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Proche-Orient : Un malade qui fait peur

Publié le mardi 2 novembre 2004 à 07h08min

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Confiné depuis près de trois ans dans son quartier général de Ramallah, le leader palestinien, Yasser Arafat, n’en est sorti que malade et fatigué. Israël a consenti ce geste, dit-il, pour des raisons humanitaires. Une déclaration de bonne intention peu convaincante quand on sait qu’au même moment, Ariel Sharon, le premier ministre israélien, dissertait sur le lieu où M. Arafat serait enterré...

Il est fort probable que les autorités israéliennes aient plutôt craint une forte explosion de colère des Palestiniens si Arafat venait à mourir à Ramallah, sans avoir eu les soins requis. D’ailleurs, un débat s’est ouvert en Israël sur l’opportunité ou non d’accepter un éventuel retour de Yasser Arafat.

Toute cette polémique autour d’une maladie est l’illustration parfaite du rôle prépondérant du président de l’Autorité palestinienne dans tout processus de négociation et de sortie de crise. En plus de la légalité et de la légitimité dont il jouit, Yasser Arafat fait l’objet d’une admiration quasi-messianique par son peuple. Son charisme vient de ce qu’il a affronté les épreuves et les écueils propres à une lutte de libération comme celle qu’il a menée. On ne remplace pas un tel combattant dans le coeur des Palestiniens. Bien sûr, les institutions et les mécanismes existent pour permettre une transition en douceur en cas de vacance du pouvoir. Mais n’empêche que Yasser Arafat reste un symbole puissant de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne.

La France, en acceptant d’accueillir ce malade pas comme les autres, enlève du coup une épine aux pieds des Israéliens, des Arabes et des Américains. Le monde arabe, qui a laissé le vieux leader croupir dans sa prison de la Moukata, a dû pousser un ouf de soulagement après son évacuation vers la France. D’une certaine façon, les pays arabes, par leur silence coupable, sont responsables de la situation de Yasser Arafat, à l’image même du processus de paix moribond dans la région.

Yasser Arafat ne s’y trompe d’ailleurs pas, lui qui a confié au prix Nobel de la paix, Henry Kissinger : "Les Saoudiens nous ont isolés, les Jordaniens cherchent à nous affaiblir et les Syriens, à nous dominer". De même, l’Amérique de Bush a clairement choisi son camp, surtout depuis qu’elle a fait de la lutte contre le terrorisme l’axe central de sa politique extérieure. Ainsi, un amalgame savant est vite fait entre lutte de libération et terrorisme, donnant ainsi le feu vert à Israël pour réprimer et tuer, sans rendre compte à qui que ce soit. L’impunité totale ! D’où ces actes de désespoir commis par des kamikazes palestiniens, convaincus qu’aucune justice ne leur sera accordée.

La France va-t-elle pour autant tirer un bénéfice diplomatique de son geste en faveur de Yasser Arafat ? En dehors de la sympathie dont jouit la France auprès de la rue arabe (notamment en raison de sa position courageuse dans la crise irakienne), il est fort peu probable que Paris acquière plus de poids dans le processus de négociation israélo-palestinien. L’Amérique demeure la clé de toute perspective de paix. C’est elle seule qui, à cause de son appui diplomatique, militaire et économique à Israël, peut infléchir les positions de l’Etat hébreu. Or cette pression n’est pas du tout à l’ordre du jour. Aussi longtemps que la région sera troublée, Washington maintiendra Israël à un niveau de puissance militaire capable de neutraliser tous les pays arabes.

En ce qui concerne le président français, Jacques Chirac, tout au plus peut-il espérer un attendrissement des preneurs d’otages irakiens et la relaxe des journalistes français. Si victoire il y a, elle est plutôt symbolique. Les enjeux du conflit israélo-palestinien sont si énormes qu’un simple geste humanitaire ne peut les affecter et faire évoluer la situation. Mais Paris aura fait vibrer sa fibre de pays généreux et c’est toujours bon à prendre.

Le Pays

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