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GAMBIE : Jammeh tire à vue sur le droit

Publié le vendredi 25 mai 2012 à 01h37min

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« Pour les criminels armés, tirez d’abord et interrogez après ». Voilà la consigne que le président gambien, Yaya Jammeh, vient de donner à ses forces de l’ordre. Une sorte de condamnation à mort de toute personne soupçonnée d’être dangereuse pour l’ordre public. Ici, la présomption d’innocence n’a pas sa place. On peut comprendre cette colère homérique du président gambien, puisqu’elle fait suite à l’assassinat, récemment d’un Britannique. Mais là où la situation devient inquiétante, c’est que le dirigeant gambien range dans la même catégorie : trafiquants de drogue, pédophiles, assassins et homosexuels. Pour lui, toute personne suspectée d’homosexualité est vouée à l’échafaud sans aucune forme de procès.

Cette vision des choses pose un grave problème de droits de l’Homme. On peut, à la limite, concéder que Yaya Jammeh dise aux homosexuels de quitter son pays. Mais de là à les abattre à bout portant comme des lapins, cela relève d’une conception d’un autre âge, comme aux temps obscurs de l’inquisition. De nos jours, seuls les islamistes d’Al Qaida pourraient exécuter quelqu’un pour ses penchants sexuels. C’est encore chez eux et dans quelques pays attardés qu’existent des sortes de tribunaux de la foi. Toutefois, il y a une sorte d’hypocrisie dans cette attitude du maître de Banjul. Tout en se présentant comme un parangon de vertu, il a largement ouvert son pays aux touristes occidentaux, avec toutes les formes de permissivité que cela peut avoir. Mais ces touristes sont argentés, ils paient des taxes, logent dans des hôtels huppés, bref, sont utiles pour l’économie gambienne.

Les rigueurs de la loi ne s’appliquent pas à eux, même s’ils ont parfois des mœurs qui devaient leur valoir le bûcher. Les dirigeants gambiens semblent en outre oublier que cette cour effrénée aux touristes est la voie ouverte à une dépravation des moeurs. Le tourisme sexuel n’est pas une vue de l’esprit dans ce pays comme dans bien d’autres en Afrique, et ailleurs dans le monde et on en connaît les conséquences sur certaines couches de la population. Est-ce parce que la Gambie est un havre de paix pour ses ressortissants que l’Occident s’émeut si peu des violations des droits de l’Homme ? En tout cas, l’ubuesque président Jammeh bénéficie d’une curieuse bienveillance, comparativement à son homologue zimbabwéen, voué aux gémonies par les grandes puissances, comme si leur conception de la démocratie et des droits humains est à géométrie variable.

Seules les organisations de la société civile (Amnesty International, Reporters sans frontières, RADDHO) semblent se soucier du sort des Gambiens brimés. En Afrique, peu de voix s’élèvent pour dénoncer les dérives dictatoriales de Jammeh. Au contraire, et c’est le comble, le pays a été gratifié du siège de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, un organe de l’Union africaine. Une Commission dont les membres assistent, depuis leurs bureaux feutrés, à des violations quotidiennes des droits de l’Homme, sans mot dire. C’est cela aussi l’Afrique des institutions. Elles sont à l’image des différents pays membres, dont la plupart peuvent difficilement s’ériger en donneurs de leçons. Résultat : Yaya Jammeh peut continuer de s’adonner à cœur joie à son exercice favori, le tir à vue sur tout symbole du droit et de la liberté.

Mahorou KANAZOE

Le Pays

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