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Réformes politiques : Quid des questions non consensuelles ?

Publié le mercredi 14 décembre 2011 à 13h26min

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Affirmer que le Burkina Faso a forgé son identité puis conquis sa souveraineté internationale avec l’appui considérable pour ne pas dire primordial de la chefferie traditionnelle serait enfoncer une porte grande ouverte tant les faits et les actes parlent d’eux-mêmes. N’eût été en effet l’action de ces chefs coutumiers, le Burkina ne serait peut-être pas sur la carte du monde à l’heure actuelle.

Les conditions d’un renouveau politique dans la douceur ont un prix et il faut que nous l’acceptions tous, en donnant du temps au temps pour consolider les bases du système. La politique ce n’est pas une simple vue de l’esprit, et dans le processus de réfondation, chacun devra lâcher du lest.

Alors que les Assises nationales sur les réformes politiques s’ouvrent aujourd’hui même, les avis restent toujours tranchés sur certaines questions qui ont animé les travaux du CCRP, puis les consultations régionales, et dont les plus emblématiques nous semble-t-il, sont le statut de la chefferie coutumière et la révision ou non de l’article 37 de la constitution. Si le second point fait la Une des débats et autres chroniques médiatiques au point que certains en arrivent à affirmer que les consultations politiques ont été entamées juste pour couper la « tête » de l’article 37, il faut dire que le statut de la chefferie coutumière, s’il était décidé à la « hussarde », pourrait nous valoir des angoisses autrement plus grandes que celles que nous prédisent les chevaliers de l’apocalypse de l’article 37 en cas de révision.

Affirmer que le Burkina Faso a forgé son identité puis conquis sa souveraineté internationale avec l’appui considérable pour ne pas dire primordial de la chefferie traditionnelle serait enfoncer une porte grande ouverte tant les faits et les actes parlent d’eux-mêmes. N’eût été en effet l’action de ces chefs coutumiers, le Burkina ne serait peut-être pas sur la carte du monde à l’heure actuelle. C’est dire s’ils ont joué un rôle éminemment politique de par le passé et qu’il est parfaitement hypocrite de vouloir aujourd’hui les en écarter. Mais bien avant cet épisode de notre histoire, la chefferie jouait déjà un rôle central dans l’administration de nos cités et de nos sociétés.

En effet, quel que soit le type de société, nos populations avaient des formes d’organisations sociales structurées, dynamiques et ordonnées dans lesquelles la chefferie avait une place importante. Par la suite, ces systèmes ont joué les supplétifs pour les colons qui ont eu l’intelligence de les conserver et de les mettre à leur service. Le système colonial a donc chapeauté le système politique existant sans chercher à le supprimer. La chefferie coutumière se retrouvera ainsi, à son corps défendant, au centre du jeu politique. Elle n’a donc jamais cessé d’être actrice dans le système d’organisation social et le jeu politique.

Indépendamment de ce rôle historique majeur, la chefferie coutumière va progressivement s’imposer comme la représentation la plus fidèle de nos différentes identités au point d’apparaître comme le symbole de notre culture et le socle de l’organisation sociale. L’émergence de cette fonction va la conduire à devenir des recours ultimes dans de nombreuses crises aussi bien individuelles que collectives par ses conseils, avis et intermédiations. Elle a ainsi contribué à dénouer certaines crises graves que le pays a connues.

Il faut donc convenir que la chefferie est par essence politique et laisser les chefs jouir de la plénitude de leurs droits. Ce d’autant que la Constitution proscrit toutes discriminations basées sur l’origine. C’est dire qu’à défaut de consensus, cette question ne devrait pas pour autant être évacuée à la va vite pour le seul plaisir de quelques théoriciens en mal de reconnaissance au regard de sa délicatesse et de son importance pour le substrat social. Il faut se donner le temps pour décider et élargir davantage le champ des échanges et des réflexions.

Il en va de même de l’article 37 à propos duquel nous convenons tous, contempteurs comme partisans de la révision, qu’il y a d’énormes intérêts en jeu. Mais, au contraire de ceux qui font des comptes d’apothicaire en voyant dans la révision d’une part la prolongation du bail de Blaise COMPAORE (sic) et d’autre part la défense d’intérêts bassement matériels, nous inclinons à penser que cette révision va nous permettre de solder avec sérénité les comptes du passé, d’envisager l’avenir avec plus de confiance et de donner au peuple la plénitude de sa souveraineté.

S’il est vrai que d’énormes progrès ont été enregistrés sur le chemin de la résorption du contentieux politique et économique laissé par des décennies d’une histoire tumultueuse, il reste encore quelques scories et on ne peut les traiter avec succès si l’on mettait de côté les artisans de l’histoire politique récente de notre pays en tentant de forcer l’alternance. Les conditions d’un renouveau politique dans la douceur ont un prix et il faut que nous l’acceptions tous, en donnant du temps au temps pour consolider les bases du système. La politique ce n’est pas une simple vue de l’esprit, et dans le processus de réfondation, chacun devra lâcher du lest.

Il n’y a ni entêtement suicidaire, ni volonté d’attenter à la paix sociale en affirmant cela d’autant que dans ce brouhaha, on ne sait pas ce que pense le peuple, même si certains s’entêtent à soutenir que ledit peuple ne sait pas où se trouve ses propres intérêts. Un argument commode que l’on utilise en fonction des occurrences si tant est que ceux qui le défendent aujourd’hui étaient les mêmes qui avaient vu dans le faible taux d’inscription sur les listes électorales, un signe de maturité de ce même peuple. C’est à ne plus rien comprendre. Il siérait donc de lui donner la parole en temps opportun, pour « connaître son ventre » plutôt que de se complaire dans des fantasmes intellectualistes qui bien souvent cachent mal la défense de certains intérêts primaires.

Les résultats du dernier sondage du CGD, qui indiquent que pour moins de la moitié des Burkinabè (48% des sondés) « La Constitution ne doit pas être modifiée pour lui (Blaise COMPAORE) permettre de se présenter à nouveau à un mandat », montrent combien tout ce beau monde tente de nous mener en bateau. En effet, que ne nous ont-ils pas promis sur fond de colère du peuple qui refuserait massivement que Blaise COMPAORE s’éternise au pouvoir ?

Ces chiffres sont d’autant plus implacables et contre eux que dans le même temps 52% des sondés sont en faveur d’une limitation des mandats. C’est dire le grand crédit dont Blaise COMPAORE jouit auprès des populations et la nécessité qu’il y a de ne pas céder aux menaces et autres intimidations que certains développent pour imposer leurs vues. C’est la raison pour laquelle ils s’opposent obstinément à tout recours à l’arbitrage du peuple souverain et exigent le statuquo.

Dans le même sens, comment ne pas demander qu’on revisite la très mauvaise idée de limitation à 70 ans de l’âge maximum des candidats à l’élection présidentielle ? Une idée à la fois infantiliste et ne correspondant pas aux réalités du landerneau politique. Notre système politique peut-il raisonnablement se passer du capital d’expérience du personnel de cet âge ? On peut en douter.

En attendant les conclusions des Assises nationales, il faudra intégrer toutes ces données dans notre quête d’enracinement définitif de la démocratie au Burkina Faso. Pour cela, ayons à l’esprit que le consensus sur lequel reposent les travaux suppose des concessions mutuelles pour permettre d’asseoir un système cohérent et viable. Les participants à ces assises ont donc une mission historique qui doit les pousser à aller plus loin que les instances passées pour imaginer éventuellement des solutions et des alternatives nouvelles pour les sujets sur lesquels il n’y a pas d’accord pour le moment.

Alpha YAYA

ilingani2000@yahoo.fr

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