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RENE EMILE KABORE, SECRETAIRE GENERAL DE LA CNPB : « Il faut ramener une vraie paix dans le pays »

Publié le vendredi 2 mars 2012 à 02h12min

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Le 17 février 2012, Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a donné une communication sur les enjeux juridiques et politiques d’une prorogation du mandat des députés. Y ont pris part l’essentiel des partis politiques tant de l’opposition que de la majorité. Pour en savoir plus sur la position de la CNPB (Convention nationale pour le progrès du Burkina), nous avons rencontré René Emile Kaboré, ancien ministre et secrétaire général du parti. Il nous parle ici de l’appréciation qu’en fait sa formation politique.

« Le Pays » : Que pense votre parti de la prorogation du mandat des députés ?

René Emile Kaboré : Merci de l’intérêt que porte votre journal à notre parti et merci de nous permettre par votre canal de faire connaître à l’ensemble de la communauté des femmes et des hommes de notre pays, notre position sur un sujet aussi important dans un contexte non moins important. Ainsi que notre parti l’a dit de par le passé, notamment dans une interview que nous vous avions accordée le 7 mars 2011, notre pays se trouve à la croisée des chemins. C’est donc dire que les décisions que nous sommes amenés à prendre aujourd’hui auront des conséquences pas seulement importantes mais, bien plus, déterminantes sur notre avenir, que dis-je, sur notre devenir et sur celui de notre pays tout entier. C’est pour cette raison que nous pensons que l’élément temps ne doit pas être un prétexte pour ne pas se donner le temps de mûrir nos décisions et nos actions. Imaginez ce que pourraient être les lendemains d’une élection calamiteuse, comme celle que nous avons subie pour la présidentielle de 2010, cela donne tout simplement des frissons à toute personne raisonnable qui prend en compte les dimensions du temps présent.

Est-ce à dire que vous partagez l’idée de proroger le mandat des députés pour se donner du temps ?

Je souhaite, si vous le permettez, que nous revenions un peu en arrière. Nous sommes en 2010 et l’élection présidentielle est fixée au 13 novembre. Le président de la CENI est attaqué de toutes parts. On lui reproche, entre autres choses, sa très mauvaise réélection, le cafouillage à propos du renouvellement des démembrements de son institution entre les municipales de 2006 et les législatives de 2007, cafouillage qui a fini par donner lieu à une loi rétroactive (eh oui !), le mauvais recensement électoral, l’absence d’un fichier électoral crédible, les mélanges du genre entre nouvelles cartes d’identité qui sortaient au compte- gouttes et que malgré tout on n’arrivait pas à distribuer, la fabrication anarchique et frauduleuse de tonnes de vrais et faux actes de naissance, etc. Certains ont purement et simplement demandé, même s’ils n’ont pas eu gain de cause, la tête du président de la CENI. Après réflexion, notre parti a décidé de militer en faveur d’un report de cette élection présidentielle qui aboutissait forcément à une prorogation du mandat du président du Faso. Et nous n’étions pas les seuls. Il y avait l’UNDD de Me Hermann Yaméogo, les Verts de Ram Ouédraogo, le PAI de Soumane Touré, l’UPC de Zéphirin Diabré, le PAREN de Laurent Bado et j’en passe.

Lors d’une conférence de presse que nous avons donnée le 10 juillet 2010 au Centre Antoine Nanga et qui a été couverte par votre journal, la télévision nationale et d’autres médias, nous avons donné très clairement notre position qui tenait au triptyque suivant : la refondation d’abord ; un fichier électoral accepté par tous ensuite ; les élections enfin . Nous avons été jusqu’à refuser, pour cette raison, de prendre part à ces élections. Mais personne n’a voulu nous écouter et c’est ainsi que l’on a abouti à ce que certains ont qualifié de « plus mauvaises élections de notre pays » qui se terminaient en prime avec des cartes d’électeurs jugées illégales par la Justice burkinabè. Une première ; une honte pour l’ensemble de la classe politique. Même l’OIF y est allée de sa condamnation. Alors, aujourd’hui comme hier en 2010, nous demandons que l’on donne du temps au temps. La démocratie, ce n’est pas une course de vitesse. Et même si par certains aspects, la prorogation du mandat des députés est un mal, il nous apparaît comme le moindre mal.

Un mal dites-vous ? En quoi proroger le mandat des députés est-il un mal ?

Pour ne pas être trop long, je me résumerai en trois points. Tout d’abord, vous constatez avec nous que l’Assemblée nationale est à très forte majorité composée des députés du CDP, le parti au pouvoir(ils sont, si je ne me trompe, soixante-dix- sept). Avec l’apport des députés qui soutiennent cette majorité, le CDP contrôle plus de 90% du parlement. Et c’est là tout le drame : l’absence de réflexion prospective que nous avons dénoncée en son temps au sein du CDP, s’est invitée avec armes et bagages au sein de l’Assemblée nationale, tuant toute initiative et bloquant toute proposition de loi. Résultat : quand nous réclamions une refondation du CDP, pendant que nous cherchions à faire évoluer ce parti que nous avions contribué à créer , pendant que les refondateurs nationaux proclamaient à cor et à cri la nécessité et l’urgence de refonder toute notre gouvernance, les caciques du CDP le maintenaient contre tout bon sens dans un conservatisme de bon aloi avec le seul souci de préserver les privilèges de ceux qui en avaient comme s’ils voulaient, selon la formule du Général De Gaulle, « continuer à faire leur petite cuisine sur leur petit réchaud ».

Ils n’ont rien vu venir, ils n’ont rien senti, ils n’ont rien entendu : la grogne des milieux scolaires et estudiantins, la montée du chômage et de l’insécurité, le recul du pouvoir d’achat consécutif à l’aggravation de la cherté de la vie, le laxisme et la corruption au galop, la dépravation des mœurs, etc. Pour ces messieurs, tout pouvait attendre. Et ce n’est pas ce besoin de liberté perceptible chez les autres peuples, consécutivement à la chute du mur de Berlin, qui pouvait suffire à leur mettre la puce à l’oreille. Quand les Hermann Yaméogo et les Soumane Touré criaient à la refondation, nos députés CDP disaient à qui voulait les entendre qu’ils avaient fait leurs réformes et que tous les autres pouvaient aller voir ailleurs. Le constat est donc clair : L’Assemblée nationale, faut-il le rappeler, ne comporte en son sein aucun refondateur, ni national, ni du CDP. En ce sens, c’est un « mal », une inconséquence, que ce soit cette Assemblée qui doive examiner et valider ce qu’elle n’a su ni anticiper ni même entériner ce qui sautait pourtant aux yeux.

Alors, de quelle légitimité et de quelle morale pourrait-on revêtir des décisions dont seraient absents les maîtres d’œuvre ? Dans tous les cas, l’Assemblée nationale dans sa configuration actuelle, n’est plus le reflet de la réalité de la géographie politique du Burkina Faso. Et c’est là le deuxième « mal ». Pour de multiples raisons, cette géographie a évolué, et c’est normal. Et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a des élections à des échéances déterminées, pour prendre en compte l’évolution de l’électorat. Aujourd’hui, avec les forces politiques en présence, pourrait-on justifier l’absence de partis tels l’UNDD, l’UPC, les Verts, et la CNPB du débat touchant l’ensemble de la vie de la nation ? Et d’ailleurs, qui alimente ce débat ? Ce n’est certainement pas le CDP dont nous sommes partis après avoir condamné le refus absolu du dialogue interne, absence de dialogue confirmée plus tard par la sanction infligée à Salif Diallo parce qu’il a osé avoir une idée qui s’écartait de la « pensée unique ». L’idée même de la refondation est bel et bien venue de l’opposition, cette opposition que d’aucuns ont toujours vite fait de qualifier de stérile et d’incapable, pour mieux masquer leur propre stérilité et leur incapacité.

Le troisième point tient à une forme d’ « illégitimité » que certains députés traînent depuis le début de cette législature. Désignés sur les listes à partir de critères contestables, ils ont été plus nommés qu’élus. Et c’est là un des éléments de contestation des refondateurs du CDP dont des membres, bien qu’assurés d’être élus, ont préféré se mettre en dehors de ce manège qui s’écartait alors de tous les principes organisationnels du CDP. Pour rappel, Marc Yao était le 2e vice-président du CDP et 1er vice-président de l’Assemblée nationale, Pierre Tapsoba était en charge de la Mouvance du CDP, Mousa Boly, 1er questeur de l’Assemblée était l’argentier du CDP, etc . Notre premier reflexe aurait donc pu consister à vouloir le départ à échéance convenue de ces « faux » députés en refusant une prorogation de cette législature. Mais nous n’en sommes pas là, préférant de loin une prorogation du reste autorisée par la Constitution en ses articles 161 et 164 aux conséquences dangereuses pour la démocratie de notre pays que pourrait engendrer un vide constitutionnel.

Mais alors qu’attendez-vous ? A vous entendre, c’est comme si vous acceptez malgré vous cette situation. Avez-vous des propositions à faire ?

S’il vous plaît, n’allez pas vite en besogne. Je n’ai fait là que vous livrer notre analyse de la situation. En réalité, nous pensons que la situation dans laquelle se trouve notre pays vaut la peine, si nous l’aimons vraiment, que chacun consente des sacrifices. Il est évident que plus personne ne peut prétendre faire du « touk-guili ». Il y a tellement de problèmes et tellement de complexités dans ces problèmes que personne ne voudrait même les porter tout seul. Et d’abord, il faut ramener une vraie paix dans le pays. Or, pour faire la paix comme pour faire la guerre, il faut être plusieurs. Il nous semble donc que l’heure est venue, après tout ce que nous avons tous vu et vécu, et pour tous les acteurs politiques de notre pays, de réaliser un compromis historique, un compromis qui ne laisse personne en dehors du train de la réconciliation, de la réflexion et des décisions pour le développement harmonieux de notre cher pays, le Burkina Faso.

Que préconisez-vous concrètement ?

Nous pensons que le président du Faso doit travailler à l’élargissement du cadre de concertation. Nous l’y encourageons car seul le dialogue est la garantie de notre avenir commun. Le dialogue est une vertu et la démocratie est l’art du dialogue. Dans le cas d’une crise grave comme celle que nous connaissons et dont personne ne peut présumer de l’évolution, la Constitution n’est pas une panacée et c’est bien pour cela que l’on veut la modifier. Ceux qui ont été au CCRP ont eu leurs raisons et nous ne condamnons personne. Ceux qui n’y sont pas allés ont eu aussi leurs raisons. Mais qu’il s’agisse des partis politiques ou de la coalition des OSC, ils n’ont pas dit qu’ils ne voulaient pas de ce dialogue républicain. C’est sur les conditions du dialogue qu’ils ont marqué leur désaccord. Quoiqu’il en soit, les uns et les autres sont tous des Burkinabè, c’est-à-dire des enfants d’un même pays et toutes leurs voix doivent être entendues. Qui plus est, le CCRP, dans sa configuration actuelle, ne concerne, comme du reste son nom l’indique, que les réformes politiques.

Or, la refondation réclamée par tout le monde aujourd’hui touche aussi à l’économie et au social. Sur tous ces points, il faut que nous ayons le courage de travailler tous à l’avènement d’un nouveau consensus. Plus la base de ce consensus sera large, plus il donnera des garanties de stabilité et de pérennité. Autrement dit, ce dialogue doit être inclusif s’il a l’ambition d’être le fondement d’une démocratie véritable et d’une paix qui dure. Des décisions prises avec l’assentiment d’une partie seulement du peuple en laissant pour compte une frange aussi importante que celle qui a refusé d’aller au CCRP seraient à terme dangereuses. Dans le contexte national et international actuel, l’avis lucide, franc, honnête et responsable de tous les Burkinabè peut seul constituer un socle de pérennité.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 mars 2012 à 13:36 En réponse à : RENE EMILE KABORE, SECRETAIRE GENERAL DE LA CNPB : « Il faut ramener une vraie paix dans le pays »

    nous retenons seulement que monsieur KABORE n’a pas su faire des choix judicieux quand il était aux côtés du boss.il a contribué à se faire des adversaires surtout quand il a publiquement déclaré que sa passion c’est le président COMPAORE.il devrait être certain que cette déclaration allait l’éloigner des bonzes du CDP.ce monsieur doit retenir que la démocratie n’est pas un jeu d’enfant et ce n’est pas toutes les passions que l’on extériorise.

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