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France : Hélène Le Gal, ancienne vice-consule à Ouagadougou devient conseiller Afrique de Hollande

Publié le mardi 22 mai 2012 à 14h43min

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Déjà sur le terrain diplomatique (Berlin, Washington, Chicago), le président François Hollande s’est empressé, dans le même temps, de mettre en place son équipe élyséenne. Une trentaine de personnes.

Le pôle diplomatique de L’Elysée comprend ainsi, sous l’autorité du conseiller diplomatique et sherpa G8, Paul Jean-Ortiz, un adjoint par ailleurs conseiller pour les affaires européennes (Philippe Léglise-Costa, un « védrinien » qui a été conseiller Europe au sein du cabinet d’Hubert Védrine quand celui-ci était le patron du Quai d’Orsay), un conseiller Afrique (Hélène Le Gal), un conseiller affaires stratégiques et Asie (Christian Lechervy), un conseiller Afrique du Nord, Moyen-Orient, Nations unies (Emmanuel Bonne), un conseiller Russie, Balkans, ex-CEI, Amériques, politique extérieure de l’Union européenne (Fabien Penone) et, enfin, un conseiller G8-G20, enjeux globaux (Matthieu Peyraud). Ce qui fait du pôle diplomatique le premier par le nombre de conseillers. C’est dire que la politique extérieure de la France se fera, dans la tradition de la Vème République, à l’Elysée et que la hiérarchisation est claire : Jean-Ortiz n’est pas que conseiller diplomatique et sherpa de Hollande ; il est également le patron du pôle diplomatique. C’est sous son autorité que travailleront les conseillers.

La parité n’étant pas la règle (loin de là) au sein du corps diplomatique français, Hélène Le Gal est habituée à être « la première femme qui… ». Elle est donc la première femme chargée de l’Afrique à L’Elysée comme elle a été la première femme à la tête du consulat général de France à Québec (un poste convoité, Québec étant considéré par les diplomates français comme le consulat général le plus influent avec celui de Jérusalem).

A 45 ans, Le Gal a déjà un beau parcours diplomatique (et politique) à son actif. Diplômée de Sciences Po-Paris, elle a été vice-consule à Ouagadougou (1988-1990), deuxième secrétaire (1994-1996) puis première secrétaire (1996-1998) à Tel-Aviv, première secrétaire à Madrid (1998-2000), conseillère technique au cabinet du ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, le socialiste Charles Josselin (2000-2002), première secrétaire à la représentation de la France auprès du comité politique et de sécurité de l’Union européenne à Bruxelles, chargée des questions de défense (2002-2005), auditrice à l’Institut d’études diplomatiques (mai-juillet 2003), sous-directrice Afrique centrale et orientale à l’administration centrale (août 2005-2009). C’est alors qu’elle rejoindra Québec où elle prendra ses fonctions le 1er septembre 2009.

Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères et européennes, l’avait proposée comme ambassadeur à Kigali afin de remplacer Laurent Contini qui n’était pas dans les « petits papiers » du patron du Quai d’Orsay (qui, lui-même, n’est pas dans les « petits papiers » de Paul Kagamé, le président rwandais). Mais Kigali refusera son agrément, provoquant ainsi de nouvelles tensions avec Paris.

Un contretemps dans la carrière d’Hélène Le Gal qui lui permet, six mois plus tard, de prendre le chemin du 2, rue de l’Elysée, où les « conseillers Afrique » ont leurs bureaux. Une adresse discrète, de l’autre côté du palais de L’Elysée, qui fait fantasmer bien des leaders politiques africains. Mais on y a constaté que le niveau d’information et la capacité d’analyse étaient rarement à la hauteur de l’intitulé du titre. Trop souvent, ils prennent le point de vue des « leaders » politiques (pouvoir comme opposition) comme étant le reflet des préoccupations des populations. C’est rarement vrai. Il n’est jamais que l’expression de leurs propres ambitions.

Hélène Le Gal a fait ses classes africaines sur le terrain burkinabè. En des temps incertains. Le 15 octobre 1987, Blaise Compaoré avait pris la suite de Thomas Sankara. L’ambassade de France vivait verrouillée, porte après porte, et j’ai le souvenir de l’inquiétude qu’exprimait Daniel T.J. Guilbert, alors conseiller commercial, craignant une résurgence des violences. C’est Alain Deschamps qui était alors ambassadeur à Ouaga (fils d’Hubert Deschamps, gouverneur de la France d’outre-mer, qui a été un des meilleurs connaisseurs de Madagascar). Dans la capitale burkinabè, Le Gal va vivre la mise en œuvre de la « Rectification », le 11 mars 1989, qui visait à décrisper la vie politique et à libéraliser l’activité économique. Un recentrage plutôt qu’une rupture. Enfin, on pouvait le penser.

D’autres penseront différemment. Henri Zongo et Jean-Baptiste Lingani, les deux autres compagnons « historiques » de Sankara, seront condamnés à mort et fusillés en septembre 1989. Motif : comportement « militaro-fasciste ». Les pires dérives étaient à craindre. Il n’en sera rien. Le premier congrès du Front populaire, qui se tiendra à Ouaga du 1er au 4 mars 1990, va être l’occasion de déterminer les grandes options futures. Le Burkina Faso entreprenait de changer de physionomie. Le Gal avait déjà retrouvé Paris et l’administration centrale.

Après vingt-quatre années de carrière diplomatique, elle se retrouve au cœur du saint des saints. Avant de quitter Québec, le 9 mai 2012, Philippe Zeller, ambassadeur de France au Canada, lui a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur (elle est déjà chevalier de l’Ordre national du mérite). A cette occasion, Le Gal a rappelé sa motivation profonde, une « vocation » dit-elle : « être au service de la France ». « Je me bats pour mes dossiers. J’ai besoin de défendre des causes dont la plus élevée est la paix, le rapprochement entre les Nations ». Citant André Malraux, elle a rappelé que « l’honneur d’une Nation, c’est ce qu’elle offre au monde ». Et ces simples mots justifient, sans doute, son engagement diplomatique. A Québec, où elle avait été nommée le jour de son anniversaire (21 avril), elle s’était réjouie de travailler, une fois encore, dans une zone francophone, ayant eu l’occasion, par le passé, de travailler sur le dossier de la francophonie (notamment, je pense, au cabinet de Charles Josselin).

A L’Elysée, elle va recevoir l’appui « technique » de Thomas Mélonio, délégué national Afrique du Parti socialiste (et à ce titre représentant du PS au sein du département Afrique de l’Internationale socialiste) et jusqu’à présent économiste à l’Agence française de développement (AFD). Diplômé de l’Ecole des hautes études commerciales (HEC), titulaire d’un master et d’un doctorat d’économie (Sciences-Po/OFCE), Mélonio a rejoint l’AFD en 2005. Rédacteur en chef adjoint de la revue Afrique contemporaine, rédacteur en chef de La Lettre des économistes de l’AFD, il a été nommé, en septembre 2007, au département de la recherche de l’AFD, ses sujets d’étude portant sur « les liens entre capital humain et développement ». Il est l’auteur de l’essai : Quelle politique africaine pour la France en 2012 ?. Plus militant* que Le Gal, Mélonio se trouve aussi, de par son activité au sein du PS et de l’IS, au contact avec les opposants aux régimes en place. Et l’intérêt qu’il leur portait quand il n’était qu’un des cadres du PS pourrait peser différemment dans sa gestion des affaires africaines dès lors qu’il se trouve à L’Elysée.

* Commentant la politique africaine de Nicolas Sarkozy, Mélonio a dit, dans un entretien avec Congo-Liberty, « que la cohérence de l’action du président sortant est introuvable ! Passéiste dans son discours de Dakar, tourné vers le développement des entreprises dans le discours du Cap, très ambiguë dans l’affaire de L’Arche de Zoé, favorable à la normalisation des relations avec le Rwanda sous Kouchner, mais crispé à nouveau avec le retour d’Alain Juppé, l’action du président a manqué cruellement de constance ». A l’occasion de cet entretien, Mélonio a été interrogé sur la signification du slogan de l’AFD : « De la coopération au développement » qui laisserait penser que la coopération « aura été globalement un échec » (selon Congo-Liberty). Or, le ministère de la Coopération devient, sous François Hollande, le ministère du Développement (cf. LDD France 0599/Jeudi 17 mai 2012). A ce sujet, Mélonio précise : « Le débat est en partie sémantique, mais il est certain que le mot de coopération, qui est un beau mot, « agir ensemble », évoque les années 1960 et 1970. Il a donc pris un sens un peu péjoratif avec le temps. Depuis les questions d’environnement, d’inégalités, ont aussi pris une importance grandissante, c’est pourquoi il est sans doute préférable effectivement de parler de développement ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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