sur la position du Burkina Faso par rapport à la crise ». Avant Lefaso.net, poursuit-il, un autre site, Burkinet.com, avait créé avec des amis à l’époque dans le même esprit pour servir en quelque sorte de répondant aux thèses ivoiriennes sur la crise.

Malheureusement, ce premier site a été détruit par des informaticiens mercenaires à la solde de l’ancien pouvoir ivoirien tant la guerre de communication faisait rage. La mission de Boureima Badini en Côte d’Ivoire est finie mais, il y a lieu, à l’entendre, de continuer à renforcer le sillon tracé. « Il faut que nous puissions être à l’écoute pour aider la Côte d’Ivoire à aider aussi nos parents. Nous devons tout mettre en œuvre pour consolider davantage les liens séculaires et historiques entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire afin que l’entente, la compréhension soient les maîtres mots de nos relations », préconise t-il.
Le Représentant du Facilitateur a naturellement eu droit à une visite guidée des différents services du Faso.net : direction générale, rédaction, direction commerciale.

Avant d’être raccompagné à la fin de la visite par ses hôtes, le Représentant du Facilitateur s’est entretenu avec la rédaction. Sans faux-fuyant et dans le franc- parler qu’on lui connaît, Boureima Badini s’est prononcé sur des sujets d’actualité : crise malienne, événements de Ouahigouya, situation au CDP, justice burkinabè… sport. Evidemment des aspects de sa mission de Représentant du Facilitateur ont fait l’objet de questions de la part des membres de la rédaction.

Grégoire B. BAZIE et Jacques Théodore BALIMA
Ph. Bonaventure PARE


Lefaso.net : Que retenez-vous brièvement de votre mission en Côte d’Ivoire ?

Boureima Badini : J’ai pu réaliser une très bonne expérience. J’étais dans la haute diplomatie. Etant magistrat de formation, je me suis retrouvé dans la diplomatie par la volonté du chef de l’Etat. La tâche n’a pas été facile parce qu’il fallait beaucoup de doigté et de diplomatie pour résoudre la crise ivoirienne. Nous avons de ce fait discuté avec les parties signataires de l’Accord politique de Ouagadougou (APO). Cet accord a été parrainé par le président du Faso (NDLR, Blaise Compaoré). De ce fait, le Burkina Faso s’est retrouvé impliqué dans la résolution de la crise en Côte d’Ivoire adoubé par la Cedeao, l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Nous avons organisé le dialogue avec les partis politiques ivoiriens et certaines organisations de la société civile. A chaque fois que nous avions des difficultés à expliquer certaines choses à des gens, nous les faisions venir à Ouagadougou et sous l’égide du président du Faso, les problèmes se résolvaient. Nous avions également voulu que plusieurs acteurs politiques ivoiriens ou de la société civile rencontrent le chef de l’Etat burkinabè. Car là, ils feront ample connaissance. Les problèmes sont souvent difficiles à résoudre lorsque les gens ne se connaissent pas très bien.

Quels bons souvenirs gardez-vous de votre mission ?

C’est lorsqu’on arrivait à mener une bonne discussion entre le président Laurent Gbagbo et notamment Guillaume Soro (NDLR, actuel président de l’Assemblée nationale) ou avec les autres partis politiques. Les Cadres permanents de concertation (CPC) étaient toujours des moments fort agréables pour nous. Il est vrai qu’au départ nous nous demandions si les choses allaient bien se passer. Parce qu’ils réunissaient en son temps, les présidents Laurent Gbagbo du FPI, Henri Konan Bédié, du PDCI-RDA, Alassane Dramane Ouattara du RDR et Guillaume Soro qui représentait les Forces nouvelles. Tous ceux discutaient des grandes questions afin d’avancer dans la mise en œuvre de l’APO.

Mais à la fin, on obtenait toujours des décisions consensuelles, réalisables et applicables.
Je me souviens également que nous avions réussi à organiser une rencontre avec le président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro à un moment où nous doutions des avancées réelles dans la mise en œuvre de l’APO. La rencontre a eu lieu et ces deux personnalités sont même allées faire une villégiature en bateau de luxe sur la lagune Ebrié. Nous avons aussi réussi à convaincre le président Gbagbo à rendre visite à son aîné Henri Konan Bédié du PDCI-RDA et à Alassane Dramane Ouattara du RDR. Ils ont discuté des grandes questions. Cette visite nous a procuré une grande satisfaction.

Le bouquet final a été la tenue de la présidentielle ivoirienne. Ce pour quoi, nous étions allés en Côte d’Ivoire a été rempli. Car nous avions pour mission d’organiser les audiences foraines, l’identification, la distribution des cartes nationales d’identité. Nous avons aussi eu une liste électorale saine et fiable.

Avant de quitter la Côte d’Ivoire, vous avez été fait chef traditionnel…

Oui. Et cela m’a énormément fait plaisir. Au début de ma mission, je suis allé les saluer, me présenter et leur parler des objectifs de ma venue en Côte d’Ivoire. il était donc normal qu’à mon départ que je parte les remercier pour leur soutien dont j’avais bénéficié. C’est dans cela que j’ai été fait chef traditionnel agni de Côte d’Ivoire avec pour nom Nana Agnini. C’était une grande joie pour moi et pour l’équipe et une reconnaissance pour le Burkina Faso. Il vous souviendra aussi que le président du Faso avait été fait roi ici par le Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Ce sont des marques de reconnaissance au travail qui a été fait.

Quels ont été vos mauvais souvenirs ?

Il est vrai que tout n’a pas été rose. Dans tout ce cheminement, il y a eu des périodes difficiles. Il y a eu des moments, nous avions des doutes face à la réticence de certaines parties. Les incompréhensions n’ont pas manqué aussi. Certains ont pensé à un moment donné que nous avions un parti pris pour un acteur quelconque de la politique ivoirienne. Alors que nous nous battions pour rester sur la difficile et raide ligne de l’objectivité. Fort heureusement, les uns et les autres compris au fur et à mesure qu’on avançait que nous étions impartiaux dans cette crise. Les incompréhensions se rencontraient dans tous les camps. On nous, Guillaume Soro et moi, a même accusé d’avoir pris fait et cause pour Gbagbo alors qu’il n’en était rien. Car il était de notre devoir de discuter avec lui puisqu’il était signataire de l’APO et chef de l’Etat.

Finalement nous sommes arrivés à la période des élections et le refus de reconnaitre les résultats par le président Gbagbo. Cette période a été très difficile. Car nous nous sommes demandé si tout ce qu’on avait fait durant ce tems était voué à l’échec. Lors du dernier CPC à Ouagadougou, le président du Faso avait demandé à tous les protagonistes d’accepter la tenue d’élections libres et transparentes. Il leur avait aussi demandé de reconnaitre les résultats. Mais les choses ne sont passées ainsi.

Vous avez donc dû rentrer précipitamment au Burkina…

Pas précipitamment mais stratégiquement. Puisqu’avec l’Onuci, la CEI et le Conseil constitutionnel, nous étions destinataires des procès verbaux des élections. Nous avons traité ces procès verbaux et nous étions arrivés à un résultat de 54,25% pour Alassane Dramane Ouattara. Nous étions à quelques chiffres près des résultats qui avaient trouvé 54,10%. L’Onuci était dans la même mouvance que nous. Après cela, nous avons estimé que notre travail était fini en Côte d’Ivoire car nous n’avions pas pour mandat de certifier les élections. Et pour éviter que les 3 millions de Burkinabè qui vivaient ne fassent pas objet d’exactions ou de déclarations sordides, nous avons replié au pays et laisser la Communauté internationale s’occuper de la suite.

Même en n’y étant pas, des gens ont manifesté pour empêcher que le président du Faso vienne en Côte d’Ivoire. Si j’y étais resté, je pouvais faire objet de représailles. Ma maison a même été attaquée par des manifestants.
Peut-on dire à l’heure actuelle que la crise est définitivement passée ?
Il faut être prudent dans l’analyse parce qu’une crise aussi profonde que celle là ne peut pas se résorber en un tour de main. La violence qu’il a fallu pour rétablir le pouvoir à Abidjan a laissé des séquelles. Il y a un grand chantier sur la réconciliation qu’il faut entreprendre pour amener les uns et les autres à adhérer au programme politique qui est aujourd’hui dirigé par le président Alassane Dramane Ouattara.

Il y a aussi le grand chantier de la reforme de l’Armée qu’il faut entreprendre afin de réussir une réinsertion véritable des anciens combattants. Cela leur permettra de participer au développement de la Côte d’Ivoire et sécuriser les populations. Même s’il est vrai qu’à l’époque Abidjan n’était pas une ville si sécurisée, l’insécurité s’est empirée avec la distribution des armes un peu pêle-mêle à l’intérieur de la ville. Il va donc falloir une bonne politique de réinsertion à entreprendre afin que nous parvenions à une sérénité. Le président Alassane Dramane Ouattara fait tous les efforts nécessaires à cela. La Côte d’Ivoire vient d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE (NDLR, Pays pauvre très endetté).

Ce qui signifie une remise de dette de plus de 4 000 milliards de francs CFA. Tout cet argent sera injecté dans l’économie nationale afin de permettre aux grands chantiers de démarrer. La réconciliation des cœurs et des esprits doit pouvoir se poursuivre au grand bonheur du peuple ivoirien. En arrivant en Côte d’Ivoire, j’ai fait la connaissance d’un peuple très ambiant, accueillant et qui a surtout la joie de vivre. Le vivre ensemble doit normalement être réalisé grâce aux efforts accomplis par le président Alassane Dramane Ouattara.

Comment aviez-vous appréhendé à l’époque la mission lorsque le président du Faso vous la confiait au lendemain de la signature le 4 mars 2007 de l’Accord politique de Ouagadougou ?

Je n’étais pas à ma première mission. Au plan national, j’avais déjà rempli certaines tâches. Mais je me suis demandé, lorsque le chef de l’Etat m’avait informé, pourquoi c’est moi qui ai été choisi ? Et quel était mon rôle là bas puisqu’un accord politique avait été signé. Habituellement, les accords sont laissés au gré du vent. Mais le président du Faso avait eu le nez creux en nommant un représentant spécial. En allant sur place, j’ai vu la dimension de la mission. Sans hésiter je me suis donc mis à la tâche. Je participais à toutes les réunions. Peu importe l’heure. Avec mon équipe de conseillers, j’étais disponible. Passés les tâtonnements du début, nous avons compris qu’il fallait continuer le dialogue et la discussion avec les différents acteurs parce que tout n’était pas de signer l’accord mais de pouvoir l’exécuter par la suite.

Mais en dépit de toutes les difficultés inhérentes à la mission, nous avons pu faire renaitre la confiance entre les signataires de l’APO avant d’impliquer toute la société civile.

Quel était le programme du représentant spécial du facilitateur dans le dialogue inter ivoirien ?

Mon calendrier était établi en fonction des difficultés du jour. Si bien qu’en me couchant, je cherche des solutions aux problèmes. Nous étions dans une situation où il ne fallait pas fuir les difficultés. Je programmais aussi mes audiences. Mes collaborateurs participaient à des réunions dans d’autres villes de la Côte d’Ivoire. Ensemble, nous faisions la mise en commun des résultats. C’est un peu comme cela qu’on fonctionnait.

Avec votre expérience de la Côte d’Ivoire, comment analysez-vous la crise au Mali ?

La situation au Mali est exceptionnelle en ce sens qu’elle est différente de celle qu’a connue la Côte d’Ivoire. La crise s’est aggravée avec le coup d’Etat contre le président Amadou Toumani Touré. Le problème de la transition demeure problématique à Bamako. Les rebelles occupent aujourd’hui plusieurs villes importantes du septentrion malien. Face à cela, je suggère de mettre l’accent sur le dialogue. Il faut chercher à connaitre les motivations réelles de la rébellion et l’amener à desserrer l’étau. Mais si la discussion ne porte pas de fruits, on pourrait utiliser des forces plus importantes. Du même coup, il faut que le président par intérim du Mali puisse recouvrir tous ses pouvoirs qui sont constitutionnels.

La Cedeao et le médiateur sont en train de mettre le bouchon double pour parvenir à des résultats. Mais la grande inquiétude est que les islamistes confortent leur position au Nord.

Quelles sont aujourd’hui les chances du médiateur de réussir dans cette crise ?

Un dialogue est déjà amorcé avec Ansar Dine et le MNLA (NDLR, Mouvement national pour la libération de l’Azawad) même si ce dernier n’est plus maître du Nord. La mission s’est beaucoup plus compliquée parce que AQMI s’est amenée dans la danse. Il faut néanmoins poursuivre les négociations. D’ailleurs on n’a pas obligation de résultats mais on a une obligation de moyens. La diplomatie burkinabè est active sur le terrain et est en train de faire ce qu’il faut. On ne peut pas réussir dans toutes les médiations. Même en Syrie, Koffi Annan ne réussit pas comme il faut. On ne peut pas se mettre tout de suite à se plaindre parce que la situation n’avance pas. Même en Côte d’Ivoire, les choses s’étaient bloquées à un moment donné. Si bien certains pensaient que nous n’allions pas réussir. Des Ivoiriens m’ont même dit que nous allions passer dix ans à faire la médiation. Personne n’y croyait encore. Mais le déblocage peut venir à tout moment. Surtout que la CPI menace de traquer ceux qui détruisent les monuments historiques. Tout cela peut contribuer à desserrer l’étau.

Pourtant certains soutiennent qu’on ne négocie pas avec des islamistes…
Il faut négocier avec tout élément qui est sur le terrain. Ceux qui pensent cela ont, à mon avis, tort. C’est comme si quelqu’un refusait de négocier avec son opposant. Chacun a quelque chose à dire et il faut l’écouter. Cela va permettre de comprendre ses préoccupations. C’est seulement après cela qu’on peut trouver des solutions aux différents problèmes. La force de la résolution d’une crise se trouve toujours dans la discussion et la négociation.

Pensez-vous que la situation se résoudra de si tôt au Mali ?

Forcément. Que ce soit par la négociation ou par la force la situation se calmera un jour au Mali. Je suis convaincu qu’un jour ou l’autre, le Mali va recouvrer la plénitude de son territoire.

L’autorité de la justice a été remise en cause par les habitants de Ouahigouya, votre ville d’origine. Que faut-il faire pour que le 3e pouvoir retrouve toutes ses prérogatives ?

Je déplore le fait que les gens ne respectent plus l’autorité de l’Etat. Et si on laisse continuer, chacun le paiera d’un jour à l’autre. Car si ce n’est vous, ce sera votre proche qui sera victime de cet incivisme. Les manifestations de Ouahigouya étaient mal à propos. Les autorités ont mis les efforts nécessaires pour corriger les choses. La justice est le dernier rempart. De ce fait, son autorité ne peut pas être bafouée.
Mais c’est une bonne chose que les manifestants soient revenus à la raison. Que ce soit Youmore qui devait savoir qu’il ne s’en sortirait pas puisqu’à cause du mandat de dépôt, la procédure pouvait reprendre à tout moment. Le syndicat des magistrats a aussi fait preuve de compréhension en arrêtant leur mouvement.

Vous avez été ministre de la Justice. Quel regard portez-vous actuellement sur l’institution ?

La situation de la justice s’est améliorée. Nous sommes arrivés à un moment très difficile et il fallait parer au plus pressé. En faisant un bilan du travail abattu par les ministres de la Justice qui se sont succédé, chacun a fait sa part. Et je loue le travail que fait aujourd’hui Mme Salimata Sawadogo.

La Justice burkinabè souffre de plusieurs maux. Que faut-il faire pour lui permettre de jouer son rôle ?

Le problème est simple. Le magistrat est issu du peuple. Cela lui donne les mêmes appréhensions que le peuple. Seulement qu’il est doté d’une parcelle de pouvoir qu’il doit exercer en toute responsabilité. On dit que les magistrats ne sont pas indépendants. Ce n’est pas vrai. Ils sont libres des décisions qu’ils rendent dans le cadre de leur travail. A Ouahigouya, le juge pouvait décider d’être plus sévère en condamnant à la prison ferme. Mais compte tenu de la situation, il a jugé nécessaire de ne pas le faire. Le magistrat, pour rendre sa décision, doit tenir compte de la situation qui prévaut. De nos jours, les magistrats doivent prendre leur responsabilité, leur indépendance et éviter la course au matériel.
Partant de mon expérience personnelle, j’ai été ministre de a Justice pendant 8 ans mais je n’ai pas reçu d’instructions de la part de quelqu’un pour gérer un dossier ou intervenir en faveur de qui que ce soit.

Mais, parlant de l’indépendance de la magistrature, vous auriez confié que vous préférez travailler avec des juges acquis que ceux indépendants…

L’article a été publié à la suite d’une discussion informelle avec des journalistes. Mais je n’ai pas parlé de juges acquis. Le journaliste a trouvé son terme qu’il a employé. Je n’en ai pas fait un problème. Toujours est-il que vous travaillerez avec des gens avec qui vous pouvez bavarder ou discuter souvent. En tant que ministre de la Justice, vous aurez à affecter des gens. Mais vous ne pourrez pas leur donner des instructions pour gérer d’une manière quelconque. Pour ma part, s’il s’agit d’aller pour un séminaire ou un atelier, je préfère m’entourer de gens qui ont la même vision des choses que moi.

Vous êtes membre du CDP qui semble traverser actuellement une période difficile. Que se passe-t-il réellement au sein du méga parti ?

C’est la dynamique interne qui est en marche et c’est une très bonne chose. Regardez à travers le monde, dans beaucoup de partis, il y a même des courants mais tous coulent de manière à ce le parti atteigne ses objectifs. Ce qui se passe au sein du CDP est le signe d’une démocratie. Parce qu’il n’y a pas longtemps, on ne discutait pas ainsi au sein du parti. La réunion a débuté à 9h pour s’achever à 14h alors qu’avant on finissait à 11h. Les gens n’acceptaient pas de s’exprimer si ainsi. Certains se taisaient et sortaient grommeler dans les couloirs. Franchement je ne vois pas en mal cette dynamique au sein du CDP. La preuve, personne n’a pour l’instant quitté le parti. Ceux qui étaient annoncé comme partants sont toujours là.

Même en dehors du parti, si vous avez une famille où les débats sont si francs, c’est vraiment une bonne chose.

Le CDP s’est doté d’un collège de conseillers politiques nationaux composé des militants de la première heure du parti. Qu’est-ce qui explique cette option ?

Je ne sais pas pourquoi mais retenez que c’est une organisation interne du parti. A un moment donné de son évolution, le CDP a décidé de se doter de Conseillers politiques nationaux. Permettez au parti de s’organiser comme il le souhaite. Il n’y a pas de problème en cela. J’ai été membre du bureau politique national mais je n’y étais plus à un moment donné. Est-ce que j’en ai fait un problème ? Tout le monde doit accepter que la dynamique se mette en marche. Il faut admettre que ceux qui ont fait votre ascension hier connaissent la leur aujourd’hui. C’est la nature normale des choses.

Pourtant certains, même des militants, pensent que c’est une manière de mettre des bonzes du parti sur la touche…

Ce n’est pas vrai. Nous travaillons en tout cas avec tout le monde. En ce qui concerne les problèmes du Nord, nous travaillons avec Salif Diallo. On s’appelle toujours pour parler des problèmes de la région. Il n’y a vraiment pas de problème.

De par le passé, une certaine minorité a dû accepter la volonté de la majorité. Pensez-vous que tout le monde était d’accord que le camarade Roch Marc Christian soit porté à la tête du parti ? Non ! Mais ceux qui étaient contre ont dû accepter la volonté de la majorité. Je pense que chacun doit trouver quelque chose à faire afin que le parti aille de l’avant.

A quand la prochaine édition de la Coupe de l’Espoir dont vous êtes le promoteur ?

Nous avons eu un coup d’arrêt l’année passée, après 17 éditions, pour évaluer le chemin parcouru et trouver des solutions au coup de semonce que nous avons reçus il y a deux ans. Après une analyse de ce problème, nous avons tenu une Assemblée générale avec tous les villages et les secteurs de la ville de Ouahigouya pour discuter de la coupe. Nous avons trouvé des solutions et nous repartons sur de nouvelles bases. Nous avons même mis en place sur place à Ouahigouya pour s’occuper de l’organisation de la coupe. Parmi les solutions retenues, les finales de la coupe des départements seront désormais tournantes selon l’ordre alphabétique. Pour cela, nous avons convenu de commencer par Bargha.

La finale de cette année se jouera le 7 juillet à Bargha. Avant cela, il y aura la veille une opération de dépistage du cancer du col de l’utérus de 100 femmes de la localité. Il y aura aussi une nuit culturelle à Bargha. La finale connaitra également la présence de la troupe des majorettes de Ouahigouya que j’ai mise en place. Une fanfare sera également créée pour accompagner ces majorettes car nous souhaitons les voir défiler le 11 décembre prochain (fête de l’indépendance) à Koudougou.
La finale des secteurs aura lieu le 14 juillet à Ouahigouya. Nous allons faire la course cycliste des hommes et des femmes et un grand défilé de mode d’artistes.

Vous avez parlé de coup de semonce porté à la coupe, que s’est-il passé ?
Tout est parti des histoires de mercenaires. Une équipe avait refusé de jouer parce que l’autre avait aligné des joueurs qui ne faisaient pas partie de son effectif. Habituel. Nous avons donc essayé d’être très vigilants là-dessus cette fois-ci. Le secteur 5 qui était à l’origine des contestations avait été suspendu pour 3 ans. Après la réforme, j’ai amnistié ce club par magnanimité. Ils ont donc pris part à la compétition et ils ont obtenu hier leur ticket pour la finale. Ce qui signifie que l’équipe a des joueurs talentueux.

Vous avez été président de la Fédération burkinabè de football. Les Etalons traversent actuellement une période d’insuccès. Que préconisez-vous pour relancer l’équipe ?

Tous les efforts ont été faits pour les Etalons. Le président du Faso s’est intéressé à l’équipe depuis longtemps. N’eut été le fait que le premier Burkinabè s’intéresse au football, on ne serait pas à ce niveau. Car sous son égide, il y a eu la création de plusieurs écoles de football qui ont permis de révéler des joueurs. Mais il nous manque la matière première. Il faut toujours mettre l’accent sur la formation. Lorsque j’étais président de la FBF, j’avais en projet d’organiser le championnat de petites catégories. On allait obliger tous les clubs de 1ère division à se doter de ces petites catégories. Je suis heureux que le gouvernement ait recommencé l’organisation des compétitions USSU-BF car ce sont des vraies pépinières. Encore faut-il que les gens puissent capitaliser tout cela dans les clubs.

Le deuxième aspect est que nous n’avons pas un championnat de bon niveau. Cela est dû au fait que les clubs n’ont pas de financements conséquents. J’avais donc proposé depuis longtemps que l’Etat voit dans quelles mesures financer les clubs par l’intermédiaire des différentes sociétés. Parce que j’imagine qu’une société peut débloquer 30 à 60 millions de francs CFA pour soutenir deux clubs quitte à leur demander des comptes à la fin de la saison. On peut même par là exiger de ces clubs certaines choses. Sinon aujourd’hui nos clubs vivent grâce aux bonnes volontés. Ces types de financements pourraient contribuer à rehausser le niveau de notre football. Depuis 1998, tout le monde croit que le Burkina est devenu une nation de football. Et quand ça ne marche pas à une compétition, on tombe à bras raccourcis sur l’entraineur. Au lieu de cela, il faut se mettre à la reconstruction.

Comment occupez-vous votre temps ?

Nous avons fermé nos bureaux en Côte d’Ivoire parce que notre mission est finie. Nous avons ramené de la documentation que nous remettrons aux Archives nationales afin qu’elles puissent être consultées par ceux qui le désirent. Nous avons même réalisé un CD des coupures presse pendant la crise ivoirienne. Je suis en train de faire mon rapport. Lorsque je l’aurai fini, tout sera disponible aux Archives nationales pour le grand public.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE et Jacques Théodore BALIMA

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