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FILO 2003 : "ROOGO" entre diversité culturelle et panafricanisme

Publié le mardi 25 novembre 2003 à 11h50min

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Plus qu’un politique, Mahamoudou Ouédraogo, le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme est un journaliste, un intellectuel et un homme de culture fécond qui "ajoute toujours de la terre à la terre", pour reprendre l’expression de Me Pacéré Titinga Frédéric.
"Roogo" sa dernière œuvre vient de paraître à la faveur de la Foire internationale du livre de Ouagadougou, cuvée 2003. Compte rendu de lecture.

Le cadre où se déroule "Roogo" se situe en Afrique, certainement à l’époque de la pénétration coloniale.
Le royaume du Roogo, une fédération de "diverses communautés culturelles et linguistiques" doit faire face aux attaques des colonnes de l’armée coloniale décidées à étendre sa domination. Mais Naaba Gandaogo refuse de se laisser assujettir et de soumettre son territoire sous protectorat, et décide d’opérer un repli tactique hors du royaume à Gagamba d’où sont originaires ses aïeux. Il pensait pouvoir y trouver du renfort et un appui logistique pour repousser les envahisseurs, "l’imposteur au long nez et aux oreilles rouges".

Sur place à Gagamba, il est auditionné par le conseil des anciens, puis lors d’un entretien avec le patriarche, il entre "dans un sommeil à la limite du coma" et voit "comment aurait dû être le "Roogo", son Roogo si toutes ses communautés organisées avaient adopté une démarche unitaire et revenaient à Gagamba dans des conditions précises.
Cette hypothèse aurait fait d’eux les maîtres du monde. Au cours de ce rêve, Naaba Gandaogo prend la pleine mesure de la splendeur d’un Roogo à dimension continentale, prenant en compte les facteurs d’enrichissement et de progrès propres aux principes d’un Roogo dominant la vie politique du monde, mais mettant dans le même temps l’accent sur la diversité culturelle des communautés composant le royaume.

A son réveil, et face à son obstination à mener un combat perdu d’avance, à répondre à une démarche de conquête coloniale par une démarche similaire de combat pour imposer un seul ordre culturel, le patriarche lui laissera ce conseil en guise de testament : "vous devez vous féliciter du fait que vous avez eu à composer avec les différentes communautés ethniques, linguistiques et culturelles pour bâtir une nation plurielle, intégrée et respectant la diversité et l’identité des uns et des autres (...) car vouloir dominer le monde n’est que vaine prétention, comme toutes prétentions humaines".

Roogo est construit avec un personnage central, ou si vous préférez un héros, Naaba Gandaogo, dont la personnalité est traitée et décrite sans complaisance, même si la plume de l’auteur trahit une certaine sympathie. Si le héros a un tempérament à la fois fougueux et intrépide, il est en même temps fort attachant et par ses choix, sa détermination, ses doutes et sa capacité à régénérer son espoir d’un Roogo libéré des envahisseurs, il révèle un sens patriotique de haute volée dont beaucoup gagneraient à s’inspirer aujourd’hui.

Mais ce personnage central, en fonction des situations, s’éclipse lui-même pour laisser place à d’autres actrices et acteurs historiques qu’il a en admiration et qui viennent occuper, de manière intentionnellement ordonnancée, la scène du Roogo.

Une fresque historique

C’est également pour l’auteur, l’occasion de plaider pour un panafricanisme que l’on pourrait dire à rebours. Car, l’espace du Roogo apparaît être panafricain, en témoignent les alliances nouées au plus haut niveau. Morceau choisi :"il était unanimement admis par tous que c’était l’apport des stratégies de conquêtes guerrières comme celles du Roi Guéhanzin et ses amazones, l’art de gestion de la cité pratiqué par des érudits comme ceux des compatriotes de Guot Garma, qui avait contribué à faire du Roogo un exemple de royaume à dimension authentiquement continental".

L’autre credo qui affirme sa présence dans le roman est celui de la diversité. Car, que ce soit dans la partie intitulée "réel" ou dans celle appelée "rêve", ce roman sonne comme un hymne à la construction d’espaces identitaires communs et partagés, prenant en compte les spécificités et les particularités des groupes culturels considérés.

A l’évidence, Mahamoudou Ouédraogo, avec une plume pertinente et un style alerte, a servi son double plaidoyer (le panafricanisme et la diversité culturelle) avec beaucoup de talent. L’œuvre, bâtie sur de procédés vidéographiques, de flash-back, d’arrière-plan, de focus et d’ellipses avec un zeste de verlan, plonge le lecteur dans une dynamique à mi-chemin entre la littérature et la cinématographie. Même s’il utilise des pseudonymes, il apparaît à l’évidence que la toile de fond du roman est quelque peu historique. Et on ne peut s’empêcher de penser entre autres personnages à Boukary Koutou, aux amazones du roi Béhanzin, ou encore à des personnages mythiques comme Kocc Barma. C’est peut-être ce qui fait que l’auteur a préféré, sous forme de boutade, reprendre la désormais célèbre formule de Boris Vian : "L’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre".

Editée par l’Harmattan, en collaboration avec "Découvertes du Burkina", l’ouvrage est disponible à la librairie "Jeunesse d’Afrique" au prix unitaire de 4000 FCFA.
Bonne lecture.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur

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