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Crise ivoirienne : retour à la case Bongo

Publié le lundi 24 novembre 2003 à 14h18min

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En l’espace d’un an, la Côte d’Ivoire aura ravi à tous la vedette de l’actualité politique en Afrique subsaharienne. Un an de crise qui aura mis toutes les diplomaties africaine, française et onusienne à l’épreuve.

Depuis le premier sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tenu le 29 septembre 2002 à Accra, qui accoucha d’un "groupe de contact" de l’organisation sous-régionale, et la décision dans la foulée d’envoyer une force de paix, toutes les tentatives de médiation de la communauté internationale se sont en effet révélées infructueuses.

La plus illustrative est cet Accord historique de Marcoussis qui était censé ramener la réconciliation et la paix en Côte d’Ivoire, signé par toutes les parties le 24 janvier 2003 à Paris et dont l’application divise toujours les protagonistes de l’imbroglio politique ivoirien.

La résultante en est la suspension par les ministres issus des forces nouvelles (l’ex-rébellion armée) de leur participation au gouvernement afin de protester contre les blocages vicieux orchestrés par le président Gbagbo et les siens pour pourrir la situation en leur faveur. De fait le pays est divisé en deux (le Soroland au nord et le Gbagboland au sud) au grand dam des chefs d’Etat ouest-africains qui font des pieds et des mains pour éviter une reprise des combats aux conséquences imprévisibles pour toute la sous-région.

Face aux multiples appels au retour à la maison, les grévistes du gouvernement Diarra exhibent leur "Bible" qu’est l’Accord de Marcoussis, et le camp présidentiel d’y répondre par une cacophonie qui sonne comme un chant du cygne.

Que comprendre en effet quand Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale lui-même, numéro 2 du régime, non content d’avoir claqué la porte lors des concertations dans la banlieue parisienne, professe à haute et intelligible voix que Marcoussis est le problème et non la solution à la crise ivoirienne, pendant qu’à côté, d’autres ténors du camp présidentiel pensent qu’on ne doit pas "sortir de Marcoussis" ?

Un fait est là, Gbagbo a de la peine à maîtriser les faucons de son propre parti qui tirent à hue et à dia, et n’hésiteront pas un seul instant à chanter son requiem. Le voilà lui, Laurent, se balladant de pays en pays, quand ce n’est pas son premier ministre, pour implorer une implication conciliatrice de ses voisins de l’Afrique de l’Ouest, et même celle de l’Afrique centrale.

Oui, de l’Afrique centrale où, contre toute attente, il est allé se confier vendredi dernier à son adorable ennemi Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, et au président gabonais Omar Bongo.
Le même Bongo qu’il avait prié instamment, au début de la crise, de laisser la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens tranquilles, et de s’occuper plutôt des affaires gabonaises.

A cette malveillance présidentielle venue des bords de la lagune Ebrié, le médiateur bénévole de Libreville avait, on se rappelle, répondu gentillement avec le franc-parler et l’humour corrosif qu’on lui connaît : "Eh bien, débrouillez-vous là-bas donc. De toutes les façons, je n’ai pas la taille d’un Ivoirien". Autant dire que son retour dans le bourbier ivoirien sonne comme une revanche pour le locataire du palais du bord de mer où, en se rendant, l’enfant incontrôlable de Mama s’est comme rendu à Canossa.

Depuis janvier 2003, les jours passent et se ressemblent, les espoirs de paix alternant avec les regains de tension et la menace d’une partition du pays. N’est-ce pas en désespoir de cause que le général Mathias Doué, le chef d’état-major général des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), n’exclut pas une reprise des hostilités ?
Nous n’y sommes pas encore et Gbagbo peut bien continuer son périple, même infructueux jusque-là.

Rien n’a encore filtré de la rencontre tripartite de Libreville, puisque la responsabilité de l’annonce a été réservée au premier Ivoirien qui devrait s’adresser à son peuple de vive voix, mais le chemin est encore long.
Annoncé ce lundi à Sikasso au Mali chez Amadou Toumani Touré (ATT), il devrait également passer par le Burkina Faso où il rencontrera son "grand ennemi" et frère Blaise Compaoré, avant de s’envoler, courant décembre, vers l’Hexagone où l’attend de pied ferme le grand chef blanc, Jacques Chirac. Un grand ballet diplomatique qui n’en finit pas d’alimenter la chronique.

Il y a vraiment péril en la demeure pour que Gbagbo consente à se déplacer en terrains hostiles. D’où l’envoi d’une mission des ministres des Affaires étrangères de l’Afrique de l’Ouest aux Nations unies afin de convaincre Kofi Annan de l’urgence qu’il y a à transformer les forces de la CEDEAO assurant le maintien de la paix en Côte d’Ivoire en casques bleus de l’ONU avec les pouvoirs les plus étendus.
Le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, le Sénégalais Abdou Diouf, a déjà donné son aval à cette solution palliative, mais, en face, il y a un mur de beton armé.

Celui des Etats-Unis d’Amérique qui ont bien des raisons d’en vouloir au locataire actuel du palais de Cocody.
Aujourd’hui Gbagbo a compris que pour éteindre le brasier qui ravage sa Côte d’Ivoire, les eaux des bassins de l’Ogoué, du Djoliba, du Kadiogo et même de la Seine ne sont point de trop, mais un peu tard, lui qui promettait de faire pleuvoir le feu sur la tête de ses ennemis, les mêmes ennemis qui se révèlent être les incontournables pompiers.

Seulement voilà, quand il aura défait son paquetage à Abidjan, que va-t-il (encore) dire à ses compatriotes ? Sera-ce enfin la voix de la sagesse, de l’engagement ferme et définitif d’avaler la pillule, fût-elle amère, de Marcoussis, ou va-t-on encore assister à des faux-fuyants comme ceux qu’ils nous a déjà servis à son retour de Kléber ?
Quand on sait de quoi il est capable, on tremble déjà à l’idée de ce qui peut sortir de sa bouche.

L’Observateur

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