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In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

Publié le mercredi 14 décembre 2011 à 00h47min

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Décembre 1998-Décembre 2011. Voilà déjà 13 ans que notre confrère Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune tombaient sous les balles assassines de ses bourreaux à Sapouy. 13 ans d’impunité, de fuite en avant, de manipulation des institutions judiciaires et de la vérité. Après avoir subi un véritable et honteux Ping pong dans les mains des professionnels de la justice, le dossier Norbert Zongo a écopé d’un non lieu en 2006. Depuis, silence radio. Plus aucun signe de tentative de manifestation de la justice et de la vérité.

En assassinant ce journaliste émérite, ses bourreaux et leurs commanditaires pensaient se débarrasser d’un emmerdeur, d’un empêcheur de gouverner en rond. Ils ont commis cette erreur en pensant que la troupe désemparée allait abdiquer et replier pour renoncer au combat pour la quête de la liberté, de la justice et du progrès social. Son sacrifice suprême et ses restes mortuaires ont servi de fertilisant pour l’éveil des consciences de ses compatriotes et au-delà, des africains. Le combat de Norbert Zongo est plus que d’actualité. Nous reproduisons cet éditorial intitulé « Que faire ? »Qu’il a publié dans l’Indépendant N°225 du 16 décembre 1997 pour dire que la question n’a jamais taraudé les esprits de ses compatriotes avec tant d’intensité et de précision que maintenant. En cette période de polémique sur les réformes politiques et de confusion sur le sort de l’article 37, Que faire ? Question lancinante, question actuelle.

« Dans les tourments de la Révolution bolchevique, Lénine s’interrogea dans un célèbre ouvrage : ‘’Que faire ? ‘’ Cette question est à l’ordre du jour en Afrique. La grande question qui préoccupe les intellectuels et tous ceux qui se donnent la peine de comprendre les problèmes du continent africain est celle-ci : l’Afrique s’en sortira-t-elle ?

‘’ Que faire ?’’

Une division factice veut que les Africains et tout ceux qui se penchent sur le sort du continent noir se positionnent en deux groupes : Les afro-pessimistes qui disent que le continent est voué à la misère et peut-être à la disparition à cause des grands fléaux que sont les épidémies, la famine et les guerres civiles. Ils croient que nous sommes beaucoup trop en retard pour rattraper le peloton et y trouver une place. Pire, nous sommes hors du circuit, irrémédiablement.

Les afro-optimistes croient en l’avenir de l’Afrique malgré tout. Elle a d’immenses richesses et elle a des populations jeunes, dynamiques. Même par un raccourci, l’Afrique rattrapera les autres.
Les arguments des uns et des autres se valent même si nous disons toujours qu’être un optimiste, dans certaines circonstances, c’est être un pessimiste qui manque d’informations. De part et d’autre, on peut se satisfaire de l’interrogation permanente posée par chacun avant de porter son jugement. Etre optimiste ou pessimiste, c’est prendre le temps de s’interroger.

S’il y a un mal, il se traduit par le manque d’interrogation. Ils sont nombreux à ne plus s’interroger sur quoi que ce soit, à se laisser aller, préoccupés paraît-il par tout, sauf par l’essentiel : s’interroger, réfléchir sur leur propre situation. Ils sont pauvres, ils sont chômeurs, ils vivent une misère noire ou tout simplement ils travaillent pour un salaire similaire à la ration alimentaire que l’on donnait à l’esclave afin qu’il ait la force nécessaire pour travailler…

Tout cela ils le savent, puisqu’ils le vivent. Mais ils ne s’interrogent point sur leur propre situation : je souffre aujourd’hui. Et demain ? La situation peut-elle s’améliorer ? Quelles conditions doivent être remplies à mon propre niveau et à celui de l’ensemble de la société pour que ma situation s’améliore ? Dois-je être optimiste ? Quels en sont les motifs ? Est-ce le contraire et quelles en sont les raisons ? Que faire ?

Cet exercice d’interrogation est au centre de la vie de l’homme, il en est la charpente. Mais attention, il est très opposé à la rumination des chagrins, à la culture de la défaite, sous l’hymne des insomnies et des nuits blanches.

Cet exercice de l’interrogation permanente n’est point une suite de mouvements gymniques désordonnés sur une natte ou un lit, des nuits et des nuits durant, sans sommeil.

Chaque fois qu’il est exécuté, il doit modifier notre comportement dans un élan de vie. ‘’Je m’interroge, donc je vis’’ pourrons-nous dire pour paraphraser la célèbre formule cartésienne. En examinant le cas des Burkinabé aujourd’hui, c’est-à-dire le cas de chacun de nous, il y a lieu de se demander : avons-nous le courage de nous interroger sur notre avenir et sur celui de notre pays ? Combien sont-ils qui se livrent à cet exercice de l’interrogation ? Comment le font-ils ?

Et si nous essayons de définir le cadre de cette réflexion, de cette interrogation, nous constatons que nous sommes un des pays où un régime militaire s’est mué en Etat de droit avec plus ou moins de succès et qui pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Nous sommes des S.S. comme le dit un comédien Camerounais (des sans sou et sans savoir). Nous avons, à la tête de notre pays, un officier supérieur reconverti en civil qui a su habiller comme ailleurs le parti unique d’une toge de démocratie délavée. Nous avons ici, comme dans les autres pays à ‘’démocratie-officier-supérieur’’, un président-à vie, la race des imbattables démocratiques.

Nous subissons la loi des trois P : P comme président, P comme parti unique et P comme P.A.S. Nous sommes condamnés à vivre un primitivisme politique, labourant la corruption, récoltant la misère et le chômage… marginalisés dans la longue marche des peuples du monde vers le progrès. Pendant que l’humanité grouille sur son Internet et poursuit ses progrès sociaux, nous sommes occupés à éteindre ou à allumer nos foyers de conflits par la voie de nos ‘’démocraties-officier-supérieur’’. Nous n’avons pas encore compris qu’une société humaine n’est point une jungle où le plus fort impose sa loi au plus faible.

Nous n’avons pas encore compris que, dans toute société qui veut se pérenniser, il faut quelque chose au-dessus de tous les hommes. En religion, ce quelque chose est Dieu. Dans une République, c’est-à-dire sur le plan politique et social, ce sont la Constitution et la Loi.

Voilà résumé le cadre dans lequel nous devons faire notre exercice d’interrogation permanente au niveau du Burkina. Notre engagement aux côtés des uns ou des autres sera fonction de cet exercice de l’interrogation permanente. Tout ce que les autres nous diront, tout ce qu’ils nous demanderont d’entreprendre, de comprendre, d’accepter ou de refuser nous apparaitra dans une transparente clarté. Nous aurons un jugement clairvoyant, lucide.

Quand l’homme s’interroge, il vit. Il vit au rythme de sa société et du monde.

Le ‘’Que faire ? est source de vie. Quand plus rien n’a aucun sens, une seule solution s’impose à nous : l’interrogation. Constamment. »

In L’Indépendant n° 225 du 16 décembre 1997

Mutations Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (Mutations.bf@gmail.com)

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Vos commentaires

  • Le 14 décembre 2011 à 01:24 En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    bon article.si vraiment la mort de NORBERT a eveiller vos consciences,vous ses collègues,alors que ces genres d’articles n’apparaissent pas seulement les 13 decembre.car a mon sens un eveil de conscience est purement different d’un souvenir.là vous vous souvenez juste de NORBERT,souvenir qui vous amène a ecrire un tel article.reellement si c’etait un eveil de conscience vous vous serai habillé de l’habit de NORBERT ZOMGO,c’est a dire celui d’un combat cotidien pour votre pays.mes chèrs journalistes,j’ai honte a votre place.

    • Le 14 décembre 2011 à 14:45, par Sida En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

      Mon cher, sois un Norbet Zongo dans ton secteur d’activité. Sinon tu n’auras rien compris du combat de Henri Sebgo et tu ne mérites pas son sacrifice suprême.

  • Le 14 décembre 2011 à 03:19, par Le Ché En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Qui peut rester insensible à une clairvoyance aussi hors - normes ? Quelqu’un qui était en avance par rapport à tous ces voyoux guidés par la prostitution intellectuelle. Un éclaireur.

    Mais eux ils veulent avancer dans l’obscurité. Conséquence, ils ne savent plus où ils vont. Malheureusement, ils emportent tout un peuple !

    Ils l’ont reduit en cendre oh ! Dieu,

    S’ils ont un tout petit peu de conscience, en lisant cet extrait de son journal, ses boureaux et commenditaires auront des larmes aux yeux comme moi.

    Après SANKARA, les sanguinaires ont encore sévi.Ils éliminent tous ceux qui empêchent de gouverner dans la boue. Il reste les moutons qui bêlent et qui suivent. Des peureux, pardon des (qui est fou)... pour dire qu’il n’y a que lui seul qui puisse gouverner le pays. Mon oeil oui !

    Dieu donne de valeureux fils au Burkina, mais voyez ce que le Burkina en fait.

    Heureusement Norbert, Thomas, et autres, vous n’êtes pas morts !. De là haut, vous observez, en attendant qu’ils vous rejoingnent un de ces quatre matins. Puisque "Nous sommes tous mortels. Ceux qui ont le pouvoir de donner la mort y compris". Dixit ZONGO.

  • Le 14 décembre 2011 à 08:42, par ZIO En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Quelle plume ! Quelle perte pour le Burkina !. Il nous faut plus d’une génération avant d’avoir ce qui s’appelle journaliste professionnel, jouranliste d’investigation.
    RIP, Norbert ZONGO !

  • Le 14 décembre 2011 à 08:54, par le Burkinabè En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Merci pour cet article qui nous donne plusieurs enseignements tant au plan personnel (individuel ) qu’au plan du destin collectif. J’ai envie de dire que Norbert ZONGO était en avance sur son temps. Tout ce qu’il a décrit dans cet article est plus que jamais d’actualité.
    Chacun devrait se livrer à l’exercice : s’interroger constamment sur son devenir afin trouver les voies et moyens pour se libérer des chaînes.

  • Le 14 décembre 2011 à 09:05, par DJERE DJIN En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    POURQUOI VOUS L’AVEZ TUE ?
    IL EST ECRIT QUELQUE PART QUE CELUI QUI NE FAIT RIEN POUR EMPECHER UNE SITUATION PAIE AUSSI LES CONSEQUENCES. WAIT AND SEE

  • Le 14 décembre 2011 à 10:16, par pet En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Démocratie offier-superieur !Que faire face à une telle démocratie ? Question essentielle,question existentielle !

  • Le 14 décembre 2011 à 11:16, par L’indigné En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Avec des mots justes et faciles à la compréhension, il parle au lecteur et ce dernier se sent
    conserné, comme s’il était nommément cité dans l’article. Il connaissait parfaitement ses compatriotes, touchait du doigt leurs propres problèmes, et les invitait à saisir l’opportunité de leurs solutionnements. Où allons-nous ? Quelle peut être ma contribution à la bonne gouvernance chez moi ? Posons-nous ces questions, sinon nous ne sortirons jamais de l’ornière.
    RIP Norbert et merci pour tout

  • Le 14 décembre 2011 à 12:31, par sukoy En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    tres belle article et paix a son ame je ne l,ai pas connus mais a travers ces ecrit on vois la un digne fils et integre du burkina et journaliste devoue a son travail surtout du travail bien fait. l,heure de la justice viendra inch allha

  • Le 14 décembre 2011 à 13:46, par la comète de halley En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Brillant journaliste,repose en paix.tu étais pétri d’idées qui auraient pu servir l’Afrique mais hélas......les médiocres ont décidé autrement.Comme sankara,tu n’es pas mort.Vous n’êtes plus matières mais esprits indispensables et éternels.............Jusqu’à présent l’Afrique vous pleure.Et on continue de sinterroger avec le Professeur KI-ZERBO...A quand l’Afrique ?

  • Le 14 décembre 2011 à 15:41, par Pazoessé En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Rest in PEACE Norbert Zongo !
    Combien sommes nous aujourd’hui,prets au sacrifice suprême tel que consenti par Norbert Zongo,au nom de la justice et bien d’autres valeurs ? Nous serons plus nombreux au fur et à mesure que 2015 approche.

  • Le 14 décembre 2011 à 16:03 En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Un article vieux de 14 ans qui aurait pu être écrit today....
    Ca sent pas bon pour le peuple bf ca .....

  • Le 14 décembre 2011 à 18:16 En réponse à : In Indépendant du 16 décembre 1997 : Que faire ?

    Pourquoi au Burkina on n’aime pas celui qui nous fait voir la réalité en face afin de pouvoir opérer des changement et connaître un Burkina émergent ? Si de son lit nous apercevons un serpent rentrer dans notre chambre et que notre enfant nous alerte, allons nous le réduire au silence du fait que le bruit de l’enfant risque de déranger les autres membres de la famille qui dorment qui profondément ?
    Je ne vois aucun père de famille qui agira de la sorte... et pourtant la famille qui dort profondément c’est bien nous

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