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La mort de Vaclav Havel, ancien président de la République tchèque.

Publié le mardi 20 décembre 2011 à 18h09min

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Il est mort à l’aube de ce dimanche 18 décembre 2011, quelques mois après avoir fêté ses 75 ans (c’était le 5 octobre 2011). Il était, avec le Polonais Lech Walesa, la figure emblématique de la rupture des pays d’Europe de l’Est avec le stalinisme moscovite. Vaclav Havel restera, pour « l’Occident », l’archétype de l’intellectuel engagé contre le communisme ; un parcours exemplaire même si, à l’instar de Walesa (qui, lui, est l’archétype de l’ouvrier engagé contre le communisme), sa gestion de l’Etat ne sera pas aussi politique que les populations l’avaient espérées.

C’est qu’il n’y a pas de « révolutions » sans révolutionnaires et si Havel était un homme épris de liberté, il l’était sans doute trop pour exercer, comme il convenait, le pouvoir dans une Tchécoslovaquie martyrisée par l’Histoire. La Tchécoslovaquie était née au lendemain de la Première guerre mondiale du dépeçage de l’empire austro-hongrois. Le 30 septembre 1938, Londres et Paris signeront avec Berlin les « accords de Munich » qui vont permettre à Adolf Hitler de jeter son dévolu sur les Sudètes avant d’entrer à Prague, la capitale de la Tchécoslovaquie, le 15 mars 1939. Il envahira le pays avant de le démanteler. L’histoire de la Tchécoslovaquie au long du XXème siècle sera une histoire dramatique qui donnera une identité particulière aux hommes politiques de ce pays. Avec quelques figures majeures.

Edvard Benes et Tomas (puis son fils Jan) Masaryk étant les victimes (l’un démissionnera, l’autre sera « suicidé ») du « Coup de Prague », le 25 février 1948, qui va faire basculer le pays dans l’orbite stalinienne. Le slovaque Dubcëk dans les années 1960 et, plus encore, lors de la phase du « socialisme à visage humain » qui va « justifier » l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie le 21 août 1968 (le « Printemps de Prague ») et la mise en place, sous l’autorité de Moscou, d’une politique de « normalisation ».

C’est dix ans plus tard qu’émergera sur la scène politique le dramaturge et écrivain Vaclav Havel. Il va être un des 242 signataires, le 1er janvier 1977, de la Charte 77 et la figure de proue, à l’international, des « dissidents » en lutte contre le régime communiste. La Charte 77 a été une mobilisation d’intellectuels cherchant à imposer au gouvernement le respect de ses engagements internationaux en matière des droits de l’homme (issus de la conférence d’Helsinki en 1975). Havel se retrouvera condamné à quatre ans de prison. A l’issue de la « révolution de velours » qui éclatera à Prague en 1989, il va être élu à la présidence de la République. Son premier ministre sera un économiste ultra-libéral, Vaclav Klaus.

Havel avait une vision « théâtrale » de la gestion de l’Etat et ne s’opposera pas aux manœuvres conduites par Klaus, avec la complicité du leader slovaque Vladimir Meciar, pour décider, en 1993, la partition de la Tchécoslovaquie en deux entités distinctes : la République tchèque et la Slovaquie. Havel deviendra ainsi, du même coup, le premier président de la République tchèque. La déchirure tchécoslovaque passera d’autant plus inaperçue qu’elle ne fera pas l’objet d’une consultation populaire ; les Balkans, il est vrai, sont alors à feu et à sang. Prague demandera, en 1996, son adhésion à l’Union européenne, ce qui séduira les capitales « occidentales » ; Klaus, quant à lui, sera obligé de démissionner de la primature à la suite de révélations sur le financement de son parti.

Réélu en 1998, Havel nommera Milos Zeman comme chef du gouvernement. Havel avait une obsession que résume parfaitement Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères : « Etre enfin avec les Etats-Unis et sans les Russes ». Le président de la République tchèque était d’autant mieux perçu par Washington que le secrétaire d’Etat de Bill Clinton était, depuis le 23 janvier 1997, Madeleine Korbel-Albright, née à Prague, fille d’un diplomate tchèque qui avait dû fuir les nazis en 1939 et s’exiler aux Etats-Unis en 1948 à la suite du « Coup de Prague ». Des liens privilégiés seront donc tissés entre Albright et Havel. Et la République tchèque se verra offrir de rejoindre l’OTAN dès 1999, aux côtés de la Pologne et de la Hongrie.

Havel quittera la présidence début 2003, conformément à la Constitution qui ne lui permettait pas de briguer un nouveau mandat. Sa fonction était honorifique. Mais, compte tenu de son passé et de sa position d’intellectuel, de dramaturge et d’écrivain, il lui aura donné une dimension internationale qui lui sera reprochée par certains commentateurs. C’est ainsi qu’il proposera à Madeleine Albright « de lui succéder à la présidence de la République tchèque ». Etonnante perception des choses ! Dans ses mémoires, Albright raconte : « J’ai dit à Havel que les Tchèques devaient être dirigés par quelqu’un qui avait vécu parmi eux ces dernières décennies et que, par ailleurs, cela faisait bien longtemps que j’étais devenue américaine* ».

Ayant donné une dimension internationale à la République tchèque et instauré des relations bilatérales privilégiées avec les puissances « occidentales », Havel sera confronté à une situation politique intérieure moins sereine. L’ultra-libéral Vaclav Klaus, qui avait en tant que ministre des Finances (1990-1992) puis Premier ministre (1992-1997) mis en place une libéralisation sauvage de l’économie et provoqué la scission avec la Slovaquie, sera l’instigateur, au lendemain des législatives de 1998, d’une alliance contre nature avec son successeur à la primature, le social-démocrate Milos Zeman. Klaus, qui s’était emparé de la présidence de l’Assemblée nationale, laissera Zeman gouverner contre l’octroi de postes clés dans les institutions étatiques. C’était ouvrir la porte aux magouilles et à la corruption. Et ce jeu politique trouble va détourner des urnes les électeurs tchèques ou les conduire à voter pour le KSCM, ex-Parti communiste tchèque (PCT) qui, au contraire des autres PC d’Europe de l’Est, ne s’était pas réformé.

Aux législatives de juin 2002, le parti social-démocrate CSSD va cependant l’emporter alors que l’ODS de Vaclav Klaus va perdre sa position majoritaire et que le KSCM, ex-PCT, va recoller au peloton de tête. Le CSSD va alors gouverner avec l’appoint des chrétiens démocrates du KDU et des libéraux de US. C’est au social démocrate Vladimir Spidla, devenu le leader du CSSD à la suite de Zeman, que Vaclav Havel confiera la conduite des affaires gouvernementales. La République tchèque pensait s’être débarrassée de Klaus. C’était compter sans la présidentielle de 2003 et le mode de scrutin complexe institué par la Constitution. Le président est élu par le parlement à la suite de multiples procédures : il faudra près de deux mois pour que les « favoris » du scrutin soient éliminés du jeu politique et que, finalement, Klaus obtienne la présidence.

L’impéritie politique de Havel va ainsi ouvrir la porte du pouvoir à un eurosceptique qui se veut le Tchatcher de l’Europe centrale, xénophobe, nationaliste, souverainiste, flirtant avec les thèses de l’extrême droite (notamment en ce qui concerne le dossier des Sudètes). Havel a dit qu’il avait été « projeté dans l’Histoire, même s’[il ne l’a] jamais voulu ». L’Histoire retiendra que convaincu qu’il suffisait de bien penser pour bien agir (en politique)**, il a fait le lit d’un des pires dirigeants d’un pays de l’Union européenne : Vaclav Klaus. Dont les partisans ont fait du « havélisme » une expression plus péjorative encore que ne l’a été le mot « communisme » !

* Née à Prague en 1937, Madeleine Korbel-Albright n’avait séjourné dans son pays natal que de 1937 à 1939 et de 1945 à 1948 (et, encore, de façon épisodique : son père a été ambassadeur de Tchécoslovaquie en Yougoslavie et en Albanie pendant cette période et Madeleine aura été pensionnaire en Suisse en 1947-1948). A noter que Albright était à Prague, le 5 octobre 2011 pour fêter, avec 500 artistes, intellectuels et amis, l’anniversaire de Vaclav Havel.

** La devise de Vaclav Havel était politiquement simpliste : « L’amour et la vérité vaincront la haine et le mensonge ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 20 décembre 2011 à 20:06, par Coxi En réponse à : La mort de Vaclav Havel, ancien président de la République tchèque.

    A M. JP-B de la DD :
    Vos articles sont relativement accessibles en lecture ; mais leurs contenus sont me semble-t-il, de plus en plus tendancieux voire pénibles car s’éloignant de la vérité.

    Vaclav Havel était bel et bien communiste (mais avec sa conception de la "Liberté"), tout comme Willy Brandt fut un triple espion au compte de l’Est, de l’Ouest et du nationalisme allemand renaissant de l’après-guerre. (NB : Comme W. Brandt était juif-sioniste, il a été protégé lorsqu’il a été démasqué par ces mêmes américains. Cependant, il a été démissionné et récompensé par un prix dit nobel de la paix. Et c’est son adjoint qui a payé les facture à sa place.)

    Seulement, l’Occident ne respecte aucune moralité dès qu’il s’agit d’abattre ses ennemis (ici, le communisme) qu’elle invente au gré de ses intérêts. Faisons attention à ne pas falsifier l’Histoire des peuples.

    La personne qui a fait tomber le communisme en Europe de l’Est, est Mikhaïl Gorbatchev.

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