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Afrique : La poubelle de l’Occident

Publié le lundi 18 octobre 2004 à 06h51min

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Aux cris de, "l’Europe plume l’Afrique", des associations des pays du Nord viennent de monter au créneau pour dénoncer l’exportation effrénée par l’Europe, de viande, notamment de poulet, vers l’Afrique. Estimant ce type de viande de mauvaise qualité, les pétitionnaires attirent l’attention sur les risques sanitaires, économiques et sociaux du phénomène.

réalité, ces associations se sont aperçues que ces excédents, exportés et vendus à bas prix, mettent non seulement en péril la production locale de poulets, mais également, ne respectent pas forcément les normes en matière de production et de conditionnement. Pour certains spécialistes, cette viande arrive dans les pays africains dans un état sanitaire qui laisse à désirer. Selon également les résultats d’une enquête, suite à des prélèvements sur 34 marchés et 166 points de vente au Cameroun, il s’est révélé que plus de 84% des découpes de viande étaient impropres à la consommation et que 23% d’entre elles étaient porteuses de Salmone (bactéries).

Le véritable danger vient du fait que les consommateurs, dont le revenu se rétrécit chaque jour davantage comme une peau de chagrin, ne se posent pas trop de questions pour se ruer sur ces produits "made in Europe" vendus moins chers (950 F CFA contre 2 000 et 2 200 pour un poulet "made in Cameroun". Toujours selon des estimations, le secteur de l’élevage de volaille serait complètement sinistré dans certains pays africains. C’est ainsi que l’activité avicole serait réduite de 30% au Sénégal. Conséquence, entre 2000 et 2003, la production nationale de volaille dans ce pays serait passée de 21 000 tonnes à 13 000 tonnes, soit une baisse de près de 50%.

A l’inverse, les importations seraient passées durant la même période, de 500 tonnes à 22 150 tonnes. Quant au Cameroun, les pertes subies par l’Etat s’élèveraient à 10 milliards de F CFA et auraient provoqué la disparition de plusieurs centaines d’emplois. Cependant, force est de reconnaître que ce feuilleton peu reluisant où l’Afrique joue le mauvais rôle n’est pas une première.

De manière récurrente, depuis les indépendances, l’Afrique a toujours servi de dépotoir pour les Occidentaux, tant il est avéré que beaucoup de sautereaux (les multinationales occidentales et leurs relais locaux) trouvent leurs comptes dans cette jungle qui ne s’embarrasse pas d’éthique pour s’enrichir. L’Afrique est devenue une sorte de zone franche où tout circule librement : déchets nucléaires, véhicules d’occasion polluants, friperie (dont l’origine est douteuse et les risques de contamination certains), médicaments périmés ou prohibés, etc.

Certains Africains "d’en haut" et non des moindres, éprouvent même une certaine fierté à exhiber ostentatoirement les produits occidentaux comme signe de leur grandeur et de leur différence dans l’échelle sociale, part rapport aux Africains "d’en-bas". Plus grave, pendant que nous dénonçons le scandale des subventions accordées par les pays du Nord à leurs producteurs, nous continuons d’importer des produits qui pourtant existent sur place en Afrique. Dans un pays africain, les autorités ont décidé d’importer de la viande de l’étranger à l’occasion du Ramadan pour briser, dit-on, le monopole des producteurs locaux qui auraient fortement augmenté leurs prix. Cependant, on oublie que dans les pays du Nord, la viande est subventionnée. Quel que soit son prix à l’exportation, ce sont des devises qui fuient vers l’extérieur de notre continent.

Cette politique de démission qui fait de l’Afrique une zone de recyclage de toutes les souillures de l’Occident, montre à quel point le berceau de l’humanité, contrairement aux autres continents, a mal négocié le virage de la mondialisation et qu’elle est donc condamnée à la subir, en écoutant servilement les apôtres de l’ultralibéralisme qui ne peuvent que l’abandonner sur le quai de la misère. Comment comprendre qu’un pays à vocation pastorale soit condamné à importer de la viande, condamnant ainsi des milliers d’éleveurs à brader leur patrimoine animalier ou à périr ?

Avec quels arguments l’Afrique peut-elle convaincre ses producteurs de coton que leur avenir réside dans leur combat inégal contre les puissants lobbies du nord et dans le démantèlement des usines textiles locales ? Comment ne pas réduire à néant, comme c’est le cas actuellement, notre marge de manoeuvre en matière d’accès aux remèdes si nous nous sommes imprudemment laissé piéger par les multinationales pharmaceutiques et leurs puissants complices en signant de manière robotisée des accords avec une OMC dominée par ceux qui régentent le commerce mondial ?

Il ne s’agit pas pour l ’Afrique, de bétonner ses frontières. Il s’agit d’avoir de l’imagination pour tirer son épingle du jeu dans ce village planétaire en jouant non seulement la carte de son unité, mais en s’appuyant aussi sur la force des citoyens en les impliquant réellement dans les différentes stratégies de lutte contre l’arbitraire de l’extérieur.

Le fait que ce soit, encore une fois, des associations du nord qui viennent de tirer la sonnette d’alarme sur tous ces dangers qui guettent l’Afrique, est symptomatique de la manière irrévérencieuse et suicidaire avec laquelle nos dirigeants traitent leurs citoyens. N’ayant d’autres perspectives à long terme que celles d’encaisser des devises, nos Etats ont tout abandonné, jusqu’à cette obligation de défendre leur souveraineté.

Tout se passe comme si l’Afrique n’en avait pas assez d’être l’épicentre de toutes les malédictions du monde. Déjà empêtrée dans le rêve impossible d’une auto-suffisance alimentaire du fait de l’égoïsme des pays riches, l’Afrique se voit ainsi condamnée à l’autointoxication alimentaire.

Le Pays

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