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SIBEA : Comment on a accumulé les ingrédients d’un mauvais bouillon

Publié le vendredi 9 mars 2012 à 01h58min

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Le dernier semestre de l’année 2011 a été particulièrement houleux à la Société industrielle burkinabè d’épices et d’aliments (SIBEA). La raison : le personnel a été mis en chômage technique depuis le 1er juin 2011. Mais le comité syndical n’entend pas les choses de cette oreille et a, à plusieurs reprises, donné de la voix pour demander la réouverture de la boîte et la garantie du paiement des salaires de l’ensemble des travailleurs. Si le bras-de-fer s’est émoussé, le problème SIBEA demeure. Quelques mois après la tempête, retour sur les vicissitudes d’une affaire familiale en déclin.

La Société industrielle burkinabè d’épices et d’aliments (SIBEA) est une entreprise familiale créée par le défunt Moussa Compaoré. Avant son décès, cet homme d’affaires prévoyant a pris le soin de partager une partie de sa fortune et de ses biens à ses enfants et parents. Une autre partie du factole, constituée par la société SIBEA, a vu la répartition de ses actions à tous ses enfants ou descendants et certains de ses parents. Mais si du côté des biens individuels, il n’y a pas d’histoire, le bien commun, à savoir SIBEA, a été secoué par des difficultés financières qui ont mis à rude épreuve son fonctionnement.

Nous avons à plusieurs reprises tenté de rencontrer les parties prenantes. Nos efforts ont été vains puisque c’est seulement le secrétaire général du comité syndical, Moumouni Boly, et Ali Compaoré, un des fils du président-fondateur de la SIBEA et ex-directeur général de la société, qui étaient disponibles pour répondre à nos interrogations.
Comment en est-on arrivé là ? Genèse de la crise retracée sur la base des entretiens, des documents et des correspondances dont nous avons copies.

La SIBEA est une société anonyme avec conseil d’administration, au capital de deux cent millions de F CFA répartis entre quatorze actionnaires avec un conseil d’administration de neuf membres dont trois jouant le rôle de conseillers, à savoir Compaoré Appolinaire, Compaoré Paul-Marie, Michel Filiga Sawadogo. C’est ce conseil d’administration qui, à son tour, a désigné en son sein un président et nommé un directeur général et son adjoint. Pour son bon fonctionnement, un organigramme était mis en place avec trois directions, à savoir la direction commerciale, la direction administrative et financière et enfin la direction de la production.

La SIBEA a pour activité principale l’exploitation et la distribution de produits alimentaires en l’occurrence les cubes sous forme de bouillons déshydratés sous la marque dénommée “Jumbo” dans le cadre d’un contrat de concession de licence d’exploitation avec la société espagnole PASA (Preparados alimenticios, S.A.) propriétaire de cette marque “Jumbo”.

Course d’obstacles

Au décès de Compaoré Moussa et conformément à ses dernières volontés, la société SIBEA a été gérée par BERE Jean-Baptiste en qualité de Directeur général et monsieur Compaoré Sékou, l’aîné des enfants, en tant que Président du conseil d’administration (PCA) ; mais suite à des problèmes de gestion et sur insistance, dit-on, de PASA, Compaoré Sékou a été démis de ses fonctions.
Par la suite et après démission de BERE Jean-Baptiste, une équipe a été mise en place par le conseil d’administration et composée de Compaoré Ali comme P-DG et Compaoré Aïcha en qualité de directrice générale adjointe ; c’est cette équipe qui a dirigé la SIBEA tant bien que mal pendant ces dernières années, assurant régulièrement les charges sociales ainsi que les charges familiales.

Malheureusement, ayant accumulé plusieurs impayés résultant du manque de la matière première, SIBEA entre, selon toute vraisemblance, dans une zone de turbulences à partir du 15 décembre 2010 lorsque la société espagnole partenaire PASA a, dans une lettre, décidé de rompre le contrat de fournitures de la matière première qui entre dans la fabrication de Jumbo avec un préavis d’un mois conformément aux dispositions du contrat qui la liait à SIBEA.

Mais au regard des relations de longue date entre les deux partenaires, la direction générale de la SIBEA a fait des propositions pour une résolution à l’amiable des grands problèmes qui sont le règlement de la dette et la recherche de liquidité pour assurer l’approvisionnement en matière première, et donc la survie de l’entreprise. Pour la dette totale, il s’agit, entre autres, du règlement partiel des factures de l’ordre de 750 millions de FCFA échelonné sur trois ans (fin 2011, fin 2012 et fin 2013) sous garantie bancaire ; l’injection de 300 millions pour acheter la matière première ; le renforcement du réseau de distribution par de nouvelles actions porteuses et un délai supplémentaire de trois mois pour faire d’autres propositions.
Hélas encore la SIBEA n’a pu respecter ses propres propositions.

Fermeture du robinet espagnol

C’est au regard du non-respect des engagements pris par SIBEA, que par une lettre, PASA a décidé de rompre définitivement la convention d’exploitation et de distribution des produits JUMBO. La direction générale de SIBEA, dans sa réponse à cette lettre de fin de contrat, dit être de « bonne foi » en faisant de nouvelles « propositions sérieuses ». Et tout en déplorant cette résiliation unilatérale du partenariat, elle n’a pas apprécié les mesures visant à fournir le marché burkinabè sans l’en informer au préalable.

Face à la situation, décision a été prise en assemblée générale et lors de la réunion du conseil d’administration du 28 mai 2011, de remplacer l’équipe dirigeante ; ainsi, une nouvelle équipe a été mise en place et composée de : Christophe Samné, en qualité de Directeur Général, et de l’actuel directeur général de la SONABHY Paul-Marie Compaoré, en qualité de président du conseil d’administration, à compter du 1er juin.
Aussi, pendant cette même assemblée générale, d’autres décisions ont été prises mais elles n’ont pas été validées par le conseil d’administration. On pourrait citer la décision de mener un audit général de la société de 1996 jusqu’au 31 mai 2011 ainsi que la cession des bâtiments et du terrain de l’usine à PASA pour réduire la dette.

On espérait ainsi avec le changement de la structure dirigeante redresser la barre. Il n’en fut rien et SIBEA a continué sa plongée vers le bas. Les choses se compliquent avec les accusations contre Ali Compaoré, présenté comme celui-là qui a entraîné la SIBEA dans un gouffre financier, et la tension qui est montée entre le tandem PCA- directeur général et Ali Compaoré. Moumouni Boly, le secrétaire général du comité syndical CGT-B/SIBEA, est formel : c’est Ali Compaoré qui a fait chuter la société en laissant les comptes au “rouge” après avoir pris le soin de créer une société concurrente (Entreprise commerciale du Faso) à la SIBEA et d’y affecter une partie du personnel.

Et à ce jour, les travailleurs cumulent huit mois d’arriérés.
Par correspondance en date du 27 juillet 2011, le nouveau directeur général Christophe Samné demande des explications et exige d’Ali Compaoré le remboursement de plus de deux milliards de F CFA (2 394 722 120 F CFA) parce que “il ressort des sorties et de encaissements effectués sur la base d’un échantillon, des écarts de montants qui ne s’expliquent pas”. A cela, “il convient d’ajouter les ventes ECF non encaissées de 380 millions de F CFA pour la même période”. Réaction du mis en cause : « Seul le conseil d’administration est compétent pour m’interpeller sur ma gestion, car je suis le deuxième plus grand actionnaire de la société SIBEA et je demeure toujours administrateur au Conseil d’administration ».

Il trouve du reste curieux qu’en deux mois de prise de fonction, Christophe Samné ait une maîtrise assez suffisante des états financiers de plusieurs années pour réclamer des choses sans avoir engagé l’audit réclamé par l’assemblée générale. “Il me semble, a-t-il poursuivi, que le bon sens et l’objectivité auraient dû vous enseigner d’attendre les résultats de l’audit... Je pense qu’avec les résultats de cet audit, vous n’aurez pas besoin de mes explications”.

Par la suite, l’Entreprise commerciale du Faso (ECF) dont Ali Compaoré, actuellement actionnaire majoritaire, s’est retournée pour exiger de la SIBEA, le paiement d’une dette de plus de 500 millions dans le cadre des échanges commerciaux entre la SIBEA et la société ECF. La crise a atteint apparemment un point de non-retour et les deux camps sont à couteaux tirés dans le domaine des affaires.

Le camp de Paul Marie et Christophe Samnè a déposé trois recours en justice en matière pénale. Le dossier suit actuellement son cours comme on dit. En attendant, Moumouni Boly en appelle au soutien du Premier ministre à qui il a adressé une lettre afin qu’il l’aide à retrouver une lueur de sourire pour les travailleurs (près de 200) qui souffrent au quotidien avec leurs familles.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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