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SNC 2012 : Micmacs sur le dos des artistes

Publié le mardi 19 juin 2012 à 01h35min

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Après une semaine d’intenses joutes artistiques, les rideaux sont retombés, le 31 mars dernier, sur la 16e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC), à Bobo Dioulasso. « Hormis quelques insuffisances, la manifestation a été une réussite ». C’est en substance ce qui ressort d’un bilan provisoire présenté le 27 avril 2012, dans la cité de Sya. Si dans les rangs des organisateurs, l’on se frotte les mains et se félicite du succès réalisé, du côté des artistes, il en va autrement. Beaucoup disent avoir été grugés par certains individus.

La grogne monte en sourdine au sein de la grande famille des artistes musiciens, ayant pris part à la 16e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC), tenue du 24 au 31 mars 2012, à Bobo Dioulasso. Pour une bonne partie de ces artistes, à l’opposé du bilan élogieux dressé par les organisateurs, leur participation à la biennale de la culture n’aura été que désillusion. Pendant que certains se plaignent d’une programmation complaisante, d’autres disent avoir été grugés par certains individus manifestement sans scrupules, tapis dans les circuits de la programmation de la manifestation. A en croire les uns et les autres, la programmation a été dévoyée par la cupidité de certains membres de l’organisation. Un affairisme éhonté qui aura négativement affecté la qualité des spectacles proposés. A ce qu’on dit, la pratique n’est pas nouvelle. Elle existe depuis bien longtemps mais elle aurait pris des proportions jamais égalées lors de la dernière édition.

Officiellement, le cachet des artistes musiciens programmés sur les différents plateaux de la SNC s’élève à 300 000 FCFA, lorsqu’ils prestent en live. Pour ceux programmés pour jouer en play-back, ce cachet est de 150 000 FCFA. Malheureusement, dans les faits, ils sont rares qui arrivent à s’en tirer avec la totalité de leur cachet, à la suite de leurs prestations sur les plateaux de spectacles. La programmation des artistes a été le lieu de marchandages des plus infâmes. Ainsi, l’artiste ayant presté en live par exemple, doit céder le tiers de son cachet, soit 100 000 FCFA, à un membre influent de la « commission programmation ». Pour les play-backs, c’est 50 000 FCFA que l’artiste devra consentir à céder.

Sortir endetté de la SNC !

C’est la condition préalable pour être programmé sur un plateau de spectacle. L’accord secret, une fois scellé entre les deux parties, l’artiste, à la fin de sa prestation, est tenu de s’exécuter, sous peine de ne plus jamais se voir programmé sur un plateau de la SNC. SKB, une des victimes de cette escroquerie organisée que nous avons rencontré à Bobo Dioulasso, quelques semaines après la clôture de la SNC, raconte sa mésaventure. Sa déception est à la hauteur du préjudice subi. Il dit avoir préparé avec beaucoup d’abnégation cette édition de la SNC qu’il espérait mettre à profit pour se faire une petite santé financière.

A la fin, c’est la désillusion totale. Il en est ressorti endetté. Sur les 300 000 FCFA qu’il a reçus, à l’issue de sa prestation en live, il a dû céder dans un premier temps 100 000 FCFA à « qui de droit ». Ensuite, on lui a exigé 50 autre mille FCFA, pour, semble-t-il, désintéresser une autre personne venue de Ouagadougou, précisément du ministère de la Culture. Ce dernier aurait pesé de tout son poids pour que l’infortuné soit programmé. Des 150 000 restant, il devait désintéresser ses 4 musiciens instrumentistes qui l’ont accompagné sur scène, à raison de 30 000 FCFA chacun. Sans oublier le studio de répétition qu’il devait aussi payer…

Comme lui, ils sont nombreux dans la même situation. Mais impossible pour eux de protester publiquement, à visage découvert. « C’est une mafia. Si tu protestes, tu es grillé à jamais. On est obligé de subir et se taire par rapport à demain… », explique un autre artiste. Au siège de la SNC, sis boulevard de l’Indépendance de Bobo Dioulasso, on semble ignorer l’existence de ces pratiques. Le Secrétaire permanent de l’institution, Dansa Jean marie Bitchibali, estime à plus de 90 millions de FCFA, le montant alloué aux cachets, primes et autres prix spéciaux versés aux artistes. En dehors de quelques difficultés liées notamment aux questions d’hébergements et de transport, tout s’est bien passé à ses yeux pour les artistes qui, note-t-il en passant, « tiennent vraiment à leur biennale ». Pourtant, l’affaire commence à faire grand bruit. Le « deal » a très bien fonctionné et de gros sous ont été amassés, au grand dam des artistes.

« Les Bobolais menacent de marcher si… »

Un grand nombre d’artistes de Bobo Dioulasso est concerné par cette situation. On a privilégié les artistes originaires de Bobo. Surtout les artistes en herbe souvent sans œuvre confirmée. Avec eux, les choses sont plus concrètes et chacun y gagne. Ce genre d’artiste qui, en temps normal, ne pouvait espérer jouer sur un plateau de la SNC, est prêt à « marcher », quelles que soient les conditions proposées. Ainsi, l’on a pu voir, sur certains plateaux, des artistes prester même avec des prémaquettes. Pendant ce temps, certains artistes confirmés sont royalement ignorés. Au meilleur des cas, ils sont programmés pour jouer en play-back. En effet, les grands artistes ne sont pas favorables à ce genre de « deal ». Eux n’acceptent pas de marchandage sur leur cachet. C’est ce qui explique que la grande majorité des artistes programmés sont des débutants ou de parfaits inconnus, « recrutés » sur place, à Bobo Dioulasso. Sur près de 300 artistes programmés, dit-on, le plus gros du lot est composé de ressortissant de Sya. Juste un nombre squelettique (environ une quarantaine) a été réservé à Ouagadougou et aux autres provinces. Selon des observateurs avertis, cette pratique pernicieuse a considérablement entaché la qualité de la programmation de la dernière SNC.

D’ailleurs, cela a failli engendrer un incident entre organisateurs et artistes non ressortissants de Bobo. En effet, bien avant l’entame de la manifestation, face à ce grand déséquilibre dans la répartition, pour une manifestation à caractère national, certains artistes de Ouagadougou auraient demandé à comprendre. Mais on a vite fait de brandir un argument bien spécieux : « Les artistes bobolais menacent de marcher si toutefois, le plus grand nombre ne leur revient pas… ». Dans les rangs des artistes, on en appelle à la vigilance de l’autorité pour mettre fin à ces pratiques qui risquent de porter un coup dur à l’image de marque de la SNC.

Par Y. Ladji BAMA

Le Reporter

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