LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

ENVIRONNEMENT : "SOS pour la forêt classée de Dida"

Publié le mardi 10 janvier 2012 à 00h30min

PARTAGER :                          

La recolonisation de la forêt classée de Dida dans le département de Mangodara est au cœur des préoccupations en matière de préservation de la biodiversité. Sur le terrain, les agents de l’administration n’arrivent pas à faire respecter la loi. Depuis la dernière tentative de déguerpissement, les activités portant atteintes à l’environnement y sont menées tous azimuts. Un rapport des services techniques du département de Mangodara sur la situation alarmante de cette forêt classée ouvre le débat sur la nécessité d’agir avant qu’il ne soit trop tard. En voici un large extrait.

La forêt classée de Dida relève ainsi du domaine classé de l’Etat depuis 1955 ; c’est-à-dire que bien avant les indépendances, les colons avaient déjà trouvé un intérêt à cette forêt, l’excluant de toutes formes d’occupation et d’exploitation si ce n’est à des fins de contrôle, de recherche scientifique et d’aménagement. Malheureusement, vu la faiblesse des moyens et de l’effectif du personnel forestier chargé du contrôle d’une part, et d’autre part la complicité de certains agents de l’Etat et responsables politiques, on autorise l’installation illégale et souvent clandestine d’exploitants agricoles à la recherche de terres fertiles.

La politique du fait accompli est en train de s’imposer dans cette forêt. Mais la conclusion du rapport est sans appel : « déclasser la forêt classée de Dida serait une grave erreur aux conséquences catastrophiques pour le Burkina Faso en général et la région des Cascades en particulier . Une occupation, même longue, ne donne aucun droit dans la forêt classée et la force doit rester à la loi. » La forêt classée ploie aujourd’hui sous la conjugaison de plusieurs maux, selon le rapport. Ils ont pour nom : Une déforestation intensive : en 2010, la superficie détruite était inventoriée avec le GPS Garmin CX 60 à cinq cent trente-deux hectares (532 ha). En 2011, la tendance a augmenté. Avec le GPS etrex, la superficie de la forêt détruite a été estimée à neuf cent soixante-treize hectares (973 ha). Ces chiffres sont à revoir à la hausse d’autant que, selon le rapport, l’arrivée des « ex- occupants du parc national de la Comoé de la Côte d’Ivoire et la création de nouvelles défriches pour la culture d’igname vont augmenter la pression sur la forêt. »

La culture d’igname est particulièrement nocive pour la forêt, explique le rapport, parce que cette culture nécessite chaque année de nouvelles défriches. L’orpaillage : cette activité est développée du côté Lougwano et de Karwaidougou où certains orpailleurs tentent leur chance en laissant derrière eux trous et crevasses. Le rapport fait aussi état de prospections en règle. Des sociétés munies de permis de recherche sont actives dans la forêt. Les feux de brousse : ils sont le fait des agriculteurs mais surtout de producteurs d’anacarde installés dans la forêt. Le ramassage des agrégats dans la forêt classée : en principe, cette pratique est bannie. Mais une entreprise y est active dans le cadre de la construction d’un CSPS. Le rapport fait état d’un incident entre l’entreprise et les forestiers.

Depuis que l’Entreprise Emergence a reçu l’ordre de poursuivre les travaux de construction du CSPS à Sassamba, les agrégats sont continuellement ramassés dans la forêt classée. L’emplacement du site du CSPS en construction est à trois cent soixante-cinq mètres (365m) de la forêt classée alors que les textes prévoient une zone tampon aux alentours des forêts classées. Une position qui consolide la présence des occupants de la forêt classée et nous nous posons la question suivante : une étude d’impact a-t-elle été menée ? Notre patrouille du vendredi 9 décembre 2011 a intercepté, dans la forêt, un camion benne transportant des cristaux de quartz à une dizaine de kilomètres de Sassamba sur l’axe Sassamba-Goté. Lorsque nous avions voulu procéder à l’arrestation dudit camion, la population s’ y est opposée et a même tenté de nous agresser. Ce contentieux est en instance. Le rapport énumère les difficultés rencontrées sur le site et propose des solutions pour sauver la forêt de Dida.

Les difficultés existaient déjà, mais elles se sont amplifiées avec le revirement de comportement des occupants. Jadis, ils reconnaissaient s’être installés dans une forêt classée, mais maintenant ils refusent de l’admettre. Ces occupants s’appuient sur plusieurs faits pour dire qu’ils ne se sont pas installés dans une forêt classée :

• Le déguerpissement avorté de décembre 2009 ;

• Leur recensement en vue de l’élection présidentielle de 2010 ;

• L’installation des urnes dans la forêt pour leur permettre de voter ;

• Le projet de construction d’un nouveau forage à Mado. En effet, sur ce point, les habitants de Mado ont adressé une demande au maire de Ouo pour la réalisation d’un nouveau forage. Aux dernières nouvelles, la demande a obtenu un avis favorable et en 2012, un nouveau forage y verra le jour ;

• L’ouverture d’une école medersa à Goté ;

• La construction du CSPS à la porte même de la forêt (365 m). Cette construction consolide davantage leur position.

• Des agressions et intimidations lors des patrouilles. (…)

Que peut faire et que doit faire le service de l’Environnement de Mangodara face à cette situation, avec ses agents qui sont souvent victimes d’agressions dans la forêt classée ? Une autre grande difficulté que nous rencontrons le plus souvent dans la forêt, c’est l’interminable conflit entre agriculteurs et éleveurs. Les premiers estiment que les animaux font trop de dégâts dans leurs champs. Les seconds rétorquent que les agriculteurs viennent occuper leurs lieux de pâturage pour en faire des champs à cause de la fertilité du sol due à la fumure organique. Les éleveurs continuent en disant que les animaux reviennent toujours sur leurs pas pour pacager et qu’évidemment les animaux feront des dégâts s’ils trouvent leurs pâturages transformés en champs.

Le rapport conclut sur une série de propositions faites aux autorités administratives, politiques et judiciaires qui, en définitive, doivent trancher sur le sort de la forêt classée de Dida. Que la forêt classée soit totalement apurée ou déclassée. Dans tous les cas, l’Etat « doit clarifier sa position face à cette situation car sa position actuelle est très ambiguë », relève le rapport.

Synthèse de Abdoulaye Tao

Le pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Changement climatique : La planète envoie des signaux