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France-Rwanda : Les missiles qui font exploser les certitudes

Publié le lundi 4 juin 2012 à 03h05min

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Le 31 mai 2012, une journaliste britannique découvre, dans les archives onusiennes, que 15 missiles sol-air de marque Mistral (françaises), interdites alors à la vente, faisaient partie de l’arsenal de l’armée rwandaise à la veille du génocide ou, pour être exact, à la veille de l’attentat contre le n°1 rwandais, le général Juvénal Habyarimana.

D’où provenaient ces missiles ? Ont-ils été vendus de façon régulière aux Forces armées rwandaises (FAR) ou est-ce par les méandres du marché noir qu’ils ont été introduits dans ce pays ?

En tout cas, pour les avocats des personnalités rwandaises épinglées par le juge français Jean-Louis Bruguère, ce sont des nouveautés, qu’ils se sont empressés de remettre aux juges Marc Trévedic et Nathalie Poux.

Finalement, la question nœudale qui se pose et qui reste sans réponse 18 ans après les événements d’avril 94 est : qui a abattu le Falcon 50 dans lequel se trouvaient les présidents Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamina le 6 avril 1994 ? Et derechef, qui a déclenché le génocide rwandais de cette année-là ?

Les jours qui ont suivi cet attentat, des paysans vivant près de la colline de Massaka auraient vu des militaires blancs s’enfuir dans une Jeep ; les Belges ont alors été indexés.

Puis vint la France, qui fit figure d’accusée principale dans cette tragédie. Des opérations Amarilys (1) et Turquoise, initiées par l’Hexagone officiellement pour évacuer des ressortissants français et sécuriser le pays, d’aucuns diront que si la première fut une réussite, la seconde comporte des zones d’ombre, qui ne font pas honneur à la France, notamment en ce qui concerne les pogroms perpétrés à l’époque.

Cette "nouvelle" découverte rend "suspectes" les conclusions du rapport du juge Bruguère, mais in fine, elle ne remet pas en cause l’enquête diligentée de nos jours par son homologue Trevedic.

Cependant, ce sont des documents qui embrument davantage ce passé douloureux du Pays des mille collines, un passé qui ne passe pas d’ailleurs.

En tout cas, on aurait voulu corser les relations franco-rwandaises qu’on ne s’y serait pas pris autrement. En effet, sur le génocide rwandais, ces deux pays ont toujours eu des positions diamétralement opposées.

Lorsque le juge Bruguère lance en 2006 un mandat d’arrêt contre des proches du président Paul Kagamé, c’est pratiquement une accusation en bonne et due forme portée contre le Front patriotique rwandais (FPR), qui prit le pouvoir en 1994 dans un pays jonché de cadavres, de par son fait (2).

Or, l’élément déclencheur fut l’explosion de l’avion présidentiel non loin de la colline de Massaka, à quelques encablures de l’aéroport de Kigali.

Avec ce nouvel indice, la thèse du missile SAM 16 de fabrication soviétique qui aurait été utilisé pour neutraliser le Falcon 50 pourrait être battue en brèche. Et si c’était un Mistral français ?

Le pouvoir rwandais doit un peu boire du petit lait, prématurément peut-être, mais même sans cette "découverte", Paul Kagamé n’a visiblement pas digéré l’attitude française à l’égard de son pays en dépit de la normalisation des relations après le black-out diplomatique de 3 ans qui a prévalu entre les deux nations. La preuve : pas plus tard qu’il y a 3 mois, Kigali a refusé la nomination d’une diplomate compétente, pour des raisons objectives certes, car tout Etat souverain a le droit d’opposer une fin de non-recevoir à l’accréditation d’un ambassadeur d’un pays chez lui, mais l’inimitié féroce entre Kagamé et Alain Juppé, l’ex-patron du Quai d’Orsay, pourrait expliquer aussi ce raidissement diplomatique.

18 ans après cet énième drame entre Hutus et Tutsis, le plus grave sans doute, et en dépit des enquêtes et "révélations", nul ne sait qui était derrière ce que Pierre Pean appelle la Network commando (3) qui a pulvérisé l’avion présidentiel rwandais en plein ciel, et les rapports entre la France et le Rwanda ne sont toujours pas rassérénées, même s’il y a un semblant d’embellie.

La Rédaction


Notes :

(1) Amarilys : opération déclenchée par François Mitterrand après l’assassinat de deux gendarmes et de l’épouse de l’un d’eux à Kigali le 8 avril 1994.

(2) in Les Nouveaux prédateurs, de Colette Braeckman, éd. Fayard 2003.

(3) in Noires fureurs, blancs menteurs, de Pierre Pean ed. Mille et une nuits, 2005.

L’Observateur Paalga

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