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Jean-Claude Bouda : "Investir dans l’artisanat pour lutter contre la pauvreté"

Publié le vendredi 29 octobre 2004 à 07h41min

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Le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) qui ouvre aujourd’hui ses portes est placé sous le thème "investir dans l’artisanat africain, un secteur émergent". Artisans, acheteurs professionnels et visiteurs se côtoieront ainsi du 29 octobre au 7 novembre 2004.

Sidwaya a rencontré Jean-Claude Bouda, le commissaire général du SIAO. Il revient entre autres sur le thème de la présente édition et sur plusieurs aspects de la manifestation.

Sidwaya (S) : Monsieur le commissaire général explicitez-nous le thème du présent SIAO : Investir dans l’artisanat africain, un secteur émergent".

Jean Claude Bouda (JCB) : En fait, ce thème est une forme d’interpellation auprès des pouvoirs publics du secteur privé et des partenaires au développement. Le secteur de l’artisanat a été longtemps marginalisé ou est très peu pris en considération dans le cadre des politiques de développement. Les gens ont une vision restrictive et quelquefois péjorative de l’artisanat. Ils ne pensent qu’aux masques et les statuettes alors que l’artisanat est beaucoup plus vaste. C’est un secteur de production comme tout autre secteur. L’artisanat dans nos pays fait vivre beaucoup de personnes. Ce secteur occupe une place importante dans nos différentes économies.

L’artisanat représente globalement entre 25 à 30% du produit intérieur brut (PIB). Selon une étude réalisée dans l’espace UEMOA, ce taux varie entre 10 à 30% du PIB. Donc, l’artisanat regroupe trois grands secteurs à savoir l’artisanat de production de service et d’art. Le plus connu demeure l’artisanat d’art c’est à dire les bronziers, les maroquiniers les bijoutiers etc. Mais quand vous prenez un secteur comme l’arisanat de production, vous verrez qu’il y a beaucoup de personnes qui vivent de cette filière. C’est cet artisanat qui sert d’appoint à l’agriculture.

Certaines machines agricoles sont fabriquées par des artisans, généralement dans la menuiserie métallique, les charrues, les houes mangas. Dans le domaine de l’hydraulique, certains partenaires au développement font appel aux artisans pour réaliser des pompes manuelles. Ensuite, il y a l’artisanat de service. Là, nous retrouvons par exemple les coiffeuses pour l’art capillaire, les réparateurs de montres dans l’électronique. Il y a un métier qui se développe de plus en plus, c’est celui des réparateurs de cellulaires.

Ce sont des artisans parce qu’ils ne sont pas encore enregistrés comme des opérateurs économiques. Ils n’ont pas de registre de commerce. Et enfin, l’artisanat d’art regroupe tout ce qui est objet de décoration, les statuettes, les masques. Tout ce qui a un caractère esthétique, fonctionnel. Aujourd’hui, les gens veulent acheter un objet qui est beau, fonctionnel et utilitaire. Donc, il faut arriver à aligner toutes ces caractéristiques à l’objet. Quand on produit, c’est pour un marché. Si nous prenons l’artisanat de production de manière général, il est orienté vers le marché local. C’est le citoyen "lamda" qui va acheter à "Boince-yaaré" les arrosoirs, les seaux. Ce sont des consommateurs locaux.

C’est pourquoi, nous disons que l’artisanat de production peut constituer une véritable alternative au niveau non seulement de la création des richesses et des emplois mais aussi de la valorisation des ressources locales. C’est un secteur qui est très peu "capitalistique". On n’a pas besoin de gros investissements pour réaliser tous ces produits. S’il avait une seconde dévaluation, les gens se rendront compte de la nécessité de s’orienter vers la consommation locale. Ce sont ces produits d’une technologie simple qui peuvent sauver nos pays. Parce que permettant d’asseoir une véritable économie nationale. Donc, les efforts doivent être orientés vers ce secteur, parce que beaucoup de gens en vivent. Nous ne sommes pas tellement d’accord que ces acteurs soient assimilés au secteur informel.

Nous pensons qu’ils constituent de petites entreprises. Notre objectif, c’est de réaliser cette transition de la petite entreprise vers les PME/PMI. Parce que beaucoup de Nation se sont développés à partir d’un tissu dense de PMI. Des pays comme la Tunisie ou ceux d’Asie se sont développés à partir de celles-ci. C’est à partir de l’artisanat de production qu’on est arrivé à créer des voitures, des bicyclettes. L’artisan de Fada, Tonjonail qui a réalisé l’ambulance avec la moto, si on améliorait cela on pourrait un jour produire en série et passer au stade semi-indistruel. L’artisanat d’art est orienté quand à lui vers la demande touristique, donc vers l’exportation.

Nous avons observé qu’avec le village artisanal de plus en plus de Burkinabè achètent des objets d’art pour en faire des cadeaux. Mais ce sont les expatriés qui consomment le plus ces produits. Il y a aussi les exportateurs qui se positionnent sur des marchés extérieurs. Les problèmes du secteur de l’art sont d’abord de formation. Il faut une éthique professionnelle. Ce sont des problèmes d’accès au financement et au crédit. Donc, ce thème a été initié pour attirer vraiment l’attention des pouvoirs public et même des institutions sur la mise en place de mécanismes de financement adaptés aux réalités du secteur.

Si un artisan se présente aujourd’hui dans une banque, il est purement et simplement chassé. On va lui demander un registre de commerce et des garanties qu’il ne possède pas. Nous croyons qu’au niveau du ministère de la culture des arts et du tourisme la réflexion est amorcée pour la délivrance de cartes d’artisan et pour revoir même leurs statut. Il y a également les problèmes de promotion commerciale des produits artisanaux.

S. : Quelle peut être la forme d’investissement ?

JCB : D’abord, c’est permettre l’accès des artisans aux marchés publics. Tel est le grand problème à résoudre. La réglementation des marchés publics telle qu’elle est, exclut un pan entier d’acteurs économiques que sont les artisans. Beaucoup d’artisans peuvent par exemple fabriquer des tables-bancs. Mais la réglementation des marchés publics fait qu’ils ne peuvent pas présenter une attestation de situation fiscale, ni un registre de commerce.

Alors qu’est-ce qui se passe ? Ce sont les grosses entreprises qui prennent les marchés et viennent sous-traiter avec les artisans. Donc, nous disons qu’il faut une réelle volonté politique pour aider les artisans à accéder aux marchés publics. Il y a l’exemple du Sénégal où le président Wade en dépit des textes, a pris un décret pour imposer un taux d’accès de 40 % pour les artisans et 60 pour les grandes entreprises. C’est comme cela qu’ils sont arrivés à créer un réseau d’artisans qui a amélioré leurs capacités de production. Ils ont pu se former, recruter des travailleurs et amélioré leurs revenus. Dans l’atelier de production, l’organisation est de type dualiste. Il faut amener les gens à consommer les produits de nos artisans.

S. : Est-ce que les artisans ont un cadre pour défendre leurs intérêts ? Apparemment vous parlez à leur place ?

JCB : Il n’y a pas de SIAO sans les artisans. Les responsabilités sont partagées. Nous tenons aussi un langage très clair aux artisans. Nous leur avons dit qu’il n’y a pas de cadeau sur cette terre. Il leur appartient de s’organiser et de faire du lobbying pour défendre leurs intérêts. La fédération nationale des artisans du Burkina Faso (FENABF) vient d’être créée. En fait, il y a comme un paradoxe. Le Burkina Faso est la patrie du SIAO.

Mais, c’est dans les autres pays que l’artisanat est le plus développé et le plus promu. En matière d’encadrement, de formation et même de financement, le Mali et le Sénégal sont très loin devant le Burkina. Vous avez des chambres de métier au Sénégal regroupant les différents corps de métiers. Au Burkina, en terme d’organisation du secteur, il y a une amorce avec la fédération. Mais nous pensons qu’ils doivent évoluer vers une chambre de métiers pour mieux défendre leurs intérêts. Tant qu’on n’est pas organisé, il est difficile de défendre efficacement ses intérêts.

S : Pour la présente édition, quelles sont les principales innovations ?

JCB : Les innovations se situent à deux niveaux. D’abord, au niveau organisationnel, nous avons pris des dispositions nouvelles. Vous savez que le salon, c’est la rencontre entre l’offre et la demande. Si ces deux ne se retrouvent pas, c’est qu’il n’y a pas de salon. Nous travaillons à ce que tous les acteurs (artisans et acheteurs) soient satisfaits. Pour cela, nous avons créé des commissions nouvelles qui prennent en compte les préoccupations des acteurs. Quand on prend les acheteurs professionnels, nous avons mis en place la commission assistance aux visiteurs et aux acheteurs professionnels. Cette commission est chargée d’accueillir depuis l’aéroport les acheteurs. Au jour d’aujourd’hui, nous en avons enregistré 200. Ils viennent d’Europe, du Brésil, du Japon, d’Australie etc. Malgré les velléités concurrentes qui se développent, le SIAO reste la plus grande manifestation de l’artisanat à l’échelle du continent.

Nous avons mis en place un dispositif pour donner aux acheteurs professionnels toute la documentation à temps, les badges et c’est très important. Et puis, leur donner également le plan du salon. Il y a le business center pour leur permettre de rencontrer des artisans et discuter dans un cadre agréable et pouvoir communiquer.

Cette année, il y a une nouveauté au niveau du business center. A travers une "web cam’’, l’acheteur pourra visionner l’article en trois dimensions et prendre la décision.

Au niveau de l’exposition générale, nous voulons dans l’histoire du SIAO introduire un pavillon du design. Ce pavillon, nous avons pu le réaliser grâce à l’appui logistique, technique, financier des partenaires français comme l’association française d’action artistique (AFAA), la ville de Saint Etienne (Saint Etienne Métropole) et la biennale du design de Saint Etienne. C’est l’une des plus grandes innovations. Il y a le pavillon de la créativité dans une version totalement rénovée et nous bénéficions du soutien de l’UNESCO. Il y a également les séminaires-ateliers. Cette année, nous voulons sortir avec des propositions concrètes.

Tous les grands partenaires du secteur sont là. Nous devrions aboutir à des conclusions, des propositions très claires parce qu’au sortir de cette rencontre, nous allons déboucher sur un programme global de développement de l’artisanat africain. Et si nous avons la chance, ce programme sera piloté par le Burkina Faso. Nous avons un collectif de partenaires comme l’UNESCO, l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) l’Union africaine (UA), l’UEMOA, le PNUD. Tous ont compris maintenant qu’il faut injecter de l’argent dans le secteur de l’artisanat pour lutter efficacement contre la pauvreté.

S.P. : Quel est le point en ce qui concerne la participation ?

JCB : Au niveau des stands, nous avons 2 types de participation. Nous avons la participation des Etats. C’est-à-dire un pays loue un stand et décide d’y installer ses artisans. Nous sommes à 26 pays. Nous avons fait une ouverture vers des pays comme la Malaisie, le Viêt-nam, l’Inde etc. Cela pour une raison toute simple, même si nous voulons nous fermer, la mondialisation est un phénomène implacable. Donc, mieux vaut qu’ils viennent et que nos artisans s’imprègnent de ce qu’ils font et qu’il y ait des échanges d’expériences. Nous allons admettre aussi des artisans français venus de Malaisie, du Brésil. Ces artisans ont atteint un niveau de développement très avancé dans l’artisanat. Ce qui nous réjouit beaucoup, ce sont les participations individuelles. C’est ça l’avenir du SIAO. Quand un artisan de sa propre initiative vient participer au SIAO, cela est important. Avec la crise en Côte d’Ivoire en 2002, les artisans individuels se sont cachés pour participer au SIAO.

C’est au SIAO que se trouve leur bonheur. Dans ce pays, on leur avait interdit de venir au SIAO. Mais cette année, la Côte d’ivoire vient en force, en masse à cause de poussée des artisans. Ceux qui profitent le plus du SIAO, en terme de chiffres d’affaire, e ventes et de commances, c’est en premier le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Mali. Ils vous font 100 millions en 10 jours au SIAO.

En tout état de cause les participations individuelles atteindre 2015.

Par ailleurs nous attendons 300 acheteurs professionnels venant principalement de France, d’espagne, d’Angleterre, des USA, du Canada, du Brésil, du Japon, d’Australie etc. Au niveau de la presse nationale et internationale, nous attendons près de 400 journalistes et envoyés spéciaux.

S. : Pour ce qui est de l’organisation, tout est-il fin prêt, surtout avec la présence au SIAO des étudiants ?

JCB : Bon ! Pour la période du SIAO, les étudiants sont partis. En tout cas, nous souhaitons qu’ils ne reviennent plus.

pour le SIAO, nous avons notre site. Nous serons prêts. Nous sommes dan l’événement, il faut être prudent. Cette année, nous avons un gros problème au niveau du pavillon climatisé. Il y a des demandes que nous ne pourrions pas satisfaire.

Vous avez l’Afrique du Sud qui demande 100 m2, le Nigeria autant, la Côte d’Ivoire 150 m2. Nous leur avons demandé pardon. Nous allons leur donner 50 m2 pour permettre aux autres d’en avoir.

Dans ce domaine, c’est une démonstration de force, c’est le prestige. Il y aura peut-être des demandes qui ne seront pas satisfaites. mais, nous avons posé le problème. Et on va le poser honnêtement.

Sincèrement, le site du SIAO est dépassé. Ce n’est pas une critique. C’est un constat. Ailleurs comme au Sénégal avec la FILAC au Ghana, on a prévu de l’espace en conséquence. Ce sont des superficies de 3,40 hectares. On ne peut pas tout construire en même temps. Nous avons prévu 8 hectares, et c’est déjà dépassé en terme d’espace. Donc il faut prévoir une extension et un pavillon climatisé. la demande est très forte.

S. : il semble que le prix d’entrée a été revu à la hausse pourquoi ?

JCB : Nous avançons un chiffre, c’est 500 F CFA .

Nous sommes passés de 300 F à l’édition précédente à 500 F...... Si nous devrions appliquer la vérité des prix, nous serions peut être à 1000 F ou 1500 F. mais il faut être réaliste. Nous croyons que 500 F, est un prix raisonnable. En matière de foire et salon, quand on y va déjà, cela veut dire que l’on est spécialisé dans l’artisanat. Une foire c’est généralement un grand public multisectoriel. On y trouve toutes sortes de produits vous savez qu’il y a des salons. Où on n’admet que des professionnels et les prix sont très élevés. Mais c’est lié vraiment à des impératifs de gestion. La fixation des prix obéit à des logiques économiques et de gestion.

Quand vous prenez les dépenses et les recettes, les dépenses organisationnelles sont énormes.

La subvention de l’Etat diminue d’année en année, les partenaires au développement nous soutiennent de moins en moins. ce qu’il faut, c’est d’optimiser nos recettes propres. Et nos recettes propres il n’ y en a pas beaucoup. Ce sont des recettes de location de stands. Nous n’avons pas touché aux prix des stands. Comme ce sont les artisans, nous leur avons loué les stands à 250 000 F CFA les 10 m2 (25 000 F/m2).

C’est au niveau de l’espace climatisé que nous avons vu les tarifs à la hausse. Parce que celui qui veut du luxe, il paie le prix. Même à ce niveau, honnêtement nous avons des problèmes .

Les 10m2 coûtent 500 000 F CFA et nous n’arrivons pas à satisfaire toute la demande.

S. : On constate qu’au fil des ans, la restauration prend de l’ampleur ?

JCB : Non, ça ne prend pas de l’ampleur. Cette année, nous avons 24 restaurants et 10 buvettes.

C’est tout. Les gens voulaient que nous augmentions le nombre. Nous leur avons dit non.

C’est bon comme cela. Ce n’est pas un salon de la gastronomie. Mais, ce sont de grandes buvettes.

Là, nous avons augmenté les tarifs. Une buvette coûte 500 0000 F CFA et les petits restaurants 200 000 F sous réserve (Rires).

S. : Après 20 ans d’existence, est-ce qu’on peut dire que le SIAO arrive à s’autofinancer ?

JCB : Ce n’est pas la vocation du SIAO parce que d’abord nous sommes un EPA. Nous avons une mission de service public. Mais si on veut que nous nous autofinançons, nous pouvons nous autofinancer. Seulement, c’est le visiteur qui va payer le prix et ce sont les artisans qui payeront les pots cassés. Il suffit seulement que nous pratiquons la vérité des prix, nous nous autofinancerons. Sinon, nous avons un taux moyen d’autofinancement de 65%. C’est appréciable.

Mais, notre vocation n’est pas de faire de l’argent, des profits. Pour justifier encore les prix, nous disons que chaque après midi des artistes se produiront sur le podium du SIAO de 16 h à 22 h, il y aura la fête. C’est vrai que le SIAO est un salon professionnel , commercial, mais le salon a aussi une dimension culturelle et festive. Donc chaque après midi, vous verrez qu’il y a la fête. Cela a un coût. 500 F CFA pour voir Amity Meria, le warba, ou des minis défilés de mode, ça vaut le coup et aussi quand vous regardez dans la sous-région en tenant compte des critères de convergence, les 500 F CFA sont vraiment dérisoires. Nous avons modernisé notre site qui répond maintenant aux normes internationales. Nous voulons en dehors des éditions du SIAO développer des initiatives pour renforcer notre autofinancement en tant que EPA. Nous voulons nous positionner sur le créneau des prestataires de service.

S. : Est-ce à dire que les prix d’entrée connaîtrons à chaque édition une hausse ?

JCB : Non, nous allons d’abord faire le point. Nous pensons que 500 F CFA, c’est bon.

Mais, c’est comme nous l’avons dit, il faut faire très attention. En Afrique ce n’est pas qu’il n y a pas eu d’initiatives culturelles. Nous ne sommes pas plus intelligents que les autres. Le seul problème est que les gens ont commis l’erreur d’être trop dépendants des subventions, soit de l’Etat soit des partenaires au développement. Ils n’ont pas eu le courage de développer des initiatives pour générer des ressources et garantir leur pérennité.

Aujourd’hui au SIAO, il y a des partenaires qui nous ont lâché croyant que nous ne survivrons pas. Ils nous ont imposé des conditionnalités qui nous a amené a rompre le partenariat.

Il faudrait aussi que les autres Etats soutiennent le SIAO parce que c’est un salon africain. Donc, il faut peut être imaginé une forme de contribution pour soutenir cette manifestation. Ceux qui profitent beaucoup plus du SIAO, ce sont les artisans des autres pays. On va rétorquer qu’il y a des retombées indirectes pour le Burkina Faso. Il faut , en tout cas travailler à rechercher l’équilibre entre les recettes et les dépenses.

S. : Est-ce que cette année des dispositions ont été prises pour éviter que le SIAO ne se transforme en Rood-wooko ?

JCB : C’est une question qui nous tient à cœur ; C’est le gros problème du SIAO. Vous savez, c’est dû aussi à la nature des acteurs. Nous avons trois problèmes, le phénomène des marchés ambulants, des occupations anarchiques et ceux qui ne respectent pas le caractère artisanal du SIAO. Nous allons lancer une guerre sans merci contre ces vendeurs ambulants, contre les occupations anarchiques et contre ceux qui veulent transformer le Salon en bazar. A partir de cette édition, cette anarchie prendra fin. Il y aura des sanctions très sévères. D’abord, le vendeur ambulant qui sera pris, verra ses objets confisqués. Concernant les occupations anarchiques, nous avons mis en place la commission contrôle et vérification.

Nous avons mis tous les moyens logistiques humains, matériels à la disposition de cette commission. Ce sont des délits. Comment peut-on occuper un espace sans avoir payé ? Mais, nous disons que les artisans sont complices. Nous le disons haut et fort quelque soit les conséquences. Et ils le savent. Lors de nos tournées, nous leur avons dit qu’ils sont complices. Parce que certains artisans même soudoient les membres du comité d’organisations s’installer. Nous ne pouvons pas confirmer ou infirmer ces accusations. Personnell. En revanche, nous disons que certains artisans sont complices de ces situations anormales.

Pour amortir les frais de location, ils permettent aux gens de s’installer dans leur stand moyennant quelque chose. Et nous, nous sommes informés de ces cas. Quand nous le leur disons, ils baissent la tête. Nous invitons les artisans à dénoncer ces cas. Nous voulons mettre un cadre opérationnel, agréable à leur disposition pour qu’ils puissent mener leurs transactions dans la sérénité avec les acheteurs. Mais s’ils transforment le SIAO en un vaste bazar, nous pensons que pour une question de crédibilité cela n’est pas intéressant.

Nous avons organisé des sessions de formation à Bobo et à Ouagadougou pour leur dire comment il faut tirer le meilleur parti d’une participation au SIAO. Ce n’est pas en bourrant un stand d’objets que l’on va attirer des acheteurs. Il y a des techniques de décoration. Il faut mettre simplement les plus beaux échantillons pour attirer les acheteurs. Le stand qui est bien décoré, attire l’attention. Donc, nous mènerons une guerre sans merci contre les vendeurs ambulants parce que des gens ont payé très chers les espaces. Les restaurateurs font rentrer les vendeurs avec des glacières et les font balader dans la cour. Nous interdisons également les installations électriques parallèles et la nuisance sonore. La cacophonie n’est pas bien. C’est un combat qui n’est pas facile.

Malheureusement, nous ne viendrons pas de sitôt à bout de ce phénomène parce qu’avec l’incident de Rood Wooko, ce SIAO constitue du pain béni pour tous les acteurs du secteur informel. Ils se disent que c’est l’occasion ou jamais de se rattraper. Nous aussi, nous les attendons de pied ferme.

S. : "Qu’est-ce qui est fait pour la promotion des artisans après chaque édition ?

JCB : Ce n’est pas notre mission. Mais, nous le faisons quand même. Il y a des structures d’encadrement, l’office national du commerce extérieur, la direction générale de l’artisanat, la fédération. L’après SIAO, généralement, nous essayons d’assister ceux qui nous tiennent informés. Mais, vous savez, avec les artisans, quand le salon se passe bien, vous ne les recevez plus. C’est quand ils ont des problèmes, qu’ils viennent vers nous. L’après SIAO consiste à suivre comment la manifestation s’est déroulée. Certains acheteurs nous interpellent parce que des artisans n’ont pas respecté les délais de livraison par exemple. Nous essayons de les mettre en confiance. Après SIAO, il faut faire le bilan et prendre les dispositions pour préparer l’édition à venir. Nous ne pouvons plus compter seulement sur le SIAO qui est une biennale pour vivre. Nous allons de plus en plus développer d’autres activités pour nous permettre d’avoir des ressources propres. Nous allons nous positionner sur le marché des prestations de service. Nous allons organiser des expositions pour des partenaires. Il semble qu’il y aura une foire agro-pastorale. Nous saluons cette initiative. Le secteur privé a beaucoup d’idées à développer.

S. : Parlons de la cérémonie d’ouverture. Qu’est-ce qui est prévu pour cela ?

JCB : La cérémonie d’ouverture est comme d’habitude placée sous le très patronage du président Blaise Compaoré. Nous avons fait appel au CENASA pour concevoir un spectacle chorégraphique s’inspirant du thème : "Investir dans l’artisanat africain, un secteur émergent’’. Nous avons invité une vedette africaine en occurrence Kamaldine. Bien sûr, les artistes nationaux se produiront. L’accent est mis sur les vedettes et les troupes nationales.


La teinture : 500 millions de FCFA d’exportations annuelles

Reconnue comme un sous-secteur de l’artisanat pourvoyeur d’emplois et de devises, la teinture occupe aujourd’hui avec le tissage, la couture et la broderie plusieurs centaines de personnes dans la seule ville de Ouagadougou. Regroupés en unions, groupements, coopératives ou exerçant à titre individuel, ces artisans avec l’appui de partenaires tels le Bureau des artisans (BA) et le Service d’appui-conseil aux coopératives artisanales (SACCA/CICCOPA) sont fortement impliqués dans la promotion d’une filière porteuse d’espoir pour l’économie du pays.

La teinture ne date pas d’aujourd’hui, elle a une longue tradition au Burkina. Préparée traditionnellement à l’aide de décoctions d’écorces, de plantes et de boue, la teinture, grâce au soutien de l’Etat à partir des années 1985 et l’avènement des technologies modernes, connaît un bel essor et un engouement certain. Elle occupe actuellement plusieurs centaines d’artisans dont la majorité sont des femmes qui exportent pour environ 500 millions de FCFA par an, selon des statistiques de l’Office national du commerce extérieur (ONAC) publiées en 1998.

Considérée à tort comme un sous-secteur peu productif de l’artisanat, la teinture n’occupait dans les années 1980, qu’une dizaine d’artisans répertoriés dans la ville de Ouagadougou. Aujourd’hui, les teinturiers et teinturières sont installés dans tous les quartiers de la capitale burkinabè. Ils concilient, dans la plupart des cas le tissage, la couture et la broderie.

L’introduction de la technique de teinture des fils a été une révolution dans le domaine. « Les fils teints, indiquent les spécialistes permettent après tissage, d’obtenir un produit fini de qualité ». Des pagnes aux mille couleurs ont fait ainsi leur apparition sur la place du marché.

La production de tissus en coton, (teints, imprimés à la cire) destinés à l’exportation se chiffrait à 9,5 millions de FCFA en 1989 (17 858 kg). Elle est passée, d’après les statistiques de l’ONAC, à 19,2 millions de FCFA en 1990 (24 817 kg) pour enfin, atteindre la centaine de millions de FCFA en 1998.

Apparition de grands établissements de teinture

Cette tendance à l’exportation a été renforcée par l’apparition de grands établissements de teinture à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou. Des maisons telles la Coopérative des teinturières et teinturiers du Kadiogo (CTTK), la Coopérative de production artisanale et féminine de Ouagadougou (COPAFO), le groupement « Wend Som Paseta » Sainte Perpétue (la bonté divine est infinie en langue mooré ), Tiko Tamou, Faso Masiri réalisent un chiffre d’affaires variant entre 30 à 50 millions de FCFA par an. Ces établissements disposent de plusieurs centaines d’employés et utilisent des équipements aussi bien traditionnels, semi-modernes que modernes.

Les tissus de coton teints sont exportés vers l’Europe (France, Belgique, Allemagne, Suisse), les Etats-Unis et le Canada. « Nous avons des commandes de nos correspondants de France, précisément de Dijon », a expliqué Gertrude Diarra, vice-présidente du groupement Sainte Perpétue sis à Paspanga. En 2004, Mme Diarra a révélé que son groupement par l’intermédiaire du partenaire SACCA/CICCOPA, a reçu une commande d’écharpes bogolan en grande quantité.

Avec une production moyenne de 100 tenues de bazin (teints) chacune, ses unités sont également présentes sur les marchés de la sous-région (Sénégal, Ghana, Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Niger et Nigeria). Entre 2003 et 2004, elles ont participé à presque toutes les foires sous-régionales grâce à l’appui des partenaires comme le BA et SACCA/CICCOPA.

Evoquant la cherté d’une participation à une foire sous-régionale liée particulièrement au coût des stands et des frais de voyage, au transport et à l’hébergement, la présidente de la CTTK, Denise Ouédraogo a confié qu’il sera difficile à son unité de prendre part à la prochaine foire de Dakar prévue en novembre prochain. « Le BA qui nous soutenait dans cette opération en prenant en charge la location du stand, a revu son appui financier pour ces genres de manifestations », a déploré Mme Ouédraogo.

Outre la production et la commercialisation des produits, toutes ces unités ont leur propre centre de formation. La COPAFO, selon sa présidente, Micheline Kondombo dispose d’un centre de formation en couture, teinture et tissage au premier niveau et au rez-de-chaussée de l’établissement. Le centre a une cinquantaine d’élèves, toutes catégories confondues. La formation est assurée par une dizaine de formateurs et dure trois années.

Nécessité d’une réorganisation du secteur

La création du BA respectivement en 1990 à Ouagadougou et 1991 à Bobo-Dioulasso, a permis aux acteurs du secteur de se regrouper en unions, groupements et coopératives dans le but de mieux orienter les activités (diversifier les motifs et briser la monotonie). « Le BA est d’un apport inestimable dans la promotion, la production, la commercialisation, ainsi que la modernisation de notre production », a souligné Mme Kondombo.

Malgré son apport en devises (environ une centaine de millions de FCFA par an), et sa contribution à la résolution du chômage, le secteur de la teinture traverse une zone de turbulence suite à des difficultés d’organisation des acteurs de la filière pour l’approvisionnement en matières premières.

La création d’une centrale d’achats en 1994 sous l’initiative du BA dans le but de minimiser les coûts de production en procédant à des achats groupés pour ravitailler les membres, bat encore de l’aile.

« Même si nous avons quelque peu réussi à uniformiser les prix à la commercialisation, il reste entendu que l’approvisionnement en tissus bazin, en fils de coton et en matières premières (soude caustique, hydrosol…) pose de sérieux problèmes », a déclaré le vice-président de la CTTK, Habib Coulibaly. Il préconise un soutien de l’Etat ou de partenaires au développement pour résoudre définitivement cette question de centrale d’achat.

Pour la présidente de la COFAPO, cette question mérite une profonde réflexion dans le but de corriger les lacunes de cette stratégie d’achats groupés. Mme Kondombo impute cependant la cherté des matières premières à l’incendie du marché Rood Woko. « La dispersion des commerçants a conduit à un changement de fournisseurs », souligne-t-elle.

Quant à la vice-présidente du groupement Sainte Perpétue, elle estime que la centrale d’achats a été une mauvaise expérience du fait de « la mauvaise volonté des plus nantis des artisans ».

Des stratégies pour une participation honorable à la 9e édition du SIAO

C’est dans cet environnement artisanal en pleine expansion que les teinturières et teinturiers du Kadiogo entendent, à travers de nouvelles créations, participer « brillamment » à la 9e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) qui se tient du 29 octobre au 7 novembre 2004.

Pour ce faire, de nouvelles stratégies ont été mises au point par ces différentes unités en vue d’être plus visibles, attractives au prochain SIAO. « Nous avons, de concert avec le groupement Sainte Perpétue, opté de prendre un seul stand pour mieux valoriser l’exposition de nos produits et en même temps, minimiser les coûts », a déclaré Mme Kondombo.

Pour Mme Diarra du groupement Sainte Perpétue, son unité présentera essentiellement des produits de la teinture traditionnelle, le bogolan. Reconnaissant que la filière du bogolan commence à être également saturée à l’instar des autres domaines de l’artisanat, Mme Diarra soutient que la différence se fera au niveau de la créativité. « Nous présenterons à cette édition du SIAO, trois nouveaux produits, à savoir la robe django qui sera vendue à 25 000 FCFA, les mini-boubous perlés à 12 500 FCFA et enfin, les chemises rochers à 15 000 FCFA ».

Dans le même ordre d’idée, Mme Kondombo a expliqué que pour préparer cette édition, le BA a initié une formation à l’attention des participants au SIAO. « Nous entendons présenter beaucoup de nouveautés en teinture, broderie et tissage », a-t-elle précisé soulignant que sa coopérative est fin prête pour la 9e édition du SIAO.

Issa SOMA


Le Bureau des artisans (BA) appuie les initiatives des artisans

Créés respectivement en 1990 et 1991 les BA de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont des structures d’appui à l’autopromotion de l’artisanat. Ces bureaux s’adressent aux artisans regroupés en associations de producteurs de biens utilitaires et de services.

Ils proposent des prestations et des services aux artisans et à leurs organisations en matière d’encadrement, d’appui, d’approvisionnement, de production et de commercialisation.

Dans un esprit de partenariat, ces bureaux appuient les initiatives des artisans en mettant l’accent sur l’émergence des femmes dans les créneaux porteurs. « Pour l’encadrement des artisans, le bureau met l’accent sur la formation, l’organisation du groupe et l’appui financier pour les voyages », a expliqué la responsable de la section commercialisation du BA de Ouagadougou, Awa Kanazoé.

C’est dans cette optique que les BA de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ont organisé le regroupement des teinturières et teinturiers en une union, coopérative ou encore en groupement en vue de leur apporter un appui conseil. « Nous avons mis sur pied une société de cautionnement qui permet à chaque membre de ces regroupements de verser une caution de 5 000 FCFA comme garantie auprès des institutions financières partenaires telles la Banque agricole et commerciale du Burkina (BACB) et les Caisses populaires », a expliqué Mme Kanazoé. Ainsi, chaque membre d’un regroupement quelconque d’artisans peut bénéficier d’un crédit auprès de ces structures.

Dans la perspective de la 9e édition du SIAO, les BA assistent les artisans au niveau des institutions bancaires afin que leur soient octroyés des crédits.

Pour cette édition du SIAO, la responsable de la section commercialisation du BA Ouagadougou souligne qu’un stand de 40 m2 a été retenu pour exposer les produits de l’Association des tisseuses du Kadiogo (ATK) regroupant 800 membres. L’ATK entend exposer du Faso dan fani, du bazin teint, du batik et du bogolan. Ce stand de 40 m2 sera géré de concert avec l’Association des couturières et couturiers du Kadiogo (ACCK). Au dernier SIAO tenu en 2002, le BA avait fait une recette d’environ 2,5 millions de F CFA au profit de l’ATK et de l’ACCK et les artisans espèrent doubler ce chiffre d’affaires.

Créés grâce au soutien financier de la République fédérale d’Allemagne à travers le projet GTZ, ces BA ont mis en place l’Union des organisations professionnelles de Ouagadougou (UNOPABO) et de Bobo-Dioulasso.

Outre la formation en marketing, manifestations commerciales, gestions simplifiées, calcul des prix des produits, les BA accèdent à la formation sur demande. C’est pour atteindre ces objectifs que des formations ont été dispensées aux participants du prochain SIAO afin qu’ils appréhendent mieux le marché de l’artisanat qui n’est point épargné par le phénomène de la mondialisation.

Issa SOMA


SIAO 2004 : Les artisans de l’Ouest reçoivent une formation

Du 05 au 06 octobre 2004, les artisans de la région ouest et de Bobo-Dioulasso devant exposer au IXè Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) étaient en atelier de formation à la chambre de commerce de Bobo-Dioulasso.

Le thème central de leurs échanges avec les responsables du SIAO et les structures d’appui était : "Comment réussir sa participation à une manifestation commerciale et internationale comme le SIAO" . Selon Jean-Claude Bicaba secrétaire général du ministère du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat, la rencontre de Bobo-Dioulasso devait "permettre aux différents exposants au SIAO de prendre conscience des enjeux que représente le marché des produits artisanaux et de créer une dynamique dans le fonctionnement de nos artisans sur les marchés internationaux". Aussi, pendant deux (02) jours, la centaine d’artisans présents à la Chambre de commerce de Bobo-Dioulasso a pu comprendre l’importance de la décision de participer à un salon, les contraintes qu’impose une exposition des produits de qualité. Ils ont, par la même occasion, appris à bien calculer et à fixer au mieux les prix des produits, à négocier et commercer avec les visiteurs et acheteurs professionnels. Ils ont enfin acquis des rudiments pour gérer et suivre les contacts et relations de partenariat enregistrés durant une manifestation comme le SIAO.

A souligner que cet atelier fait suite à un autre du même genre qui s’est déroulé à Ouagadougou du 29 au 30 septembre 2004 et "s’inscrit en droite ligne de la stratégie de promotion de l’artisanat, dans son volet formation" adoptée en 1999. A Bobo-Dioulasso, une rencontre avait déjà eu lieu le 17 juillet 2004 entre le commissariat général du SIAO et les mêmes artisans. C’est à la lumière des préoccupations de ces derniers que ces sessions de formation ont été organisées avec l’appui financier de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso (MEBF) et l’appui technique de l’Office national du commerce extérieur (ONAC), du Bureau des artisans (BA) et de la Fédération nationale des artisans du Burkina Faso (FENA-BF).

A l’ouverture de la rencontre, M. Jean-Claude Bouda, directeur général et commissaire générale du SIAO a rendu hommage aux artisans de Bobo-Dioulasso et de la région ouest parce que, dit-il "c’est le bureau culturel du Burkina. C’est une zone qui regorge d’artistes, d’artisans talentueux, pétris de savoir-faire et de créativité". Quant à M. Jean-Baptiste Zongo, secrétaire général de la province du Houet, il a déclaré notamment que l’atelier de Bobo-Dioulasso est "un juste retour de choses".

Urbain KABORE


SIAO 2004 : Les artisans de Bobo seront au rendez-vous

Le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Va accueillir cette année de nombreux artisans de Bobo-Dioulasso. Quelques uns s’expriment et disent ce qu’ils pensent du salon.

Bamadou Traoré, bronzier : Je fais de la sculpture sur bronze et depuis la première édition du SIAO, j’ai toujours été au rendez-vous. Le SIAO est un lieu d’échange d’expériences, car on a l’occasion de voir plusieurs autres œuvres d’art d’autres pays qui nous inspirent beaucoup. Il y a également le fait que ce salon nous permet de nous faire de la clientèle et il nous ouvre également des portes pour d’autres grandes manifestations comme les foires internationales.

La rencontre que nous avons eue dernièrement avec les organisateurs nous a permis d’exprimer toutes nos préoccupations. Ils en ont pris bonne note et nous espérons que, tout sera mis en œuvre pour mener à bien cette édition.

J’exposerai une soixantaine d’œuvres qui représentent des animaux et les femmes dans la société africaine. Nous demandons aux organisateurs de continuer à nous soutenir car pour moi, le SIAO ce n’est pour eux, c’est pour nous les artisans.

Mme Djénéba Zon, potière : J’ai participé à plusieurs éditions du SIAO et à la fin de chaque édition j’ai envie de revenir. Le salon a connu beaucoup d’amélioration car à ses débuts, je me rappelle qu’on exposait dans des conditions très difficiles... Souvent sous le soleil. Maintenant qu’on voit toutes ces salles ventilées et climatisées on ne peut que féliciter les organisateurs. Pour moi, le SIAO est un grand événement pour l’artisanat africain et international. Nous les artisans qui y sommes souvent allés avons compris que c’est une grande opportunité d’affaires en ce sens qu’il nous permet de nous faire connaître au-delà du Burkina et même de l’Afrique. La seule difficulté pour nous les potières c’est le problème de transport. A la différence des autres artisans, nous avons des articles très fragiles et nous souffrons beaucoup pour les convoyer sur Ouaga. Il y a aussi le prix des stands qui est un peu élevé. Nous travaillons en groupement et nous comptons exposer près de 1 000 poteries. Nous demandons aux organisateurs d’assurer la sécurité des exposants car il y a toujours des voleurs et des arnaqueurs qui profitent de la fête pour poser des actes qui ne sont pas à l’honneur du Burkina. Nous avons déjà tous nos articles sous la main et nous n’attendons que le jour du départ.

Boubacar Kanté, sculpteur sur bois : Je fais de la sculpture sur bois et le SIAO est devenu incontournable pour moi. Je n’ai jamais raté une édition car pour moi ce salon est un grand espace de rencontre entre les artisans nationaux et étrangers dont l’objectif principal n’est pas forcément de vendre, mais de nouer des relations et d’avoir des contacts qui nous procurent à coup sûr une bonne clientèle pour le futur. Je fais des sculptures qui mettent en valeur la Femme africaine. Je représente des animaux et bien d’autres objets décoratifs à partir du bois rouge, de l’ébène et du bois de balafon. Pour cette édition, je compte acheminer à Ouagadougou environ 400 pièces pour exposition et je suis fin prêt. Nous avons dernièrement eu une rencontre avec les organisateurs du SIAO. Ce qu’il en est ressorti nous a beaucoup satisfait. Ils nous ont promis de l’aide financière pour les éditions prochaines. Seulement nous leur demandons de mettre l’accent sur la sécurité au niveau du site et nous invitons le public à sortir massivement pour admirer l’art africain.

Boubacar Ouédraogo dit "OB", styliste modéliste : Je fais de la coupe-couture, de la confection de prêts-à-porter et de la formation et je suis à ma quatrième participation au SIAO. A mon avis, c’est une vitrine qui nous permet de faire apprécier nos produits aux clients pour des commandes futures. Le SIAO nous permet également de découvrir ce qui se fait dans les autres pays. Nous tissons des relations qui par la suite nous sont très profitables dans notre métier. C’est grâce à mes différentes participations que j’ai pu avoir le marché pour l’habillement des acteurs de la série "Les Bobodioufs", et je suis aussi l’habilleur officiel de "Miss campus UEMOA". La collection que je présenterai à cette édition, je l’ai baptisée "Intégration africaine". C’est un mélange de tissus africains qui m’a permis de confectionner toute une gamme de tenues au nombre d’environ 1 000 pièces. En plus de l’exposition je compte faire des défilés pour mieux faire connaître ma collection. Lors de notre dernière rencontre avec les organisateurs du salon, on a été rassuré quant aux conditions d’organisations de la présente édition. Nous les invitons donc à tenir leurs promesses pour assurer un plein succès à la fête.

Ma collection est déjà prête et le départ c’est pour très bientôt

Mme Alizèta Koné, couturière pour enfants : Je fais de la couture pour enfants depuis 20 ans et ce sera ma troisième participation au SIAO cette année. Le SIAO représente beaucoup pour moi car depuis que j’ai commencé à y participer, les retombées sont plus que satisfaisantes pour mon commerce. Je reçois davantage de commandes et je suis beaucoup plus connue. Seulement je trouve que les stands sont un peu chers pour nous les "débrouillards" et sans l’aide du Bureau des artisans je n’aurais jamais pu prendre part au SIAO. Si les organisateurs pouvaient donc revoir les prix à la baisse, cela nous ferait le plus grand bien. Je confectionne mes tenues pour enfants avec du bazin, des pagnes et d’autres types de tissus. J’ai déjà commencé à ranger toutes les tenues à présenter pour le départ qui est imminent. Je demande aux organisateurs de nous accompagner tout au long de cette exposition et j’invite le public à venir découvrir les merveilles de l’artisanat africain.

Mme Victorine Toé, teinturière : Je fais de la teinture moderne, traditionnelle et je fais également beaucoup de recherche dans ce domaine. Je suis une pionnière du SIAO et je n’aimerais pas du tout rater une édition. Ce salon représente beaucoup pour nous les artisans car il nous permet d’avoir des contacts et d’échanger des expériences. C’est grâce au SIAO que je participe à des foires internationales et que j’ai pu être également découverte par le Bureau des artisans, le BAME et bien d’autres ONG qui nous appuient. J’exposerai du bazin, de l’indigo et du bogolan. Et comme je suis couturière aussi, j’ai confectionné des tenues avec ces différents pagnes que j’exposerai également. Je ne peux pas dire que je suis totalement prête, mais d’ici là tout ira bien.

Je dis un grand merci aux organisateurs et je les invite à continuer à nous encadrer et à nous promouvoir.

Propos recueillis par Clarisse HEMA


SIAO : POCERAM, un pionnier du Salon

Le centre de formation artisanale pour handicapés physiques, plus connu sous le nom POCERAM, est un pionnier et un fidèle du SIAO. "Après avoir participé à "artisanat 84", nous avons milité pour l’institutionnalisation de la manifestation qui se déroulait à l’époque à la maison du peuple se rappelle Almassou Mamadou Traoré le directeur du centre. Depuis, POCERAM a participé à toutes les éditions de la manifestation qui a pris la dénomination de "Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO)" avec son siège propre. Pour la présente édition , POCERAM qui fait dans la poterie et la céramique sera présente avec plus de 200 produits phares qui devront s’illustrer par leur qualité. "Pour nous, la qualité est une devise et nous avons les capacités de production pour satisfaire toute commande. Nous avons une approche scientifique de la céramique pour assurer une grande qualité à nos produits du point de vue de la coloration, de la résistance et de la vitrification." explique M. Traoré.

POCERAM sera présente au pavillon de la créativité. Almassou Mamadou Traoré, sera également présent au pavillon de la créativité à travers son stand du village artisanal de Ouagadougou.

Les différentes éditions du SIAO ont été souvent accompagnées par les jérémiades de certains artisans sur les coûts des stands. Sur la question, M. Traoré est clair : "Le SIAO est un salon et non une foire. Le salon essaie de promouvoir des professionnels. C’est ce qui fait que certains trouvent que les stands sont chers. Il faut donc que les artisans se professionnalisent pour s’insérer dans l’économie de marché, sinon beaucoup vont rester de bons ouvriers simplement. Il faut cependant que le SIAO trouve une solution pour les vendeurs de Jeans, de chaussures et autres produits manufacturés sur le site. Ce n’est pas une rue marchande où des intermédiaires viennent envahir les lieux. Il faut vraiment professionnaliser le Salon et favoriser les rencontres entre artisans sérieux et acheteurs professionnels de bonne moralité".

H. Nana


Sculpture en bronze : Le "guerrier" à la conquête du Salon

Fraîchement débarqué de La Roche-sur-Foron en France où il a exposé au 6è Salon de la sculpture, Adama Gandéma, sculpteur de bronze, a eu juste le temps de défaire ses valises. Le voilà déjà modelant de nouvelles œuvres en vue de conquérir encore plus d’amateurs d’art qui ne manqueront pas de venir nombreux à cette édition du SIAO. " Je suis revenu plus tôt que prévu pour être prêt le jour ’J’ ", dit-il. A l’image du "guerrier", sa nouvelle création, l’artiste est passionné de son art, au point d’abandonner l’école en classe de 4è pour épouser… le bronze. Une tradition familiale. Dans son atelier au Village artisanal, Adama n’est pas un homme à la vie tranquille ; le corps continuellement meurtri par la forge incandescente et la chaleur du bronze chauffé, la cire et le moule à la main, la tête en cogitation permanente, chevauchant les prairies de sa tendre enfance jusqu’aux confins du pays massaï … à la recherche de sa muse… inspiratrice impériale et source de sensations fortes après… l’accouchement. Le "guerrier" sera exposé au SIAO. Avec son bouclier toujours en action, " le guerrier ne connaît pas le repos, souligne-t-il, il doit être toujours prêt à attaquer".

Puis il y a cet imposant lion, gardien de portiques, en phase de finition. Il coûtera environ un million de FCFA à son acquéreur. Quant aux appliques, elles sont vendues 20 000 FCFA l’unité aux revendeurs.

Avec sa riche collection, Adama compte bien décrocher des contrats à ce rendez-vous désormais incontournable des artisans africains et des consommateurs d’art.

Nos opérateurs économiques s’y mettent

Adama expédie régulièrement ses créations vers l’Europe. Comme toujours, cela dépend du client, souligne-t-il. Si certains préfèrent le contemporain, d’autres raffolent du traditionnel. "Il y a des objets d’art spécifiques à notre famille. Ce sont des appliques (murales) et des chandeliers. J’ai des clients qui ne jurent que par ça.".

Cela ne se voit peut-être pas, mais les opérateurs économiques nationaux s’intéresseraient à l’art africain. Du moins, c’est l’avis de Adama Gandéma, qui compte parmi ses admirateurs et clients le célèbre styliste burkinabé Pathé O’, un connaisseur selon le sculpteur. Que dire donc de Mme Juliette Bonkoungou, ambassadeur du Burkina au Canada qui fait la promotion de l’art burkinabè en Amérique.

Durant son séjour hexagonal, cet artiste de 26 ans a travaillé avec des fondeurs qui utilisent une technique différente de celle pratiquée au Burkina. "J’ai appris le moulage au plâtre et c’est impeccable. Moi je moule à l’argile et au crottin, et à chaque fois mes confrères français sont étonnés du résultat". Impressionné, Adama l’a été. Surtout par les fours à gaz ; ceux électriques, non. Des fours plus rapides, plus propres, moins fatiguants et qui économisent les produits de fusion. Pour un fondeur burkinabé, les fours à gaz offrent plus de flexibilité et de possibilités. Adama a entrepris d’en construire dans son atelier. Ce ne sera pas une copie conforme d’un modèle français. Il sera tropicalisé… donc franco-burkinabè.

En attendant, il rêve de voir son entreprise prospérer au-delà du continent. Pourquoi ne pas viser plus loin, le nouveau monde… Etats-Unis, Canada... Car pour Adama, en matière de bronze, les Etalons sont N°1 en Afrique.

Abdoulaye GANDEMA


SIAO : La province de la Comoé disposera d’un hall

La province de la Comoé regorge d’un potentiel impressionant dans le domaine de l’artisanat. C’est une province réputée pour son savoir faire dans le domaine de la vannerie à partir du rônier, un arbre exploité à 100% par les populations : ses feuilles pour la vannerie, sa sève très délicieuse est le bandji, ses fruits sont comestibles et agréables et son tronc est très recherché pour la charpente ou pour servir de pilier dans les constructions.

La Comoé sera représentée à cette 9è édition du SIAO uniquement au niveau du hall des régions. Cela s’explique en partie par :

- l’absence d’une organisation véritable des artisans en vue de la valorisation et de la professionnalisation de leurs métiers,

- le coût de revient très élevé de leur participation (frais de transports, location de stand, restauration...)

- le déficit de communication qui a fait que l’information n’a pas été distillée suffisamment et à temps par les organisateurs au niveau de la province.

Dans le hall qui va représenter la vitrine de l’artisanat dans la Comoé, on y trouvera des objets en vannerie, en poterie, en batik, en teinture, en sculpture...

Mamadou YERE


Comoé : "Le SIAO doit penser aux artisans paysans", dixit Sita Soma, représentante de la Comoé

Sidwaya a rencontré la représentante de la Comoé à l’édition 2004 du SIAO, Mme Sita Soma et l’artisan le plus primé M Brahima Ouattara qui lui, ne prendra pas part au SIAO-2004.

Sidwaya (S.) : Comment reconnaîtra-t-on le hall de la Comoé durant cette 9è édition ?

Sita Soma (S.S.) : On reconnaîtra la Comoé par l’artisanat masculin et féminin : vannerie, parures de mariage : le tiémélé, la poterie, les outils aratoires, le bogolan, la teinture...

S. : Quelles sont vos attentes par rapport au SIAO ?

S.S. : Nous demandons toujours le soutien du SIAO. Il doit penser aux artisans paysans. Nous travaillons beaucoup, mais les moyens font défaut pour exporter nos produits en dehors de notre province. Nous demandons au gouvernement de penser à nous et pensons que vous les journalistes serez notre porte-voix.

Sidwaya : M. Brahima Ouattara, Vous avez une carrière particulièrement riche. Parlez-nous en.

Brahima Ouattara (B.O) : Je suis sculpteur sur bois. Depuis 1986 et j’ai obtenu plusieurs prix à la Semaine nationale de la culture (SNC) : le 4è prix en 1994, le 2è prix en 1996, le 1er prix en 2000, le 2è prix en 2002. Cette année je n’ai pas participé en sculpture parce que j’avais une contrainte de calendrier. Mais j’ai participé en bande dessinée où j’ai eu le 2è prix.

Au grand prix national en sculpture j’ai eu le 1er prix à Gaoua en 2003.

Côté SIAO, j’y ai participé officiellement deux fois où j’ai loué un stand. C’était en 1996 quand les choses étaient plus faciles. Ça a un peu marché et j’ai participé aussi en 2000 mais après, je n’ai plus participé.

S. : Qu’est-ce qui explique votre absence à cette 9è édition du SIAO ?

B.O. : Cette année je trouve que c’est un peu dur et les stands coûtent cher. Au fait c’est le problème essentiel. Je peux dire que Banfora est l’une des villes principales les plus éloignées de Ouagadougou. C’est vrai que le transport ne pose pas un grand problème car généralement le haut-commissaire nous le facilite en transportant nos bagages, mais d’autres problèmes comme le logement, la restauration sur le site ..., tout ça ajouté à la location du stand ...! Réellement pour être seul et prendre un stand, c’est difficile. On voit même que le SIAO est en train d’échapper aux artisans individuels. Il faut s’associer pour pouvoir prendre un stand. Dans la ville de Banfora, je suis le seul sculpteur, alors qu’au niveau du SIAO il est dit que deux artisans qui ne font pas la même chose ne peuvent pas s’associer pour prendre un stand. Mais moi je vais m’associer avec quel sculpteur à Banfora pour prendre un stand ? Si au moins on pouvait permettre aux artisans d’ici de prendre un stand au nom de la Comoé, parceque nous avons des activités variées ! Mais avec les règlements du SIAO c’est impossible. Alors, si moi seul je dois louer un stand à 250 000 F et en plus supporter d’autres frais, je trouve que c’est trop difficile. Et puis cette année nous avons été informés un peu tard sur l’existence d’un hall des régions comme en 2002. Compte tenu de mon programme je ne pouvais pas être prêt pour présenter des objets dignes de ce nom au SIAO et c’est pourquoi je préfère exécuter mes commandes là où je suis sûr d’engranger quelque chose en attendant une autre édition. Lors des éditions précédentes, nous avions reçu une mission préparatoire du SIAO qui est venue s’entretenir avec les artisans. Cette année nous n’avons rien compris, nous nous sommes sentis négligés. Donc on laisse le SIAO au SIAO.

Propos recueillis par Mamadou YERE
Comoé

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