LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

UACO 2011 : Et si on parlait de la « com » institutionnelle ? (1/2)

Publié le vendredi 2 décembre 2011 à 17h23min

PARTAGER :                          

Quels sont les points communs entre le Gabon de Ali Bongo Ondimba, le Ghana de John Evans Atta-Mills, la Guinée du capitaine Moussa Dadis Camara puis du « professeur » Alpha Condé, la Mauritanie d’Ould Abdel Aziz, le Niger de Mahamadou Issoufou, la RDC de Joseph Kabila, le Togo de Faure Essozimna (eh oui !) Gnassingbé… ?

Pas grand-chose, hormis le fait que ce sont des pays africains. Et qu’ils ont été, à une ou plusieurs reprises, des sujets de « communiqués », « publi-information » « publicité » publiés par Le Point, Le Monde, Le Figaro, etc. « produits » par Universal Communications (parfois Universel Communications Metthey Production), World News Report, Mapnews. Toutes ces productions médiatiques ont un point commun : elles sont illustrées par la photographie d’un seul et même homme : Jean-Michel Metthey ; qui se présente parfois simplement comme « directeur », parfois comme « expert en relations internationales » (sous le nom, alors, de Jean-Paul Chance). Il « produit » également, désormais, sous l’intitulé de « Sans frontière média » ; ce qui devait bien arriver un jour puisque les médecins, les vétérinaires, les comptables, etc. sont, eux aussi, sans limites.

L’étonnant avec Metthey (j’ai eu l’occasion, à maintes reprises, de faire référence à ses « produits » africains*), c’est cette volonté de caractériser (je devrais plutôt dire : caricaturer), en quelques lignes, un pays et son chef d’Etat. Ainsi au sujet du Gabon : « Sa volonté de moderniser le Gabon et son économie montre un réel empressement du président Ali Bongo à métamorphoser le pays afin de rendre son économie plus compétitive mais également pour réduire significativement le taux de chômage de la population active gabonaise ». Pour le Togo, c’est simple : « La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, s’est déclarée satisfaite de l’élection présidentielle de 2005, ce qui a dès lors contribué à de très bonnes relations bilatérales ».

La Guinée de Camara valait son pesant d’or : « Le président Dadis jouit actuellement d’une réelle popularité au sein de l’opinion, tant la corruption endémique et le trafic de drogue se sont développés ces dernières années en Guinée ». Pour la RDC, « sa superficie étendue (3ème d’Afrique) et son sous-sol riche en font un acteur de premier plan au niveau de l’or présent dans les régions du Nord et du Sud Kivu, de la Province orientale, de l’Equateur, du Bas-Congo ». Le Ghana, c’est pas mal non plus : « Une exception au sein de l’Afrique subsaharienne car ce pays connaît des alternances politiques sans heurt ni tension ethnique ». J’aime le commentaire (très court mais confus) sur la Mauritanie : « La Mauritanie et la France entretiennent une relation ancienne, tant sur le plan politique qu’économique, et il n’est pas dans l’intérêt des deux pays que cette période un peu tendue ne dure trop ». J’ai un faible pour le Condé de la Guinée nouvelle : « Son programme mûrement réfléchi semble synonyme de changement […] La réflexion préalable et la détermination du président laissent augurer de collaborations fructueuses ». Pour le Niger, le diagnostic est net : « Fin juillet, Mahamadou Issoufou a échappé à une tentative d’assassinat ourdie par des éléments de la garde présidentielle. Heureusement. Le Niger a mangé son pain noir en matière de coups d’Etat, de renversements et de prises de pouvoirs [sic] depuis l’indépendance de 1960 ».

Cette « communication institutionnelle » dans laquelle le pays se résume à son chef (le Gabon de Bongo, la Guinée de Condé, etc.) semble, aujourd’hui, totalement dépassée et je m’étonnerais que les « chargés de com » de ces présidents puissent s’y adonner si je ne connaissais leur mode de production. Qui lit ces communiqués ? Qui peut croire ce qu’on y lit ? J’ai dit, il y a peu, pour une « production » qui n’est d’ailleurs pas signée Metthey, ce qu’il fallait en penser (cf. LDD Cameroun 061/Vendredi 11 novembre 2011). La « com » institutionnelle est une nécessité ; les Etats, les institutions, les entreprises, les « événements » majeurs…, partout dans le monde, y recourent. Elle s’inscrit alors dans une stratégie de… communication globale. Rien à redire dès lors que l’on ne confond pas le tout (le pays) avec la partie (le chef de l’Etat) et que l’opération ne tourne pas au panégyrique (moindre mal dans la mesure où aucun lecteur des médias concernés n’est dupe) ; pire, à la désinformation.

Au-delà du panégyrique et de la désinformation, le plus déplorable est encore de « payer » pour promouvoir une mauvaise « image » du pays concerné. Faute de vigilance ; faute de compétence. Faute de trop de complaisance surtout. Illustration : l’hebdomadaire Le Point, voici quelques semaines. « Communiqué » sur le Burkina Faso. Titre : « Des faiblesses à transformer en atouts. Bilan économique équilibré, route à tracer pour le pays ». Je suis à Ouaga. J’en parle autour de moi. Je sais que Luc Adolphe Tiao, qui sait « ce que parler veut dire » (et qui sait tout autant « ne pas écrire pour ne rien dire »), a fait un gros effort en matière de communication depuis sa nomination à la primature, instituant les « chroniques » et les « points presse » du gouvernement afin de structurer le discours public (en s’efforçant de rompre avec la « langue de bois »). Je sais que Alain Edouard Traoré, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, est sur la même ligne du « ne pas écrire pour ne rien dire ». Manifestement, ce « communiqué » est passé à travers les filtres de la communication gouvernementale !

En cette période majeure de relance (politique, économique, sociale mais importante, aussi, pour ce qui est de la crédibilité de l’action de la classe politique au pouvoir), qui fait suite à la remise en ordre de marche consécutive à la crise burkinabè (printemps 2011) et aux opportunités offertes par la résolution de la « crise ivoiro-ivoirienne », le Burkina Faso doit communiquer sur ses potentialités économiques (notamment dans la perspective de la prochaine tenue de la deuxième édition d’Africallia), ses réalisations touristiques, ses entreprises, ses engagements internationaux, etc. Il s’agit non seulement de rassurer ses partenaires - qui, un temps, ont eu un doute sur la capacité de ce régime à passer, sans drame majeur, à une nouvelle étape de son évolution - mais également de démontrer aux Burkinabè que le pays pouvait capitaliser les acquis de ses efforts de démocratisation politique, de « diplomatie partagée » et de développement économique.

Au lendemain du deuxième conseil des ministres conjoint Burkina Faso-Côte d’Ivoire et à la veille des Assises nationales sur les réformes politiques, le mot d’ordre pourrait être : Ouaga garde le cap qui lui a permis, au cours des dernières décennies, de métamorphoser le paysage politique, économique et social du Burkina Faso ; mais n’entend plus faire route seul, sans sa jeunesse et ses forces vives ! Ce n’est pas exactement le message que véhiculent les trois pages de « communiqué » publiées dans Le Point par on ne sait (clairement) quel « annonceur » pour un coût que j’estime, quand même, entre 100 et 200.000 euros (selon la capacité de négociation du sponsor de ce « communiqué »).

* Metthey « produit » aussi pour d’autres pays que ceux du continent. Avec la même approximation dans le discours et les mêmes insuffisances orthographiques. Ainsi les Philippines (« communiqué » publié par Le Monde daté du 17 novembre 2011) sont « le premier exportateur mondial de cocotiers [sic] » tandis que, « au-delà des grands chantiers entreprise [sic], ce sont les valeurs de droiture et d’honnêteté que le nouveau président à intérêt à mettre en place ». Notons aussi (toujours dans Le Monde, mais au cours de l’été 2011), ce titre inattendu pour une double page consacrée au secteur bancaire au Liban : « Un nouveau gouvernement dominé par le parti du Hezbollah » et cet argument étonnant : « L’intérêt croissant pour le pétrole refait surface dans le pays depuis quelque temps, surtout depuis la découverte de réserves « d’or noir » au large des côtes d’Israël [sic] »

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 2 décembre 2011 à 18:49 En réponse à : UACO 2011 : Et si on parlait de la « com » institutionnelle ? (1/2)

    Rien compris a votre article qui manque de liant sauf que j’ai compris que nos gouvernants se payent des pages de publicité falsifiée a cout de 100 a 150 millions de francs pour leur intéret mais nous ne sommes pas dupes puisque nous savons tout cela et dommage que cela soit notre argent qu’on jette dans la gueule de ces vautours occidentaux qui n’en demandaient pas plus.Ceux qui nous gouvernent sont vraiment des idiots

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
UACO : Exit la 8e édition et rendez-vous en 2013
COMMUNIQUE : Participation ouverte et libre aux UACO
7 au 10 décembre : 8e UACO