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Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

Publié le mercredi 7 mars 2012 à 01h34min

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La question ne semble pas préoccuper particulièrement la population ouagalaise. C’est aujourd’hui, dimanche 4 mars 2012, que l’on va connaître le nom du successeur de Roch Marc Christian Kaboré à la tête du CDP, la formation politique qui soutient le président du Faso. C’est un job qu’il occupe depuis 1999 et depuis tout ce temps bien des événements majeurs se sont déroulés au Burkina Faso (et ailleurs, notamment les « printemps arabes » qui ont filé un sacré coup de vieux à tous les régimes autoritaires qui refusent de se remettre en question).

Le « méga-parti » (pour reprendre une expression de Moussa Diallo dans Lefaso.net) a été secoué non seulement par des crises internes mais également par une crise politico-sociale de grande ampleur qui, l’an dernier, a mis par terre le gouvernement et quelques sièges du parti présidentiel (et bon nombre d’illusions sur la relation entre la classe politique et la population burkinabè). Kaboré, président du parti majoritaire et président de l’Assemblée nationale, a senti le vent du boulet non pas sur ses fonctions mais sur les acquis dont s’enorgueillissait « le pays des hommes intègres », un pays convaincu qu’il pouvait être au-dessus de ce type de préoccupations politico-sociales dès lors que toutes les institutions « démocratiques » étaient verrouillées.

Dans la perspective des élections couplées – qui doivent se tenir d’ici la fin de l’année, courant novembre ou décembre 2012 – le congrès du CDP a été avancé de quelques mois (il était prévu initialement en juillet 2012), histoire de mettre en place une nouvelle équipe qui aura la lourde charge de conduire non seulement le parti mais aussi l’Assemblée nationale dans la prochaine bataille pour la présidentielle avec, sans doute, des échéances difficiles auparavant (notamment sur la question jamais tranchée du devenir de l’article 37). Kaboré l’a dit : « L’année 2012 qui commence est une année charnière ». Il faut dire que l’année 2011 aura été celle de toutes les incertitudes et le congrès du CDP va permettre de compter ceux qui restent et ceux qui partent. Car la perspective de la fin des « années Compaoré » en 2015 suscite bien des ambitions, y compris dans les rangs de son parti. A commencer, sans doute, par celles de Kaboré lui-même. Il s’est habitué, d’ailleurs, à ce que les « élites » quittent le parti présidentiel pour aller tenter leur chance autrement. Deux de ses ministres – et non des moindres – quand il était chef du gouvernement ont d’ores et déjà, depuis plusieurs années, annoncé la couleur : Zéphirin Diabré et Ablassé Ouédraogo. A la base, parmi la jeunesse, l’hémorragie a été forte aussi. Et puis il y a eu « l’affaire Salif Diallo », personnalité historique majeure du régime qui, après avoir dénoncé la « patrimonialisation » du pouvoir, s’était trouvé exilé du côté de Vienne comme ambassadeur en Autriche. Mais la « refondation » du parti que prônait alors Diallo n’est-ce pas ce que propose aujourd’hui Kaboré après qu’une fois encore « la rue ait remonté à la surface » ?

Drôle d’idée de proposer de changer la donne au moment même où on passe la main. C’est que 2012 vient tout juste après 2011 et que 2011 aura été « l’année de tous les dangers ». Kaboré prend le large et on attendait de sa part, après près de douze années passées à la tête du parti - de « l’affaire Norbert Zongo » à « l’affaire Justin Zongo » - à un testament politique qui soit une analyse en vraie grandeur des maux qui minent la société burkinabè. Il semble qu’il n’en a rien été – au moins publiquement – et que l’on se soit contenté de déclarations de bonnes intentions et d’un reformatage des instances dirigeantes.

Le temps n’est plus où le débat politique passionnait les Burkinabè (passion motivée, d’ailleurs, un temps, par « la force des baïonnettes »). Aujourd’hui, l’opinion publique a basculé du côté des « Y’en a marre », marre de tout ce fatras d’une nomenklatura qui ne résout pas les problèmes basiques de la population : insécurité, santé, formation, emploi, etc. Non pas que les gouvernements ne fasse rien ; mais compte tenu des évolutions des modes de vie, le gap ne cesse de se creuser entre nécessités et moyens.

Les frustrations s’accumulent notamment au sein de la classe moyenne (celle qui, justement, pourrait s’intéresser à l’évolution politique du pays) ; et, à la base, les tensions se règlent désormais par la violence, même s’il n’y a pas de lien de cause à effet. Kaboré semble conscient qu’il faut passer à autre chose. Mais, dans un pays où ce sont des groupuscules politiques qui ont fait l’histoire, il n’était pas facile de faire bouger un mastodonte comme le CDP (4.000 personnes ont participé au congrès ce week-end !) englué depuis trop longtemps dans le pouvoir et paralysé à l’idée de le perdre un jour, brutalement, par « une remontée de la rue à la surface ».

Le voilà donc qui prône une « déstalinisation » des esprits. Parce qu’il sait qu’il faut libérer l’inventivité et la capacité d’entreprendre (y compris politique) des Burkinabè et que la bureaucratisation (au sens social du terme) est un frein considérable au développement des énergies et donc du pays. Le Burkina Faso n’est pas une société figée ; mais ses « élites » tendent à le devenir. Et partout on déplore une absence de prise de décision, de prise de risque ; on déplore un mode de production politique au jour le jour, incapable de susciter le moindre enthousiasme et de se projeter dans l’avenir. Le mot tabou serait celui de « programmation » ; le mot miracle serait celui de « communication ».

Kaboré est un homme dont on dit qu’il est « mesuré » et qu’il sait désamorcer les situations critiques sans pour autant se mettre en difficulté. Il en a fait la démonstration, lors des mutineries de 2011, à la tête de l’Assemblée nationale, l’institution étant passablement chahutée par les commerçants furieux d’avoir été les principales victimes des « mutins ». Il en a fait la preuve, également, au sujet du fameux article 37 qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels. Un article qui est un point de fixation pour toute l’opposition et une partie de l’opinion publique burkinabè. En 2010, Kaboré avait considéré que la limitation des mandats était « anti-démocratique ». « Je pense que du point de vue du principe, ce n’est pas attaquable », maintiendra-t-il, le 17 mars 2011, alors qu’il était interrogé par Christophe Boisbouvier sur RFI.

Limiter les mandats, c’est, selon lui, considérer que les pays africains sont des sous-démocraties incapables d’alternance. Mais ce qui était « inattaquable » en 2010 est devenu problématique en 2011 au lendemain de « l’affaire Justin Zongo » en un temps où, justement, « la rue était remontée à la surface ». Kaboré tiendra alors un langage qui se voulait de bon sens : « Pour moi, la discussion de l’article 37 ne doit pas être tabou quelle que soit la conclusion à laquelle nous aboutissons […] Je ne vois pas pourquoi, il faut s’affoler autour du fait simplement que la question de la discussion soit posée ». Un bon sens qui apparaît aujourd’hui alors qu’au Sénégal les électeurs viennent de s’opposer, par leurs bulletins de vote, tout à la fois, à l’impéritie de la Cour constitutionnelle et à celle de l’opposition. Il ne faut pas mépriser la maturité politique des peuples (« le printemps arabe » porte témoignage de leur capacité d’abnégation pour faire triompher leurs revendications). Mais il ne faut pas, non plus, mépriser le poids des symboles ; et l’article 37 est perçu (à tort ou à raison) comme un symbole : celui d’une classe dirigeante qui veut imposer ses choix à son peuple !

Le retrait de Kaboré de la présidence du CDP lui permet d’exprimer sa préoccupation vis-à-vis de l’évolution des sociétés africaines et, dans le même temps, de se retirer du devant de la scène politique. Dans quelles perspectives ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais ses amis du CDP devront ne pas oublier son message : « le temps est révolu » où l’esprit était « formaté », « incarcéré », « standardisé », « embastillé », « emprisonné ». Le temps est venu, enfin, de « libérer l’esprit ». Dommage, malgré tout, que ce langage de déverrouillage ait été tenu à la veille de son départ de la direction du parti. Sauf si c’est l’amorce d’un programme présidentiel !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 6 mars 2012 à 14:45, par BEBE En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    TONTON ROCK KABORE EST MODESTE ET POURRAIT ETRE LE FUTURE PRESIDENT DE NOTRE PAYS JE NE DOUTE PAS DE SES CAPACITES A POUVOIR A LA FOIS BIEN GERER LA RETRAITE DU PRESIDENT COMPAORE EN TOUTE SECURITE TOUT EN AIDANT LE PEUPLE BURKINABE A FAIRE DES BONS PAS.
    VOUS AVEZ ACQUIS UNE RICHE ET TRÈS VARIÉE EXPÉRIENCE A L’OMBRE DU PRÉSIDENT COMPAORE ET LES LEÇONS DE LA CRISE PEUVENT VOUS DONNER DE NE PLUS COMMETTRE CERTAINES ERREURS A L’AVENIR.
    JE RECONNAIT QU’IL EXISTE DE NOMBREUX INTELLECTUELS MAIS J’APPROUVE LES CAPACITÉS DE L’HOMME ROCK.
    SANS DONNER DE LEÇONS A QUI QUE CE SOIT JE SOUHAITE QUE TONTON BLAISE PUISSE COMPOSER AVEC LUI POUR SA SUCCESSION. NOUS PRÉFÉRONS BIEN PLUS CET HOMME ROCK QUE CES OPPOSANTS AFRICAINS A L’IMAGE DE GBAGBO DE WADE ET ICI DE MAÎTRE SANKARA QUI UNE FOIS AU POUVOIR SORTENT DES GRIFFES TERRIBLES ET PILLENT LE PEUPLE EN LE TUANT SANS SCRUPULE
    CA NE REGARDE QUE MOI ET C’EST MON AVIS C’EST LA DEMOCRATIE

    • Le 6 mars 2012 à 18:58 En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

      Le RDA au cours de son congres de 1977 n’a pu designer un candidat en son sein. Mais on se rappel qu’un homme de consensus en l’occurence Feu Francois BOUDA chef de Manga avait propose Charles Bila Kabore qui n’ a pas passe parceque tout simplement des gens avaient deja pris des engagements avec Lamizana. Feu Augustin Winnenga etait l’alternative de wederistes qui ayant echoue comme Francois BOUDA ont presente dans la dissidence leur Jo Weder. Pour dire a Roch que ce qui a echape a son pere en 1978 est a sa portee en 2016. Alors, tu es Vrais Fils bien nomme Roch du Grand Homme mal nomme Bila.

  • Le 6 mars 2012 à 14:59, par beogue-biiga En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    Waaw beau discours encapsulé de "bonnes et mauvaises" intentions.Le discours(« le temps est révolu » où l’esprit était « formaté », « incarcéré », « standardisé », « embastillé », « emprisonné ». Le temps est venu, enfin, de « libérer l’esprit ») de M.Kaboré montre clairement au peuple que eux ;Rock ,.... profitait de l’ignorance du peuple et maintenant que ce volet se ferme ,je pense que ce qui se passe n’ai rien d’autre qu’une procédure d’amorçage d’un autre mécanisme.Nous sommes bêtes peut être, mais une chose nous reste encore ,le bon sens."L’heure est venu pour vous de vous repentir et changer vos vies sinon le feu de l’enfer s’abattra sur vous":parole du seigneur.Lisez les livres saints(bible et coran)mes chers responsables.
    Que le tout puissant nous bénisse et nous vivifient.Amen

  • Le 6 mars 2012 à 16:17 En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    "Sauf si c’est l’amorce d’un programme présidentiel !" Bien dit. Que Kabore puisse contribuer au debat et susciter des espoirs.

  • Le 6 mars 2012 à 16:55, par la tombouctose En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    C’est avec plein de joie que j’ai accueilli depuis Tombouctou, l’information sur le renouvellement des instances dirigeantes du CDP ainsi que la restructuration du Parti.
    Il y’a à peine 04ans de cela certains de mes ex compagnons politique (la bande de Pierre) ont quitté le mégaparti pour des multiples raisons qui trouvent essentiellement leurs sens dans la mauvaise gestion du parti, la conspiration, le zèle, l’abus et l’esprit anti-parti.
    Si aujourd’hui la désignation de Assimi Koanda suscite un étonnement , pour ma part c’est au contraire une bonne décision politique capable d’enterrer les querelles intraparti qui commençaient à déteindre l’image du parti.
    Courage Assimi car tu a la Barka pour faire 1000 que Roch. Tout le monde le sais tu n’es pas un voyou comme certains, reste donc tel et tu réussiras ta mission.

  • Le 7 mars 2012 à 14:09, par tiga En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    rock marc christian est un bon prési vivement qu’il accède au poste de président

  • Le 7 mars 2012 à 15:27, par Le sage. En réponse à : Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (2/2)

    IL est vraiment regrettable que c’est à la fin de son pouvoir que ce message de vérité sort de la bouche de Monsieur Rock KABORE. Ce discours est à professer dans les écoles de sciences politiques. Il paraît que cela fait partie des mystères du pouvoir. Une fois nommé, les détenteurs du pouvoir ne reconnaissent plus leurs amis et une fois démis, ils retrouvent subitement la mémoire de l’amitié et de la vérité. J’ose espérer que Monsieur Christian Marc Roch KABORE va compter pour l’avenir à l’horizon 2015 sans pour autant subir le sort indéniable (et c’est un simple constat d’une mort violente) de Clément Oumarou OUEDRAOGO. Wait and see. Le Sage.

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