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Pierre Jaccaud, directe« Le Burkina Faso est un pays où l’on trouve un artisanat foisonnant »

Publié le vendredi 3 février 2012 à 01h07min

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Présent à Ouagadougou dans le cadre de la 3e édition de la Fête internationale des arts plastiques (FIAPO), Pierre Jaccaud, le directeur artistique de la fondation Blachère, est un habitué des manifestations artistiques du Burkina Faso. Le co-fondateur de la fondation Blachère apprécie dans cet entretien accordé à Sidwaya, la position de l’art burkinabè contemporain dans l’évolution du monde.

Sidwaya (S.) : Quelle est la raison de votre présence au Burkina Faso ?

Pierre Jaccaud (P.J.) : En tant que directeur de la fondation Blanchère et en même temps le co-fondateur avec l’industriel français Jean Paul Blachère, nous sommes là dans le cadre de la 3e Fête internationale des arts plastiques de Ouagadougou. Ayant une formation aux beaux arts de Marseille et ex-metteur en scène de théâtre, nous avons tenu à être à Ouagadougou pour apporter notre soutien à cette manifestation artistique.

S. : Quelle est l’origine de la fondation Blachère et quels sont ses objectifs ?

P.J. : La rencontre entre Blachère et moi a été une rencontre improbable entre un artiste et un industriel. Je ne connaissais pas l’Afrique mais en écoutant ce qui m’était raconté, je lui ai proposé un jour de s’intéresser aux artistes africains. Nous avons assisté ensemble à la grande exposition de la biennale de Dakar à Lille en 2000. C’est à partir de ce moment qu’a commencé le parcours qui nous a amenés vers l’Afrique et ses créations. On s’est donné d’abord cinq ans et chaque année a été dédiée à un médium. Cette démarche a été structurée par des résidences, des ateliers et des expositions. Nous avons mené tout un programme assez complexe pour couvrir au maximum la création contemporaine. Nous avons trois expositions par an : une exposition thématique d’été, une exposition monographique et une autre, qui est associée chaque année à un grand événement africain. L’objectif de la Fondation est d’abord d’être un organisme privé non institutionnel, qui vient soutenir et accompagner des artistes. Ensuite, elle voudrait donner une image un peu plus juste de l’Afrique que celle que l’on voit dans les médias, c’est-à-dire une image de créativité de gens jeunes et dynamiques.

S. : La foire internationale de Ouagadougou a refermé ses portes. En tant qu’artiste, quel commentaire faites-vous de l’art burkinabè ? Est-il porté vers le développement ?

P.J. : Le Burkina Faso est un pays où l’on trouve un artisanat foisonnant. Concernant l’art contemporain, mise à part la sculpture liée notamment à la tradition du façonnage du bronze et à son plus pertinent représentant Siriki Ky, je n’ai pas encore découvert d’œuvres fortes en peinture, en installation et cela vient, entre autres de mon point de vue, d’un manque de formation qui pourrait être très rapidement résolu ! Cela ne remet pas en question la valeur des artistes et ce n’est qu’une question d’encouragement, d’accompagnement afin qu’ils se dépassent dans leur pratique pour accéder à des propositions plus en phase avec les questions contemporaines. Par contre, au niveau de la photographie, il y a des jeunes qui ont des regards très particuliers. Je pense à Nestor Da que nous avons récompensé il y a deux ans à la rencontre de Bamako. Pour être contemporain, il faut avoir la connaissance de son époque, la connaissance de l’histoire et disposer d’exemples pour pouvoir réinventer le monde. Si les artistes avaient plus de conseils et s’ils étaient mieux encadrés, on aurait des résultats plus surprenants. On peut être artiste d’une manière naïve, c’est-à-dire avoir un génie incroyable, mais c’est très rare.

S. : L’art en Afrique est méconnu de l’Africain moyen. Qu’est-ce qui peut expliquer cet état de fait ?

P.J. : Je crois que s’il y a un tel développement de l’art contemporain en Europe et dans le monde, c’est parce qu’il y a une part du monde magique qui a disparu, une part des rituels qui a disparu. En Afrique, le monde est magique dans la rue et partout. Il y a de la richesse dans les formes, dans les langues, dans les échanges. Il y a une humanité très foisonnante du religieux. Je pense que l’art et le rite perdurent encore.

S. : Quelles sont les différentes manifestations de l’art en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier ?

P.J. : Il y a plusieurs manifestations et pas mal sont spécialisées. Il y a la biennale de Dakar qui est incontournable, la nouvelle biennale de Cotonou, les rencontres de la photographie à Bamako en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest. En Afrique du Nord, il y a Marrakech. En Afrique du Sud, il y a les foires et les manifestations.

S. : Au Burkina Faso, votre Fondation soutient multiples initiatives dans le domaine de l’art. En quoi se manifestent ces soutiens ?

P.J. : Nous avons organisé des ateliers au Burkina et nous venons assez régulièrement. Nous avons apporté une petite aide financière, d’accompagnement et une aide critique. Nous avons discuté avec les opérateurs culturels et apporté notre point de vue sur l’état de ce que nous pouvons voir dans ces différents lieux.

S. : En Afrique, selon vous, quelles sont les mesures à prendre ou à envisager pour le développement de l’art ?

P.J. : La Fondation est basée sur une relation d’amitié. A mon avis, la mesure fondamentale à prendre est la mise en place d’un projet de réseaux de création panafricain avec l’identification de personnes et de lieux-ressources, l’aide à la multiplication d’ateliers et la circulation des projets d’un pays à l’autre. Par exemple, on peut faire naître un projet avec un petit groupe d’artistes au Cap (Afrique du Sud), ensuite, les faire rencontrer d’autres artistes au Sénégal et dans bien d’autres pays.

S. : Quelle appréciation faites-vous de votre séjour au Burkina Faso ?

P.J. : Quand je vais d’un point artistique à un autre, le plus intéressant pour moi est ce que je traverse ces deux points. Je trouve que la vie est foisonnante dans la rue. On y trouve de la théâtralité, il n’y a pas un individu qui n’ait pas une histoire formidable. Il y a pour moi une charge émotionnelle très forte au contact des êtres que je croise. Il y a cette charge émotionnelle qui se retrouve dans la couleur. A mon avis, l’Afrique est un immense réservoir de richesses humaines et de perspectives heureuses.

Entretien réalisé par Asdara SAWADOGO

Sidwaya

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