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IL FAUT LE DIRE : Affrontements interethniques, la parenté à plaisanterie en danger

Publié le jeudi 26 avril 2012 à 00h51min

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Sans blagues ! Des populations autochtones bwa et allogènes peulh se sont violemment accrochées le lundi 16 avril 2012 à Passakongo, dans la banlieue Nord de Dédougou dans la Boucle du Mouhoun, suite à un conflit foncier. Le bilan encore provisoire fait état de nombreuses concessions détruites et de 368 personnes déplacées dont 154 enfants. Il faut le dire, ces genres d’incidents sont monnaies courantes dans l’Ouest du pays en proie à une pression foncière sans précédent. Mais celle-là retient particulièrement l’attention. Elle oppose en effet les communautés bwa et peulh du village de Passakongo.

Deux communautés qui habituellement usent avec habileté des ressorts de la parenté à plaisanterie de mise entre Bobo, Bwa et Peulh pour amuser les foules. C’est d’ailleurs ce que les deux communautés ont fait dans le village des communautés lors de la Semaine nationale de la culture (SNC 2012). Que s’est-il alors passé cette fois-ci ? Les problèmes économiques peuvent-ils et doivent-ils mettre à mal nos us et coutumes ? Au lieu de railler sur la légendaire ruse du Peulh ou de l’intransigeant attachement du Bwa à sa calebasse de dolo, elles (communautés) ont osé se livrer à une bataille rangée, mettant ainsi à rude épreuve le compromis historique qu’est la parenté à plaisanterie.

En d’autre temps, la violation de la pratique était lourde de conséquences car les contrevenants s’exposaient à la rigueur des sanctions coutumières et même à l’ostracisme de communautés aspirant dorénavant à une cohabitation paisible. Historiquement, cette cohabitation a été mouvementée et s’est réglée sur la loi du plus fort avec son lot d’apogée-décadence, d’affrontements fratricides, de déportation, de persécution, d’humiliation, voire d’esclavage. Après avoir guerroyé, comment du coup passer à un bon voisinage, une cohabitation décomplexée, sans céder à la folie vengeresse ou devoir sentir le poids d’une histoire coupable ? La parenté à plaisanterie a été la réponse à cette question. Il est établi qu’il n’existe aucune ethnie au Burkina Faso qui ne soit liée à une ou plusieurs autres ethnies par la parenté à plaisanterie.

On peut citer par exemple la parenté à plaisanterie entre Mossi/Samo, Samo/Bissa, Gouin/Lobi, Dagara/Gouin, Peulh/Bobo et apparentés, Gourmatché/Yadsé. Son origine remonterait même à la Charte du Mandé ou de Kouroukan Fouga, l’un des premiers textes connus de la sous région ouest africaine sur l’organisation de la cité, les règles de la vie commune, les rapports avec les étrangers, adopté en 1236. Il invite les peuples à faire la petite guerre, c’est-à-dire la parenté à plaisanterie, afin d’éviter la vraie guerre pour solder les comptes de l’histoire.

Et comme on le voit quotidiennement, chaque communauté prend symboliquement sa revanche sur l’histoire à travers les invectives soit en se proclamant maître dominateur de son parent à plaisanterie, soit en tronquant délibérément un fait historique en sa faveur… Et avec la garantie d’une impunité totale sans être toutefois à l’abri d’une riposte souvent disproportionnée, mais toujours symbolique. C’est pour cela que le Samo aime à railler l’obsession du Mossi à « dîner le naam », c’est-à-dire à régner, le Bissa tient son voleur Gourounsi depuis la nuit des temps, et le gourmantché ne comprend toujours pas le goût immodéré du Yadga pour le riz. Sans être inscrite dans la loi, la société burkinabé a su exploiter la pratique de la parenté à plaisanterie pour en faire le matériau principal de l’édification de la paix sociale et de sa relative stabilité. Mais hélas, l’incident de Passakongo, vient de démontrer que l’alliance à plaisanterie, qui semblait hors d’atteinte est bien vulnérable, et cela interpelle toute la communauté nationale.

On a encore à l’esprit que les deux protagonistes de l’un des plus meurtriers génocides de l’histoire (Hutus et Tutsis du Rwanda) entretenaient bien des liens de parenté à plaisanterie. Et cela fonctionnait si bien que personne n’a vu venir le drame. A force de se traiter de cafards et d’insectes dans le cadre normal de l’alliance à plaisanterie, ils ont fini par se prendre pour des insectes à exterminer. La comparaison paraît disproportionnée. Cependant, il n’est pas question de laisser les fossoyeurs de notre ciment social dévoyer une pratique aussi importante. Quant à ce qui vient de se passer à Passakongo, il faut le dire : plus jamais ça.

Mahamadi TIEGNA (camerlingue78@yahoo.fr)

Sidwaya

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