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L´Afrique en voie de la promotion de sa propre culture en Europe : Le cas de Afrikamera en Allemagne

Publié le mercredi 25 janvier 2012 à 23h59min

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Pendant que les salles de cinéma continuent à se fermer, nombreux sont les festivals de films africains qui ne cessent de naitre aussi bien à l´intérieur qu´à l´extérieur du continent. Ils deviennent inéluctablement les seuls canaux de diffusions des productions cinématographiques africaines. Si ces nombreux initiateurs au Nord demeurent des Européens, depuis quelques années la diaspora africaine est en voie de prendre en charge enfin la responsabilité de la promotion de leur culture en Occident. C´est le cas de afrikamera « les films contemporains d´Afrique ». « lefaso.net » partenaire média du festival a donc joint le directeur au téléphone. Alex Moussa Sawadogo. Il nous parle de son festival et de ses activités.

Pourquoi un festival des cinémas d´Afrique à Berlin ?

De Londres en passant par Amsterdam, Venise New York et autres, des plates-formes ont été crées pour promouvoir les cinémas d´Afrique qu´on a dû mal dans les salles de cinéma. Berlin, capitale de l´Allemagne, ville foisonnante de la nouvelle Europe ne disposait avant Afrikamera, d’aucune manifestation constante autour des cultures africaines et plus précisément des cinémas d´Afrique. Si la Berlinale, l´un des plus prestigieux festivals du monde présente des films du monde entier, il est très fréquent que le cinéma africain reste absent des écrans de ce festival. Le public berlinois était donc mal informé sur l´évolution du cinéma africain. Ainsi est né Afrikamera, le festival des films contemporains d´Afrique afin de permettre
au public berlinois et des villes avoisinantes d´êtres au même titre d´informations que les habitants des autres villes européennes.

Comment êtes vous arrivés en tant que Africain à mettre un tel évènement en place dans une ville où le nombre des Africains se comptent au bout des doigts.

Je ne suis pas parti sur la base que je suis africain mais que j´étais capable de créer un évènement pour le bonheur de tous ceux qui s´intéressent aux cinémas d´Afrique. Avant de faire mon master de management culturel et de média en Allemagne, j´ai fait une maitrise en histoire de l´art à l´université de Ouaga et affuter mes premières armes dans les milieux culturels au Burkina. Ousmane Boundaoné, Moustapha Sawadogo, Salif et Oumar Sanfo etc. ce sont des amis, frères et partenaires avec qui j´ai collaboré sur des projets comme Jazz à Ouaga, SIAO, espace Zaka, Fondation Olorun, dialogue de Corps, etc.

Afrikamera est un produit de l´association « Toucouleur » qui regroupe des jeunes allemands et africains professionnels dans le management des évènements culturels dont la plupart des membres est issue de mon école. Il est évident que dans un pays où l´Afrique a peu de place dans les décisions politiques, il faut s´armer de courage pour créer un festival au vrai sens du mot et non pas un événement communautaire ou de ressortissants. Grâce à notre savoir faire, c´est dire compétences artistiques et managériales, nous avons fait de Afrikamera l´unique événement culturel africain constant et professionnel à Berlin qui accueille presque 3000 personnes à 4 jours.
Ce qui est sans vantardise est un exploit vu que le festival se déroule à la même période et dans la même ville avec un festival de courts métrages.

Quels sont les objectifs visés par votre festival ?

Dans un pays où les cultures comme celles d´Afrique sont ignorées ou mal comprises, il va de soit qu´un festival comme Afrikamera arrive á transmettre un message et donner une autre image de l´Afrique. C´est á dire contemporaine, ambitieuse et plein d´avenir. L´Afrique contemporaine loin des cases n´est plus à discuter, des réalisateurs africains talentueux existent la question maintenant est d´arriver à insérer ces valeurs dans un monde globalisé et exigeant en qualité. C´est pourquoi à chaque édition du festival, un thème est donné pour mieux circonscrire notre programmation afin que le message passe. Rien ne sert de s´adonner à une grosse programmation où le public ne s ´y retrouve pas. Vivre un festival de film, c´est apprendre par la distraction. En plus des projections suivies de discussions avec le public, nous organisons des conférences débats, des ateliers, et des soirées de Networking. Nous sommes en voie de gagner le pari vu le grand public que draine les activités. Des universitaires, des diplomates et de simples « amoureux » du cinéma africain participent activement aux débats après les séances. Tout cela témoigne l´importance de nos actions.

Quels sont donc les perspectives escomptés pour les années à venir ?

Le jour où les directeurs des grands festivals du monde programmeront les films africains d´une manière constante à leur festival et que les directeurs de salle de cinéma tiendront compte des films africains dans leur programmation quotidienne, un festival comme Afrikamera n´aura plus de sens. Et cela est aussi mon rêve que celui du festival. On arrêtera ainsi de parquer le cinéma africain dans un ghetto. Notre combat commun c´est de permettre aux films d´Afrique d´avoir une place comme ceux de l´Allemagne, de la France des USA et autres. Et nous espérons que cela arrivera le plus vite possible. Mon souhait personnel est de pouvoir dans les années à venir à céder la direction du festival à une autre personne. Dès que le festival sera totalement établi, et que les partenaires financiers mis en confiance, ce qui ne va pas tarder, j´aurai accompli une partie de ma mission. Un autre directeur qu´il soit africain, européen ou asiatique prendra le relais. Qu´il soit juste compétent et respecte la philosophie du festival. En plus un directeur de festival ne doit pas s´éterniser à son poste. Il faut des nouvelles têtes pensantes pour innover, apporter leur touche et faire grandir l´idée. C´est ainsi qu´on apporte notre contribution au bonheur du monde. J´aimerai bien penser à autres choses.

En tant que Burkinabé, directeur de festival de cinéma en Allemagne, il est évident que de belles collaborations soient faites avec votre pays.

Les objectifs poursuivis par Afrikamera sont d´abord africains avant d ´être burkinabé. Je tente avec mon équipe de montrer les belles productions cinématographiques africaines á un public qui en a besoin. Dans la programmation, nous ne tenons pas compte du pays mais de la qualité intrinsèque et artistique du film. Il est évident que des films ou réalisateurs burkinabé soient retenus. Nous avons eu le bonheur d´accueillir Gaston Kaboré avec qui je collabore sur d´autres projets, Smockey pour animer un atelier et récemment Ardiouma Soma du Fespaco. Personnellement, j´évite les relations patriotiques, communautaires, fraternelles dans l´exercice de mes fonctions, qui sont des plaies de notre continent. Il arrive que j´interviens dans d´autres projets de cinéma qui ne sont pas les miens pour faciliter la programmation des films burkinabè. J´ai facilité la venue de Missa Hébié au festival de film d´Hambourg, de Abdoulaye Dao et son producteur dans un projet de master class et bien d´autres.

Quelles sont les clés du succès de votre festival ?

Organiser est un métier comme tout autre. Il faut avoir le minimum de know-how dans ce domaine. Etre entouré d´une bonne équipe, permet de créer et d´innover. Vous l´avez même remarqué dés le début de notre entretien. J´ai toujours dit « nous » au lieu de « je » bien vrai que je suis à la base de l´initiative. La force d´un festival réside dans le management de son personnel. Nul ne peut se vanter de réaliser un tel projet tout seul. Dans l´équipe de Afrikamera, la hiérarchie ne joue aucun sens. Nous travaillons sur le même pied d´égalité et chacun d´entre nous a aussi bien le droit d´imposer son idée comme tous les autres et la décision finale est démocratiquement acceptée. Il faut donner la possibilité à tous les membres de son équipe de s´approprier du festival, de sentir utile et capable. C´est ainsi que naissent les belles idées et l´envie de surmonter les petits soucis qui surgissent dans toute entreprise humaine. Je vous recommande de lire la dernière biographie sur Steve Jobs, le créateur de Apple pour mieux comprendre. Dommage que de nombreux festivals sur le continent, malgré plusieurs années d´existence ont du mal á quitter les sentiers battus.
Dans notre équipe, pendant que d´autres s´occupent de l´évaluation de festival au lendemain de la clôture certains sont déjà à pied d´œuvre pour l´écriture du concept et les recherches de financement. La fin du festival, est le début du festival. Comme aime le dire mes collègues et moi.

L´autre atout, c´est la collaboration franche avec les partenaires. Une indépendance totale dans les choix artistiques une transparence dans le budget et une évaluation objective faite à temps permet aux partenaires de réagir positivement lorsqu´on leur fait appel. Tous ces facteurs restent couronnés par une vraie maitrise générale du but visé par son évènement.

Peut on vivre de sa profession comme directeur de festival ?

Bien sûr mais pas en tant que directeur artistique de Afrikamera. J´ai plusieurs cordes á mon arc. En plus de Afrikamera, j´ai crée un festival de danse africaine contemporaine dont la première édition l´année dernière a vu la présence de Salia Sanou, Seydou Boro et d´autres chorégraphes africains. Je suis consultant Afrique pour le festival des films courts de Winterthur en Suisse, et du programme Open Doors 2012 du festival de film de Locarno. Je donne des cours de management pendant les rencontres de film á Madagascar. J´y étais au Burkina dernièrement ou j´étais chargé de production d´un film sur le tour du Faso. Voici entre autres mes activités. En un mot á travers mon agence « Planète Métis » que j´ai mais en place, je travaille beaucoup sur la conception, les recherches de financement, la gestion, le consulting, le lobbying des projets culturels. D´autres projets déjà financés sont en phase de réalisation aussi bien cette année que l´année prochaine. On aura l´occasion d´en parler au moment venu.

Avec tant d´expérience dans la gestion des projets culturels, à quand donc le retour au pays pour y servir ?

Je suis burkinabé d´origine, ivoirien de naissance et allemand d´adoption, ce qui revient à dire que dans ce monde d´aujourd´hui dit globalisé, le lieu de résidence a tendance à ne plus jouer un grand rôle. Notre génération a cette chance de disposer des moyens de communication qui permet d´agir à n´importe quel lieu de la planète. Résident en Allemagne, je travaille avec des Suisses, des malgaches et des burkinabè. N´existe t-il pas des personnes capables au Burkina de faire le même travail que je fais ici ? Je dirai oui. Il faut juste croire en eux et leur donner les possibilités d´agir. D´autre part je me sens plus utile à mon pays et à mon continent en travaillant d´ici. A titre d´exemple concret, en Octobre j´y étais personnellement avec un projet où j´ai mis des burkinabè en contribution, je viens juste de rentrer du Benin, où encore des burkinabè et Béninois ont vu leurs talents monnayés. Je repars dès dans une dizaine de jours au Sénégal où je ferai encore appel à des sénégalais pour m´accompagner dans ma mission. Me serait-il possible de le faire si j´étais au Burkina ? L´Afrique ne sort-elle pas gagnante de ces activités ? N´est-il pas temps que la diaspora africaine prenne en charge la promotion de leur culture à l´étranger ?

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