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Jeux olympiques : les contre-performances de la langue française

Publié le jeudi 28 octobre 2004 à 07h46min

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Hervé Bourges

Les défenseurs de la langue française ont du souci à se faire et il leur faudra plus que de simples incantations pour stopper son déclin au plan international. Ce n’est pas le rapport qu’a rendu public le 19 octobre 2004 Hervé Bourges, nommé Grand Témoin francophone aux Jeux Olympiques (JO) d’Athènes par Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) « sur la place et l’usage de la langue française aux Jeux Olympiques d’Athènes 2004 » qui va les rassurer.

Si la place du français n’est pas remise en cause dans les discours officiels, « sa légitimité comme langue de communication internationale était de moins en moins admise, et son maintien dans l’organisation des Jeux apparaît comme une contrainte traditionnelle, non comme une nécessité pratique » constate, amer Hervé Bourges, par ailleurs président de l’Union internationale de la presse francophone (UPF).

Certes, l’auteur note des points positifs. Pour la première fois, se félicite t-il, le site du Comité d’organisation est traduit en français et, contrairement aux JO de 2000 à Sidney, en Australie, où seulement 14% des textes avaient été traduits, la quasi-totalité en a été à Athènes, soit près de 40 000 pages de documents disponibles dans la langue de Molière. Une satisfaction qui ne saurait masquer la réalité décrite dans le rapport, à savoir que sur l’ensemble de la plus importante manifestation sportive, l’article 27 de la Charte olympique désignant le français comme langue officielle au même titre que l’anglais, n’a pas du tout été respecté.

A commencer par le logo des JO, décliné en anglais « Athens 2004 » et en grec « Athina 2004 ». « Les bannières décoratives et informatives visibles tant dans les sites olympiques qu’à l’aéroport ou dans la ville d’Athènes étaient libellées uniquement en grec et en anglais », écrit l’auteur du rapport. Lors de la cérémonie d’ouverture comme à la clôture, retransmise dans le monde entier, la présidente du Comité d’organisation Ginna Angelopoulos-Daskalaski, qui avait pourtant promis à Abdou Diouf « une utilisation égale » des deux langues, s’est uniquement exprimée en anglais alors qu’elle parle parfaitement le français.

Une attitude d’autant plus surprenante que la Grèce aspire à devenir membre à part entière de la famille francophone et que sa candidature devrait être examinée lors du prochain sommet qui se tiendra à Ouagadougou, au Burkina Faso les 26 et 27 novembre 2004. A la lecture du rapport, il n’y a pas de doute possible : la langue du père des Jeux modernes, le Baron Pierre de Coubertin a été sérieusement malmenée à Athènes et le document fourmille d’exemples de cette réalité. Au centre d’accréditation, le personnel était majoritairement anglophone, et le guide destiné aux spectateurs, a été d’abord publié en grec et en anglais respectivement à 600 000 et 400 000 exemplaires.

La version française n’a été publiée que plus tard à 20 000 exemplaires après l’intervention de l’ambassade de France à Athènes. Dans et hors stades, mieux valait être locuteur anglophone que francophone car l’annonce des épreuves, l’affichage des résultats et les consignes de sécurité étaient essentiellement enregistrés dans la langue de Shakespeare. A en croire un journaliste habitué aux rendez-vous sportifs, « les organisateurs se passeraient bien de notre langue pour gagner du temps lors des compétitions ».

On aurait tort de considérer cette éventualité comme une simple vue de l’esprit car, de plus en plus de journalistes et d’athlètes français ou francophones préfèrent, « pour faire chic et élégant » s’exprimer en anglais lors des conférences de presse. Le paradoxe, c’est que ce ne sont pas les Français, mais les africains qui manifestent du zèle dans la défense de la langue française.

Peu avant l’ouverture officielle des Jeux, une réunion des chefs de délégations sur la sécurité s’est déroulée en anglais sans interprétation. Furieux, les délégués du Cameroun, du Bénin, du Burkina, du Niger et du Congo ont quitté la salle en signe de protestation malgré la proposition faite par un homologue de l’Hexagone d’assurer lui-même la traduction. Pour tenter d’enrayer le recul continu du français dans les instances sportives, le président de la Fédération internationale d’athlétisme, le Sénégalais Lamine Diack suggère l’arrivée de francophones à la tête des fédérations sportives. En s’appuyant sur eux, la Francophonie peut espérer obtenir une visibilité maximale du français et faire mieux respecter le plurilinguisme qu’il ne l’est actuellement.

En dehors des compétitions sportives, il reste néanmoins à « convaincre » d’abord les Français de l’urgence à défendre leur langue. En novembre 2003, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Javier Perez de Cuellar constatait déjà, navré, que les diplomates français cèdent devant l’anglais, abandonnant la défense de leur langue aux Africains. Pour combien de temps encore ces derniers vont-ils continuer à être plus royalistes que le roi ? D’autant qu’ au même moment, les acteurs de l’éducation nationale français proposent l’enseignement de l’anglais dès l’école primaire !

Wahab Sidibé Vokouma
Lefaso.net

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