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Parti africain de l’indépendance : Une formation qui lutte pour la démocratie et l’alternance

Publié le vendredi 13 janvier 2012 à 00h59min

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Onze ans de crise auront eu raison du Parti africain de l’indépendance (PAI). Cette formation politique a connu depuis 1998, des turbulences au niveau de sa direction, qui ont débouché sur une guerre de paternité en 2000 entre l’actuel secrétaire général, Philippe Ouédraogo et l’ancien, Soumane Touré. Au terme de plusieurs années de bataille juridico-politique, le 11 janvier 2011, une décision du Conseil d’Etat a rétabli le PAI, tendance Philippe Ouédraogo, dans ses droits. Au sortir de cette longue chevauchée, le Parti veut se réorganiser et pour son premier responsable, une fusion avec le Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS) de Sambo Youssouf Bâ, en février 2012, est imminente.

Le Parti africain de l’indépendance (PAI) a été fondé le 15 août 1963 par feu Ardjouma Amirou Thiombiano, même si celui-ci n’était pas seul au moment de sa constitution. Ce parti a évolué dès le début, dans la clandestinité, car les fondateurs d’alors, avaient estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour que le mouvement s’affiche et prétende organiser des activités légales. En 1990, lorsque la commission constitutionnelle a été mise en place, le PAI a été invité à envoyer quatre représentants. Ayant participé à la gestion du Comité national de la Révolution (CNR), ses cadres n’étaient plus inconnus. C’est ainsi que lors du congrès extraordinaire de janvier 1991, les dirigeants du parti ont pris la décision de rendre la formation légale. Le parti a finalement été reconnu, le 11 avril 1991, par les autorités administratives.

Entre 1991 et 1995, sous la houlette du nouveau Secrétaire général (SG), Philippe Ouédraogo, le PAI avait noué une alliance avec le parti au pouvoir, ODP/MT (Organisation démocratique et populaire Mouvement du travail),. Mais en 1996, le PAI s’est positionné comme un parti de l’opposition, suite à des divergences avec l’ODPMT.?« Nous avons quitté l’alliance avec le parti au pouvoir pour évoluer avec d’autres partis de l’opposition. Dans ce cadre, nous avons contribué à créer le G14 », affirme le SG du PAI, Philippe Ouédraogo. Selon lui, le G14 est un groupe de partis politiques, créé pour promouvoir, ensemble, la lutte pour plus de démocratie au Burkina Faso et la restauration de la République car, « nous considérions que les libertés démocratiques n’étaient pas respectées ». Ce mouvement a, par ailleurs, joué un grand rôle au sein du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODEMPP) dans le cadre de l’affaire Norbert Zongo.

En 1998, Soumane Touré devient SG du PAI, suite au congrès des 30 et 31 mai, en remplacement de Philippe Ouédraogo.

Onze ans de bataille judiciaire

Celui-ci explique que Soumane Touré, pendant son mandat, avait une conception personnelle de la gestion du parti.?« Il avait une position politique trouble et il heurtait les décisions prises, au dernier congrès qui confirmait le PAI comme un parti de l’opposition, affilié au G14. Or, Soumane Touré semblait avoir des contacts avec le pouvoir, sans l’aval de la direction du parti », indique M. Ouédraogo. Et d’ajouter que Soumane Touré avait conçu le projet de se présenter à l’élection présidentielle de 1998, alors que le parti avait décidé de boycotter le scrutin, la structure chargée des élections n’étant pas véritablement indépendante. Contre toute attente, Soumane Touré a convoqué, le 12 septembre 1998, un comité central extraordinaire pour discuter de la sortie du PAI du G14 et de sa candidature à la présidentielle.?« Le comité central a réagi à ces deux propositions et l’a désavoué, le poussant, lui et son équipe, à démissionner », souligne Philippe Ouédraogo.

Ainsi, Soumane Touré n’aura fait que trois ans et demi à la tête du PAI. Un bureau provisoire sera mis en place par le comité central, avec à sa tête Philippe Ouédraogo. En outre, le comité central a réaffirmé, le 11 septembre 1999, le mandat du bureau provisoire. Selon M. Ouédraogo, Soumane Touré est venu distribuer, lors de ce comité central, des tracts injurieux à l’encontre des membres du bureau. Face à cet acte injustifiable, le comité a décidé de le suspendre, lui et tous les signataires du tract, confie le patron du PAI. Sans s’avouer vaincu, Soumane Touré va saisir le ministre en charge de l’Administration territoriale, Yéro Boly, pour dire que sa décision de suspension est illégale. Philipe Ouédraogo fait savoir qu’il a écrit au ministère, en vue de tenir un congrès. Le ministère le lui a accordé, alors qu’il sait que Soumane Touré n’est plus membre du PAI. Pour tenir un congrès, deux conditions doivent être réunies : soit le Bureau exécutif central (BEC) décide, soit ce sont les 2/3 des fédérations provinciales qui en font la demande.

Il s’est trouvé qu’aucune de ces conditions n’était réunie, affirme Philippe Ouédraogo. Mais avec la bénédiction du ministère en charge de l’Administration territoriale, ajoute t-il, Soumane Touré a organisé son congrès, le 4 décembre 1999 et le 31 janvier 2000, un récépissé lui a été délivré. Il s’en est suivi une guerre de paternité entre la tendance Soumane Touré et celle de Philippe Ouédraogo. En février 2000, la tendance Philippe Ouédraogo convoque un congrès extraordinaire, au cours duquel un bureau exécutif a été élu. Ce bureau n’a pas été reconnu par le ministère en charge de l’Administration territoriale. Philippe Ouédraogo et ses compagnons décident d’attaquer, devant le Tribunal administratif de Ouagadougou, le récépissé délivré à la tendance Soumane Touré.

« Nous avons écrit au ministre pour comprendre sa décision et il a affirmé qu’il n’était pas au courant de notre bureau provisoire ?qui n’a pas été présenté au ministère dans les délais requis », explique ?Philipe Ouédraogo. Qu’à cela ne tienne, il obtient gain de cause, car le tribunal administratif annule le récépissé de Soumane Touré en juillet 2000, vu que lui-même a avoué avoir démissionné. Mais cette décision peine à venir à bout de la guerre de paternité, car un deuxième récépissé sera délivré à M. Touré, le 5 octobre 2001, de façon discrète, par le nouveau ministre de l’Administration territoriale, Bernard Nabaré, qui lui donne l’autorisation de tenir un autre congrès, le 1er septembre 2001.?« Nous avons attaqué le ministre pour lui dire qu’il ne peut statuer sur qui est SG du PAI.

Nous pensons que le ministère en charge de l’Administration territoriale a aidé Soumane Touré contre nous, puisque le deuxième récépissé n’a pas été publié au Journal officiel », estime Philippe Ouédraogo et de faire savoir que le parti a fait appel de cette décision en 2005. Mais ce n’est que le 11 janvier 2011, soit onze ans après le début de l’affaire PAI, que le Conseil d’Etat a tranché définitivement, le dernier appel déposé par la tendance Philippe Ouédraogo, confirmant l’annulation du deuxième récépissé de la tendance Soumane Touré marquant ainsi, la fin d’une période de vie dans l’illégalité pour le PAI. Pour marquer le top de départ des activités du parti et régulariser sa situation devant les autorités administratives, le PAI a organisé, les 14 et 15 mai 2011 à Ouagadougou, un congrès extraordinaire. Pendant 48 heures, les militants et sympathisants se sont penchés sur les conditions de reprise des activités du parti et voir comment faire du PAI, qui a traversé onze ans de turbulences, un parti rénové pour les luttes.

Le PAI se réclame d’un parti communiste marxiste et léniniste. Il lutte depuis sa création, pour la démocratie, le socialisme et l’unité africaine.

Organisation du parti

Après plusieurs années de turbulences, le parti veut se réorganiser. Il est composé d’un Bureau exécutif central (BEC), composé de douze membres avec à sa tête, un SG comme premier responsable du parti, en la personne de Philipe Ouédraogo. Celui-ci, né en 1942, est ingénieur des mines de profession. Il est actuellement conseiller municipal de son village à Korsimoro. Au sein du parti, il assure la coordination générale du BEC et contrôle l’activité de chaque membre du parti. Pour rendre le parti actif sur le terrain, le BEC s’appuie sur les fédérations provinciales. Chaque province est dirigée par une fédération qui a, en son sein, un bureau de 5 à 10 membres.?« Actuellement, quarante et une fédérations sont fonctionnelles », soutient Philipe Ouédraogo. Les départements sont gérés par des sections et les villages par des comités de base. Une fois par an, le comité central organise des réunions pour échanger sur la vie du parti en plus des rencontres hebdomadaires des membres du BEC au siège du parti. En tant que parti, de l’opposition, le PAI vit des cotisations de ses membres et d’une partie de la subvention que reçoit le parti pour la démocratie et le socialisme (PDS) de Sambo Youssouf Bâ.

« Nous bénéficions du soutien financier du PDS, parce que nous avons « reversé » nos militants dans cette formation durant une dizaine d’années, en plus d’avoir des activités communes », souligne Philippe Ouédraogo. Les problèmes administratifs ont empêché le parti de se déployer sur l’ensemble du territoire et il nous a été difficile d’entretenir les relations que nous avions auparavant, affirme El Hadj Saidou Dabo, SG adjoint du PAI. « Heureusement que nous avons des militants du troisième âge qui sont restés fidèles au parti et qui se saignent pour le mouvement, à la différence des jeunes qui militent et qui attendent du parti… », explique - t-il. Syndicaliste depuis 1990, Claire Bambara/Barbaron est la secrétaire à la mobilisation féminine.
Selon elle, sa section est plus active à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, contrairement aux autres villes, vu que le parti a connu des difficultés durant une dizaine d’années.

Dans sa nouvelle organisation, le PAI a mis en place une Organisation des femmes du parti (OFP) qui permet aux femmes du parti d’être plus actives et plus efficaces sur le terrain.?« C’est une division interne du parti où les femmes se réunissent pour échanger sur les activités qu’elles doivent mener », indique Mme Bambara. Pour El Hadj Saidou Dabo, il y a une crise de l’activisme politique au niveau national, car les gens viennent dans les partis pour espérer obtenir quelque chose. Or, les objectifs d’un parti, c’est de défendre son idéologie, expliquer son programme et faire venir les militants, à travers un programme attractif qui permet de comprendre qu’au sein du parti, ceux-ci peuvent évoluer, participer à leur épanouissement et développer le pays.

« Quand vous expliquez votre programme, les gens vous comprennent, mais ils s’attendent à ce que vous leur donniez quelque chose. Face à une jeunesse désœuvrée, le travail devient difficile et la tendance, c’est d’aller vers le parti au pouvoir, car la jeunesse se dit qu’il y a plus de chance d’avoir du travail là-bas. Heureusement, il y a des jeunes qui ont compris que cette approche n’est pas bonne pour le Burkina Faso », souligne M. Dabo. Pour ce qui est de la mobilisation des militants, El Hadj Saidou Dabo indique qu’à Ouagadougou, il y a des sections dans les différents secteurs de la ville et des formations sont initiées à leur profit. Il ajoute que les moyens faisant défaut, il est difficile de déplacer les jeunes au siège du parti pour tenir des réunions régulières.

Fusion imminente avec le PDS

Par ailleurs, durant une dizaine d’années, le PAI, tendance Philipe Ouédraogo, s’est allié au PDS de Sambo Youssouf Bâ. Nombreux étaient les militants qui se sont inscrits sur la liste du PDS, afin de participer aux différents scrutins électoraux. « Nous avons travaillé en nous portant sur la liste d’autres partis, plus particulièrement le PDS », affirme le patron du PAI. Ainsi, Philipe Ouédraogo a été élu député en 2002 sur la liste du PDS. Il s’est présenté à la présidentielle de 2005 avec le soutien des partis tels que le PDS, le CDS et l’UFP. A propos de l’alliance entre le PAI et le PDS, il est prévu une fusion entre ces deux partis, et d’autres partis tels que Faso Metba, à partir de février 2012.?« Nous avons conscience qu’on ne peut arriver seul au pouvoir. Notre stratégie, c’est de fusionner avec d’autres partis de gauche qui partagent les mêmes idéaux, afin que nous soyons, d’une part, représentatifs sur le territoire, et d’autre part, plus forts pour aller à la conquête du pouvoir », signifie Philipe Ouédraogo. D’ores et déjà, le congrès des 14 et 15 mai s‘est prononcé en faveur de la fusion.

Ainsi, pour les élections couplées législatives et municipales, les Burkinabè ne verront, sans doute, pas le PAI seul, mais une fusion de partis avec de nouveaux logos et emblèmes. A propos de cette fusion, le SG adjoint, El Hadj Saidou Dabo ajoute que le PAI n’est pas attaché au sigle, mais préoccupé par l’idéologie et la ligne du nouveau parti qui va naître.?« Nous sommes contre la pléthore de partis, car en réalité, lors des élections, il n’y a qu’une dizaine de formations politiques qui y participent », avoue M. Dabo. Selon lui, le regroupement peut créer l’alternance et chaque parti doit faire l’effort d’aller au-delà de son sigle. Tous les partis qui prétendent regarder dans la même direction doivent se regrouper, a-t-il dit. Le PAI salue l’utilisation de la biométrie qui va contribuer à réduire considérablement, la fraude aux prochaines élections.

Le Parti africain de l’indépendance s’est affilié au Chef de file de l’opposition politique (CFOP), parce que ses dirigeants trouvent que c’est un cadre idéal pour discuter des problèmes de l’opposition. Par conséquent, il n’a pas participé aux assises nationales sur les réformes politiques. Le PAI estime que c’est un folklore initié par la majorité, en vue de modifier l’article 37. Pour le PAI, il faut une alternance au Burkina Faso, afin de parfaire la gouvernance démocratique.

Souleymane KANAZOE (Kanazoe.souleymane@yahoo.fr)

Sidwaya

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