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Sénégal : La défaite de Wade n’est pas pour autant la victoire de l’opposition !

Publié le mardi 6 mars 2012 à 01h51min

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Il fallait bien que cela s’achève. Et que le principe de réalité l’emporte sur la mystification. Qui peut encore penser qu’Abdoulaye Wade, au lendemain du premier tour d’une présidentielle qui ne lui a pas permis de se réinstaller, d’emblée, au pouvoir, serait capable de gouverner le Sénégal pendant encore sept ans ?

Le mandat de trop n’est pas celui qu’il envisage sans doute encore de gagner en 2012 mais c’est celui de 2007 au cours duquel toutes les dérives du régime, apparues entre 2000 et 2007, pendant le septennat, se sont cristallisées provoquant l’ire de la population et la crispation des chancelleries « occidentales ». Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France à Dakar, en sait quelque chose. Pour avoir dit ce qu’il pensait devoir dire, il a perdu son job dans la capitale sénégalaise sous la pression du « Vieux ».

En fait, le mal sénégalais remonte à plus longtemps que cela. A 2000. Et douze ans plus tard, il se pourrait bien que le même scénario se répète. Que l’on se souvienne. La victoire de Wade, en 2000, avait été d’abord la défaite d’Abdou Diouf. Compréhensible. Après quarante années au pouvoir, le PS n’avait pas été capable de reformater le Sénégal et de faire face aux défis d’une explosion démographique qui allait conduire à des exigences accrues en matière d’éducation, de santé, d’emplois, d’équipement… Le Sénégal de Diouf ressemblait à celui de Léopold Sédar Senghor qui n’était pas en rupture avec le « Sénégal des Français ». Wade l’avait bien compris. Cela portait un nom : le « sopi ». Le changement. Et les Sénégalais s’étaient emballés pour cette perspective. Il fallait que Diouf, après près de vingt années au pouvoir (et tout autant d’immobilisme), dégage. La cohérence politique aurait voulu, selon moi, que Moustapha Niasse assure une succession qui aurait eu des allures de continuité ; mais le « sopi », c’était l’invention de Wade et Wade s’est trouvé face à Diouf, en position de l’emporter à un âge où il convient généralement de s’occuper plutôt de ses petits-enfants que des affaires de l’Etat.

Pour faire perdre Diouf, Niasse a soutenu Wade. D’autant plus facilement que cela allait « dans le sens de l’Histoire » (une formule qui hérisse le libéral qu’est Wade). Et a, du même coup, obtenu le job de premier ministre. Pour peu de temps. C’était l’alliance de la grenouille et du scorpion. Pas faite pour durer. Dès lors, les jeux étaient faits. Et il ne fallait pas s’étonner que Wade fasse du « wadisme » ; ce n’était pas un nouveau venu sur la scène politique et chacun savait qu’il était fondamentalement « insubordonné et irréductible ». Il l’a largement prouvé depuis. D’autant plus facilement que l’opposition a été incapable de jouer un jeu politiquement cohérent, l’ego de la flopée de « leaders » sénégalais étant incommensurable. Leur situation s’est d’autant plus compliquée qu’au fil des ans Wade a suscité des ambitions « d’opposants » au sein de sa propre formation politique, le PDS, et n’a jamais voulu tirer les leçons des échecs auxquels il a été confronté. Il est vrai qu’il pense avoir tout réussi… !

Nous en sommes là en 2012. Il s’agit, cette fois, de soutenir Macky Sall pour faire perdre Wade. Pas pour faire gagner Sall. Et c’est Niasse qui demeure le faiseur de roi. Ce n’est plus programme contre programme : c’est porte d’entrée contre porte de sortie. C’est aussi, malheureusement, la porte ouverte à toutes les incertitudes dès lors que le départ du « Vieux » - dans de mauvaises conditions - et l’arrivée de Sall au pouvoir laisseront planer beaucoup d’incertitudes sur la configuration du paysage politique sénégalais.

Quand, en 2000, Wade a affronté Diouf, c’était l’affrontement de deux personnalités majeures qui avaient marqué l’histoire des luttes politiques au Sénégal depuis plusieurs décennies. Et chacun d’eux s’appuyait sur un parti politique fort et structuré : le PDS pour Wade, le PS pour Diouf. En 2007, le PS n’était plus que l’ombre de lui-même et le PDS était en cours d’implosion. Sur la scène politique, il ne restait que Wade, plus que jamais hyper-président, et personne d’autre. Aujourd’hui, Wade est une figure historique du Sénégal (quel que soit le jugement que l’on porte sur l’homme politique). Hormis Moustapha Niasse – et dans une moindre mesure Ousmane Tanor Dieng – il est la mémoire du Sénégal post-indépendance. Et le voilà confronté à un homme qui n’est pas vraiment une tête d’affiche et dont la formation politique, l’Alliance pour la République (APR), n’est en rien comparable au PDS ou au PS. On notera d’ailleurs que parmi les quatre concurrents arrivés (selon des chiffres encore officieux) derrière le chef de l’Etat sortant, trois d’entre eux (Niasse, Dieng et Idrissa Seck) ont occupé le poste de premier ministre de Wade, et que Dieng avait déjà (en vain) affronté Wade en 2007.

Difficile, dans ces conditions, d’évoquer un renouvellement de la classe politique. Par contre, on risque fort d’assister à la liquidation de la vieille garde politique sénégalaise : Wade en tête ; mais Niasse et Dieng sont, eux aussi, des sexagénaires. Liquidation également des deux grands partis, PS et PDS, qui ont marqué l’histoire politique du pays. Les électeurs sénégalais ont ainsi le choix entre un vieillard meurtri par une défaite au premier tour, et un homme de cinquante ans dont le principal titre de gloire est d’avoir été premier ministre de… Wade. C’est dire. A l’âge qui est le sien et compte tenu de son déficit d’image dans le pays – et à l’international – il est peu probable que les perdants du premier tour puissent appeler à voter pour Wade au second. Que peuvent-ils espérer après avoir tant hurlé avec les loups ? Il est peu probable également que les électeurs sénégalais se mobilisent plus massivement qu’ils ne l’ont fait au premier tour pour le vieux chef. Reste que la victoire annoncée de Sall n’arrangera aucun des actuels leaders politiques sénégalais. Il serait élu pour sept ans et pourrait envisager gouverner le pays pendant quatorze ans (on lui prête l’intention de revenir sur la durée du mandat présidentiel pour le ramener à cinq ans). Il a tout juste cinquante ans (ce serait le premier chef d’Etat sénégalais a être né après l’indépendance du pays) et l’avenir devant lui.

Un avenir qui risque fort d’être perturbé. Si tout le monde, au sein de la classe politique, semble d’accord pour que Wade dégage (enfin ceux qui veulent que des places se libèrent dans les instances dirigeantes), l’unanimité est moins forte en ce qui concerne l’accession de Sall au pouvoir et tout le monde va s’empresser de négocier son ralliement (un ralliement des leaders qui ne garantie pas celui des électeurs). Et si Sall parvient au pouvoir, il n’est pas certain que l’union sacrée contre Wade se transforme en union sacrée pour Sall. D’autant que la présidentielle va être suivie – courant juin 2012 – d’élections législatives. Que deviendra le PDS dès lors que Wade aura perdu le pouvoir ? Que deviendra le PS qui, pour la troisième fois, vient de perdre la présidentielle et ne figure même pas au second tour ? L’APR, le parti de Sall, résulte en quelque sorte d’une scission au sein du PDS : ce n’est pas une nouvelle force politique, ce n’est pas une force de rupture ; c’est la volonté de revenir aux fondamentaux du libéralisme en rompant avec les pratiques du « wadisme ».

Le second tour de la présidentielle 2012 est ainsi l’affrontement de deux hommes : celui du passé et celui de l’avenir, pas l’affrontement de deux idéologies. On sait quel est le bilan de l’homme du passé et quel a été son mode de production politique. On ne sait pas grand-chose, encore, de Sall, sauf qu’il s’inscrira, nécessairement, tout à la fois dans la continuité et la rupture. Une autre façon d’être président de la République du Sénégal. C’est une raison d’espérer. Il bénéficie, au sein de la population (son score à la présidentielle en témoigne), d’une réelle crédibilité et d’une réputation de bosseur. Il a trente-cinq ans de moins que le président sortant : c’est dire qu’il serait bien plus en prise directe avec la réalité. Il faut seulement espérer que l’opposition joue l’union, pas seulement pour remporter la présidentielle mais également pour gouverner sereinement le Sénégal. Les Sénégalais le mérite.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 mars 2012 à 17:57 En réponse à : Sénégal : La défaite de Wade n’est pas pour autant la victoire de l’opposition !

    c’est pas grave cette continuité dans la rupture et j souhaite que wade soit battu sévèrement parceque monsieur a trop déçu comme bcp de nos chefs d’état à savoir qu’ils sont le prototype des corrompus et des corrupteurs. walayyy que wade dégage. y en a marre de ces pourritures africaines à la tête de nos pays

  • Le 6 mars 2012 à 11:42, par un frère En réponse à : Sénégal : La défaite de Wade n’est pas pour autant la victoire de l’opposition !

    Article très mal structuré,
    Vous defendez les pouvoir absolus ou quoi ?
    Que le PS et le PDS disparaissent de la scene politique ça enlève quoi au senegal ? Quelques colons ?
    c’est votre seul inquiétude ?
    Sachez que ce sont ses grands parties politique qui nous entrainent dans le l’immobilisme, la corruption et la misère comme salaire.

    Oui Sall ne s’appuie sur une structure politique de renom, et puis ?

    Vous êtes tellement incohérent que votre conclusion n’est pas à l’image du developpement que vous avez fait.

    Nous voulons le changement c’est tout ? et c’est la démocratie.

    Qui êtes vous pour juger au delà du peuple senegalais de ce qui est bon pour lui.

    Arrêtez SVP.

  • Le 5 avril 2012 à 18:13, par ACCLAMEUR En réponse à : Sénégal : La défaite de Wade n’est pas pour autant la victoire de l’opposition !

    MOI JE TROUVE SON ANALAYSE PERTINENTE ET LUCIDE.MOUSTAPHA NIASSE REPRESENTE PLUS LE CHANGEMENT AU SENEGAL ET NON MACKY SALL.dommage.

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