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GESTION INTEGREE DES RESSOURCES EN EAU : "Le Burkina se trouve dans une situation de stress hydrique moyen"

Publié le jeudi 19 janvier 2012 à 01h02min

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La saison pluvieuse au Burkina Faso n’a pas répondu aux attentes. Les quantités d’eau recueillies sont en deçà et les inquiétudes ne manquent pas. Paysans, industriels, consommateurs individuels ou collectifs, tous les acteurs s’en inquiètent. Les vannes du ciel ne se sont pas ouvertes suffisamment. Faut-il craindre une crise de l’eau ? Quelles mesures faut-il envisager pour éviter la crise de l’eau ? Le Secrétaire permanent du Plan d’action national pour la gestion intégrée des ressources en eau (SP/PAGIRE), Fulgence T. Ki, dans l’interview qui suit, donne le point de la pluviométrie de la saison écoulée, esquisse des solutions et appelle surtout à une bonne gestion de la ressource eau. Il évoque également la préparation du prochain forum mondial sur l’eau à Marseille.

"Le Pays" : La pluviométrie étant de plus en plus capricieuse, quelle est l’incidence sur la disponibilité des ressources en eau ?

Fulgence T. Ki, secrétaire permanent du Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau (SP/PAGIRE) : Le Burkina Faso, comme vous le savez, est un pays sahélien enclavé et de surcroît, il est placé en tête de bassin. C’est dire donc que les seules ressources dont nous disposons sont celles générées par la pluie. En moyenne, il tombe 750 mm d’eau par an et la pluviométrie est concentrée sur quelques mois de l’année. Aussi, la pluviométrie du pays présente une forte variation inter-annuelle, c’est-à-dire que la quantité d’eau tombée varie d’une année à l’autre. Une autre caractéristique est qu’il y a une variation spatiale. Sur ce plan, c’est dire qu’il y a une variation d’une région à l’autre et en particulier, il y a un graduant Nord-Sud. Du Nord au Sud donc, la pluviométrie va crescendo et décroît dans le sens inverse. Cela nous fait dire que la pluviométrie est très capricieuse, en particulier au cours de ces dernières années avec une tendance généralisée à la baisse, surtout au cours des quarante dernières années.

Ce phénomène est aussi accentué par les changements climatiques avec lesquels il faut désormais compter. Cette situation a naturellement une grande incidence sur les écoulements engendrés par la pluie qui alimentent non seulement les cours d’eau et les plans d’eau mais aussi les retenues d’eau et cela a une incidence sur les infiltrations qui alimentent les nappes d’eau souterraines. L’incidence est donc inévitable. C’est le cas particulièrement cette année où les retenues d’eau n’ont pas été remplies à un niveau satisfaisant.

Faut-il de ce fait craindre une crise d’eau au Burkina Faso ?

En fait, de crise d’eau, ce serait trop dire pour le moment. Mais selon les différentes hypothèses utilisées pour calculer la demande totale en eau par rapport aux ressources utilisables, on estime que notre pays se trouve en situation de stress hydrique moyen à élever. C’est dire que nous utilisons entre 20 et 40% de l’eau disponible. Alors, si des dispositions ne sont pas prises comme vous le craignez, nous pourrions, au regard de l’accroissement constant de la demande liée à l’augmentation de la population, avec un taux de plus de 3% et l’accroissement des demandes pour les autres usages dans le cadre du développement socio-économique connaitre une crise. Je voudrais parler de la demande pour le bétail, pour la faune, pour la production alimentaire, pour l’énergie, les mines, etc. Toutes ces demandes ne font que croître. Il y a donc lieu de prendre des dispositions afin d’éviter de tomber dans une situation de pénurie.

En tant que premier responsable de la gestion intégrée des ressources en eau, que préconise le PAGIRE pour gérer cette question ?

C’est conscient de ces problèmes d’eau que notre pays s’est engagé depuis le milieu des années 1990 dans une réforme profonde du cadre de gestion des ressources en eau, ce qui a abouti en 2003 à l’adoption du Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau (PAGIRE). Préalablement, nous avons adopté un document de politique et de stratégie en 1998, une loi d’orientation par rapport à la gestion de l’eau en 2001 et c’est de ces différents documents que découle le PAGIRE. Le PAGIRE se veut donc l’outil opérationnel de mise en oeuvre des principes de la gestion intégrée des ressources en eau. Cette politique est d’ailleurs à sa deuxième phase de mise en oeuvre depuis 2003. Conformément aux principes et aux orientations définis au plan international, le PAGIRE a pour ambition de mettre un terme à la gestion sectorielle des ressources en eau, ce mode où chaque utilisateur gère la ressource comme il l’entend, sans se préoccuper des autres usagers.

Il peut arriver que par exemple les ressources animales utilisent la ressource comme elles le souhaitent, l’agriculture fait autant, sans se préoccuper des mines ou de l’environnement alors que c’est la même ressource. Tout cela est, bien sûr, source de conflits et de gaspillage. Il faut donc s’accorder sur la gestion de la ressource commune afin que chacun puisse avoir sa part sans empiéter sur l’autre et lui permette de satisfaire ses besoins. Le PAGIRE est donc un mode qui assure le partage et l’équilibre des ressources en eau de façon concertée et durable. Parlant de partage, il s’agit de distribuer la ressource entre les usagers d’un même secteur, inter-secteurs, sans oublier les besoins des écosystèmes vitaux. Et quand on parle d’équilibre, il s’agit d’assurer bien sûr l’équilibre entre les ressources et les demandes des usagers. Relativement à la concertation, il s’agit de responsabiliser les uns et les autres quant à leur participation au processus.

Les usagers devront, comme je l’ai dit, assurer les besoins des générations non seulement présentes mais aussi celles à venir. La mise en oeuvre du PAGIRE nécessite que des outils adéquats soient disponibles. Ces outils peuvent être institutionnels, à savoir des cadres de coordination et de concertation et des outils législatifs et réglementaires, à savoir les lois sans oublier les outils économiques et financiers ainsi que ceux techniques visant à assurer la connaissance et le suivi des ressources tant sur les plans quantitatif que qualitatif. Cela pourra concerner la connaissance des écosystèmes et bien d’autres. On peut dire, à ce jour, que des acquis significatifs ont été engrangés mais il faut nécessairement poursuivre les efforts et les intensifier.

A ce titre, quelles sont les attentes du PAGIRE à l’endroit des différents usagers pour une meilleure gestion de la ressource ?

Comme je viens de le dire, l’eau, c’est l’affaire de tous et de ce fait, il faut faire en sorte que la ressource soit disponible dans le temps et dans l’espace et bien gérée. Conformément au principe de participation, il est attendu que chaque citoyen à quelque niveau qu’il soit, se sente concerné par la question de l’eau et participe aux différentes actions qui sont engagées pour sa bonne gestion. Cela suppose un changement de comportement par rapport à la manière dont nous utilisons quotidiennement cette ressource-là. Il faut travailler par exemple à éviter le gaspillage et tout autre comportement de nature à polluer cette ressource. Aujourd’hui, on estime que du fait de l’homme, environ 2 millions de tonnes de déchets sont rejetés chaque jour dans les cours et plans d’eau. On estime également que 50% des cours d’eau, fleuves et lacs sont pollués. Il est évident que si l’on continue de cette façon, la ressource ne sera plus disponible. C’est pour cela que nous appelons chaque citoyen à veiller à son comportement quotidien vis-à-vis de la ressource afin qu’elle soit disponible pour aujourd’hui et pour demain.

Comment le Burkina prépare-t-il le forum mondial sur l’eau qui se tiendra en mars prochain à Marseille ?

Il faut dire que plusieurs fora se sont tenus dans le monde sur l’eau et le dernier c’était à Istanbul. Contrairement à ces fora précédents, notre pays a décidé cette année de prendre des dispositions pour participer de façon active au prochain forum qui va se tenir à Marseille du 12 au 17 mars 2012. Il n’en a pas été ainsi de par le passé. C’est dans cette optique que les premiers responsables du ministère en charge de l’eau ont décidé de l’organisation du forum national de l’eau qui s’est tenu du 20 au 22 décembre 2011 et qui a regroupé l’ensemble des acteurs concernés. L’on a dénombré les membres de l’administration, les collectivités, la société civile et les ONG. Ce forum a été l’occasion pour tous de faire le point des acquis dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Il a aussi permis de diagnostiquer les problèmes, de proposer des solutions afin de faire face au problème de l’eau et d’avancer vers les OMD.

Alors, que peut attendre le Burkina de ce forum mondial ?

Le forum est un rendez-vous du donner et du recevoir. Autant nous pouvons attendre de ce forum, autant nous pouvons apporter. C’est pour cela que nous avons organisé le forum national afin de peaufiner notre position. Cette rencontre a montré que nous avons beaucoup d’acquis à partager en termes d’élaboration et de mise en oeuvre des politiques, stratégies, outils techniques en matière de GIRE, d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement. Cela est déjà reconnu dans la sous-région et au-delà. En témoignent les nombreuses missions que nous recevons de pays voisins ou lointains venues s’inspirer de l’expérience du Burkina. Cela veut dire que nous avons des acquis importants à partager. Nous allons aussi à Marseille pour apprendre afin de consolider les acquis déjà engrangés. C’est pourquoi le comité d’organisation du forum de Marseille, sous la direction des premiers responsables du département, travaille à ce que notre pays participe de façon active aux différents processus qui seront à l’ordre du jour. Il y aura des processus politique, régional, citoyen et thématique. Au regard de la préparation, de la composition et du niveau de la délégation, nous pensons que notre participation sera à la hauteur des attentes.

Peut-on dire que le Burkina est en tête de peloton en matière de GIRE ?

En matière de GIRE surtout, nous pouvons dire que nous sommes un pays en tête de peloton. Nous sommes d’ailleurs le premier pays dans la sous-région ouest-africaine à avoir adopté un Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau et cela depuis 2003, contrairement à d’autres pays qui viennent chez nous pour découvrir notre expérience. Mais cela ne nous autorise pas à dormir sur nos lauriers. Il faut travailler et poursuivre les efforts pour pouvoir toujours aller de l’avant.


Les agences de l’eau du Burkina en construction

* L’agence de l’eau du Nakambé, * L’agence de l’eau du Mouhoun, * L’agence de l’eau du Gourma, * L’agence de l’eau du Liptako, *L’agence de l’eau des Cascades.

Les problèmes liés à la gestion des ressources en eau :

- l’utilisation anarchique de l’eau ;
- les rejets non autorisés des eaux usées,
- le manque d’implication des usagers et des autorités chargées de la GIRE, dans le processus de création des futurs barrages ;
- le manque d’implication des autorités chargées de la GIRE, dans le développement de l’urbanisation ;
- l’utilisation non efficace de l’eau ;
- l’utilisation non contrôlée de produits polluants en agriculture.

Le risque lié à l’accroissement de la population nationale

Suivant les données des Nations unies (UNESA), la population du Burkina Faso atteindrait 37,5 millions d’habitants en 2050, contre environ 14 millions en 2008. Une telle croissance va entraîner une croissance analogue de la demande en eau et en nourriture. Le secteur agricole devra améliorer sensiblement ses rendements tandis que la planification des ressources en eau devra être établie de façon rigoureuse à l’échelle nationale et locale.

Source : documents de la 2e phase du PAGIRE

Propos recueillis par Aimé NABALOUM

Le Pays

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