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Electrification rurale : La réponse burkinabè (2/2)

Publié le mercredi 7 décembre 2011 à 16h33min

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67 localités électrifiées ; 13.000 abonnés ; environ 110.000 personnes accédant aux services électriques ; forte responsabilisation des populations qui participent au montage, à la réalisation et à la gestion des systèmes électriques à travers la création de Coopératives d’électricité (Coopel) ; création d’activités génératrices de revenus ; intégration de campagnes d’information et de sensibilisation sur le VIH/SIDA dans tous les projets ; amélioration des conditions de vie et de travail des populations (santé, éducation, téléphonie, etc.) ;

Réduction de l’exode rural ; renforcement des capacités des acteurs intervenant dans l’électrification rurale : entreprises, bureaux d’études, membres des organes dirigeants des Coopel, personnel du Fonds de développement de l’électrification (FED)… ; réduction des coûts de construction des systèmes électriques à travers le dimensionnement des lignes électriques, l’utilisation des poteaux en bois, le recours au système monophasé avec retour à la terre (Single Wire Earth Return-SWER) ; valorisation de l’énergie solaire photovoltaïque (cas de Déou et Markoye avec l’implantation de centrales dotées de deux groupes électrogènes de 30 KVA chacun, soit une puissance totale de 60 kVA, couplés à un champ solaire photovoltaïque de 11,7 kWc, ainsi que la construction d’un réseau électrique HTA/BTA).

Marie-Blanche Bado, directrice générale du FDE, se montre enthousiaste en évoquant les « acquis » de son entreprise (Atelier l’Initiative de l’électrification de l’Afrique - Dakar - 14-16 novembre 2011). A juste titre d’ailleurs. Le FDE intervient avec ses moyens financiers, techniques et humains (qui sont ceux, aussi, des populations concernées) là où la Sonabel n’est pas encore en mesure de le faire, créant, ici et là, des pôles électriques qui, aussi modestes soient-ils, sont toujours un progrès économique et social. Et lorsque enfin, le réseau national parvient jusqu’à ces pôles isolés, le FDE peut démonter ses équipements pour aller voir ailleurs ce qui se passe tout en espérant que les acquis sociaux résultant de son action ne seront pas perdus. Sonabel et FDE marchent séparément mais électrifient ensemble ! La complémentarité est aussi parfaite que possible dès lors que sur l’ensemble du territoire le kWh est à un prix unique. Il est vrai que l’objectif est ambitieux : porter le taux d’électrification à 60 % en 2015 !

En ce qui concerne le monde rural, on évoque, depuis la nuit des temps, la « maîtrise de l’eau ». Mais jamais la « maîtrise de l’énergie ». Or, qui peut penser que la modernisation des modes de production en matière d’agriculture et d’élevage pourra se faire sans accès à l’électricité que l’on présente, trop souvent, comme un élément du confort, pas un accélérateur de production. Beyon Luc Adophe Tiao, le Premier ministre burkinabè, l’a dit, récemment, dans son discours d’ouverture des Etats généraux de l’agriculture et de la sécurité alimentaire (24 novembre 2011) : « Il est aujourd’hui plus qu’urgent de conceptualiser les différentes stratégies de développement agricole pour, enfin, arrêter d’entretenir le paradoxe d’une agriculture qui occupe 85 % de la population active et ne produit que des ressources à peine suffisantes pour nourrir les Burkinabè et, encore, ne procure que des revenus à peine nécessaires pour assurer une véritable souveraineté alimentaire ».

Le secteur rural burkinabè ne tient pas ses promesses et son retour sur investissement est particulièrement faible. « Nous ne pourrons pas faire reculer le seuil de pauvreté dans notre pays si l’on n’accroît pas le niveau de vie dans le monde rural. Comment accroître ce niveau de vie si nos braves paysans s’adonnent toujours en ce XXIème siècle à une agriculture de subsistance majoritairement basée sur des moyens de production obsolètes ? », s’est interrogé le premier ministre. La question mérite d’être posée ; sauf que la réponse n’est pas seulement « agricole ». Le paysan burkinabè vit « dans le noir » ; et c’est une exclusion tout autant économique que sociale. Qui peut penser qu’à vingt ou trente ans, dans le contexte qui est actuellement celui de la jeunesse en Afrique, on puisse vouloir vivre sans connexion électrique, pas seulement pour des questions de « confort » mais aussi d’accès à la connaissance, à l’information, à des outils de production qui permettent d’améliorer la productivité et la qualité ? Or, ce ne sont pas les « vieux » qui vont pouvoir moderniser l’agriculture et l’élevage burkinabè.

« Relever le défi de l’accélération de la croissance et du développement durable exige de garantir une offre permanente d’électricité à moindre coût » a affirmé le chef du gouvernement dans sa déclaration de politique générale prononcée devant l’Assemblée nationale (20 octobre 2011). A âge égal, celui où on s’ouvre plus que jamais sur le monde extérieur, le décalage est de plus en plus insupportable entre le Burkinabè des villes et le Burkinabè des champs. « Désenclaver les zones rurales, par l’extension des réseaux et la pré-électrification » est un des objectifs affirmés du gouvernement. « L’ambitieux programme d’électrification des chefs-lieux de département sera effectif dans les trois années à venir, est-il affirmé dans la déclaration de politique générale du premier ministre. En effet, a-t-il précisé, 132 chefs-lieux de communes sont programmés pour être électrifiés en 2013. Nous nous attelons à rechercher le financement pour les 87 qui n’ont pas encore été programmés. Mais ils seront tous électrifiés en 2015 ».

Les ruraux ne sont pas réfractaires au progrès technologique. La meilleure preuve en est que la densité téléphonique nationale est passée de 7,75 % en 2006 à 36,28 % en 2010 ; ce qui signifie que le monde rural, lui aussi, y accède. Et ce n’est pas qu’une démarche de « confort » ; c’est la revendication de ne pas être maintenu en marge du développement économique et social. Dans le secteur rural, le sous-emploi est élevé (26,7 %) et touche tout particulièrement les jeunes. Mais ils ne deviendront pas des producteurs s’ils doivent rester les « abandonnés » de la modernité. Personne, aujourd’hui, ne peut accepter de mettre en œuvre des modes de production qui n’auraient pas évolué depuis la nuit des temps. On pouvait bien associer, autrefois, électricité et industrie ; on ne peut pas dissocier, aujourd’hui, électricité et agriculture/élevage. Sauf à penser que l’agriculture est, par essence, une activité « traditionnelle » qui peut se passer de modernité. « Il faut en finir avec la langue de bois et aborder les choses telles que chacun les vit au quotidien, a rappelé le premier ministre dans son discours d’ouverture aux Etats généraux de l’agriculture et de la sécurité alimentaire (24 novembre 2011). Nos paysans et nos éleveurs sont des pragmatiques et attendent donc des résultats concrets et non des théories. C’est dire que j’attends que ressortent de vos travaux un diagnostic sans complaisance et surtout des propositions d’actions et de mesures de réformes nécessaires pour provoquer dans les années à venir une véritable révolution dans le développement rural ».

Révolutionner le monde rural ? Pour paraphraser Lénine (cf. LDD Burkina Faso 0282/Lundi 28 novembre 2011), afin d’y parvenir, il faudra y instaurer « les soviets + l’électricité ». Prenons, bien sûr, les « soviets » au sens initial du terme : l’auto-organisation des producteurs ; reste l’électricité. Le FDE est, en la matière, tout à la fois une réponse aux besoins des producteurs ruraux (même s’il est urgent d’augmenter sa capacité d’intervention) et l’ébauche d’une auto-organisation, tout au moins en ce qui concerne la gestion de l’énergie via les Coopel. C’est une première étape ; c’est déjà pas mal. Reste à passer à l’étape ultérieure. Plus le temps passe, plus les besoins vont s’accroître !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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