Grand débateur devant l’Eternel, le maître de la parole qu’est Nicolas Sarkozy (il est, ne l’oublions pas, avocat de profession) a parié d’emblée sur sa pugnacité, sa combativité, son expérience des grandes questions françaises, européennes et internationales pour tailler en pièces son vis-à-vis, sinon l’écrabouiller. Bref, il comptait montrer qu’en ces temps de tempête, il est le meilleur capitaine pour tenir le gouvernail du bateau battant pavillon tricolore.

Rien à voir en tout cas avec un « président normal », inexpérimenté, à qui ses amis socialistes, quand ils étaient aux affaires, n’ont jamais osé confier le moindre poste de responsabilité, même un tout petit secrétariat d’Etat. Et pour ne rien arranger, cette étiquette de mollasson béni oui-oui qui lui colle à la peau.

Contre toute attente et certainement à la grande surprise de Sarko, celui dont on brocarde volontiers les propositions, jugées incongrues comme le recrutement à la pelle de nouveaux enseignants, l’imposition des grosses fortunes à 75% ou le laxisme face à l’immigration, se sera, sommes toutes, bien défendu. Mieux, François Hollande, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas fait que se défendre, il a souvent attaqué, acculant parfois Nicolas Sarkozy dans ses derniers retranchements. Il en fut ainsi quand il releva l’amalgame que le président sortant voulait à tout prix établir entre islam et immigration maghrébine ou subsaharienne.

Après cette partie de ping-pong où chacun des deux camps crie victoire, il reste à savoir si ces presque 3 heures d’arguments et de contre-arguments vont vraiment peser dans la balance électorale ce dimanche 6 mai.

En réalité, de l’avis des spécialistes, jamais un face-à-face, pas plus celui-là que ceux qui l’ont précédé depuis le Giscard/Mitterrand de 1974, n’a, de façon décisive, fait bouger les lignes électorales. Et comme les sondages, tous les sondages, donnent depuis des mois, François Hollande, arrivé en tête au premier tour, vainqueur dimanche prochain pour le second...

Même si, dans les démocraties confirmées comme la France, une élection n’est jamais gagnée d’avance, même si, usant de la méthode Coué, Sarkozy, jusqu’à la dernière minute, ne s’est pas avoué vaincu, sauf tremblement de terre, Hollande devrait être le prochain président de la France. Dans cette éventualité, sera-t-il élu avec cette avance confortable d’au moins 8 points que lui prédisent les instituts de sondage ? Ça, c’est une autre question, car, jusqu’à la sortie des données réelles dimanche à 18h GMT, il serait imprudent de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, pour paraphraser La Fontaine.

Il faut dire que, mercredi passé, Hollande avait le beau rôle face à un président sortant, qui a un bilan à défendre pour avoir gouverné 5 ans et été aux affaires 10 années. Difficile par ces temps de grave crise de ne pas traîner quelque passif.

Mais si d’aventure l’agité de la rue du Faubourg Saint- Honoré devait perdre, il le devrait non pas tant à son bilan ou à son programme qu’à sa personnalité et à certaines fautes de communication qui ont émaillé son quinquennat. En effet, il a beau s’en défendre, il passera aux yeux de beaucoup de ses compatriotes, englués dans d’inextricables problèmes socio-économiques, comme un président « bling-bling » pour ne pas dire jouisseur : celui de l’arrosage au Fouquet’s un soir de victoire, celui des vacances dorées sur le yacht princier de Bolloré, celui des montres Rolex, qu’il arbore sans complexe ; le président donc des riches et des patrons du CAC40. C’est cette image qui lui colle à la peau, et il a beau draguer ouvertement les électeurs du Front national, il ne lui sera pas facile de remonter de tels handicaps.

Faut-il en inférer que le match est plié avant même d’être joué ? Réponse dimanche à partir de 18h.

Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga