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Le Centre national d’artisanat d’art : point de mire de le filière artisat au Burkina

Publié le jeudi 14 octobre 2004 à 07h40min

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Le Centre national d’artisanat d’art du Burkina (CNAA) est l’une des premières structures qui fait de la formation artistique des jeunes, sa vocation première. Sous tutelle du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme depuis sa création, ce centre a besoin actuellement d’une réorientation statutaire et structurelle pour assurer une formation professionnelle complète.

L’artisanat d’art est un secteur prometteur au Burkina. Il représente 30% du PIB du pays. Ce qui fait des artisans et artistes des maillons essentiels et importants de l’économie burkinabè. Former ces derniers, mieux les outiller et leur trouver un cadre où ils pourront s’épanouir est devenu une nécessité. C’est l’objectif du Centre national d’artisanat d’art. Situé sur l’avenue Dimdolobsom, le Centre est l’une des premières structures étatiques qui s’est assignée comme tâche la formation professionnelle des artistes.

M. Abdramane Bemba, responsable du volet formation du Centre nous confie que "la vocation première de cette structure est l’encadrement des artistes et des artisans d’art. Il fallait trouver un cadre de rencontre, d’échange pour ceux-ci afin qu’ensemble ils puissent confronter leurs expériences et travailler à la promotion des domaines artistiques qui étaient rudimentaires à ses débuts". En effet, à sa création en 1967, le CNAA était un club d’artistes réunis autour de l’art.

Son objectif était restreint. Il s’agissait "de voir ce que les bronziers qui appartenaient à une même famille faisaient comme travail. C’est ainsi qu’ils ont demandé à un bronzier de venir apprendre aux jeunes la technique de modelage", nous apprend M. Paul Darga, responsable de l’Administration et des Finances du Centre. Mais de nos jours, d’autres disciplines sont venues s’ajouter. Communément appelées corps de métiers, ces disciplines sont le batik, la sculpture sur bois, la maroquinerie, la teinture, la ferronnerie, le dessin... Toutes ces disciplines depuis 1970 constituent pour l’essentiel les modules de formation du Centre.

Le centre a mis sur le marché de l’emploi de nombreux artisans

En plus de l’encadrement technique et administratif des artistes, le CNAA s’occupe aussi de la formation et du perfectionnement des artistes dans le domaine des arts plastiques. M. Vincent Ouédraogo, la quarantaine pleine, confie qu’il est au Centre depuis 1998. "J’ai suivi ma formation au CNAA avec M. Noufou Ouédraogo dans la secteur batik". Peu après sa création, le CNAA assurait une formation à longue durée des artistes. Cette formation a permis de mettre sur le marché de l’emploi des artistes de grande renommée internationale.

Ce qui a permis un certain engouement dans le domaine de la formation artistique. "Avec la rentrée scolaire, il y a beaucoup de parents qui nous approchent. Mon fils ne se débrouille pas bien à l’école donc je veux qu’il apprenne un métier...", confesse le responsable à la formation. Ceux qui ont eu la chance de s’intégrer comptent y rester. Boukary Dermé, bronzier, est un de ceux-là : "Je suis né dans le métier. Cela fait 17 ans que je suis au Centre. J’ai été formé ici et j’ai décidé d’y rester". Ils sont donc nombreux ceux qui ont été formés au CNAA et qui maintenant sont à l’abri du chômage... "Le CNAA a été à la base de la lutte contre la pauvreté, le chômage, le banditisme... Il est arrivé que le Centre forme des gens qu’on a voulu réinsérer ou donner une chance de se faire une nouvelle vie".

Le CNAA, lieu d’encadrement technique, de formation professionnelle et de perfectionnement des artistes, est aussi un centre d’éveil et de formation civique. L’artisanat d’art burkinabè reflète le caractère même du pays dont les traditions s’enracinent dans une culture millénaire. C’est à cette philosophie que le CNAA se réfère pour donner une formation de qualité aux artistes. Claudine Kafando de la section batik reconnaît la qualité de la formation qu’elle a reçue : "Je suis dans le métier depuis 1996 (elle même ayant au moins 40 ans). Aujourd’hui grâce à la qualité de cette formation et ma petite expérienc,e je peux aussi former mes sœurs qui voudront bien s’initier au métier d’arts plastiques comme le batik".

Mais compte tenu de l’effectif pléthorique qu’enregistre le Centre depuis une dizaine d’années, la formation à longue durée a été suspendue. Le responsable à la section formation nous explique que cela est dû aussi au "manque d’espace, à la vétusté et à l’inadaptation des locaux, le manque d’outils...". Pour l’heure : "ce que nous faisons sont des sessions de formation à l’endroit des scolaires pendant les vacances et aussi des formations continues à l’endroit des touristes ou expatriés qui viennent pour apprendre certaines techniques comme le bronze, la sculpture...".

En ce qui concerne la durée de la formation, il y va du domaine dans lequel on veut se former. "Pour le volet à deux dimensions (art de textile, batik, teinture...), nous apprend M. Bamba, la formation ne prend pas trop de temps". M. Vincent Ouédraogo de la section batik confirme : "en trois ans de formation, je suis passé presque maître de dessin sur tissus en cotonnade...". Pour ceux qui sont intéressés par le volet à trois dimensions : "Il faut au moins une formation de 3 à 7 ans", poursuit M. Bamba. Ce volet concerne la sculpture, le bronze, la technique de modelage...

Un cadre de promotion des œuvres d’art

Le CNAA est un instrument d’exécution de la politique du gouvernement en matière d’artisanat d’art. C’est un cadre de promotion des œuvres d’art sur le plan national et international. La vente des produits se passe au niveau du magasin. Le Centre dispose d’un magasin et d’une boutique où sont stockées et commercialisées les œuvres des artistes. Ce sont les expositions des salons et foires, des rues marchandes qui constituent les temps forts de la vente des produits et œuvres artistiques.

Les vacances sont les périodes d’affluence pour la vente. "C’est surtout pendant les vacances que nous faisons beaucoup de profit avec la présence des touristes et des expatriés", remarque M. Palenfo, responsable du service vente et marketing. En effet, pour peu qu’on fasse attention lors des grandes manifestations artistiques et artisanales, on se rend compte que ce sont les touristes et les étrangers par leur forte présence qui sont les premiers clients des œuvres d’arts ; "Nous avons une clientèle composée essentiellement d’expatriés et de touristes", raconte M. Palenfo.

En période morte, ceux-ci artistes ont des difficultés à écouler leurs œuvres. Le Centre n’attribue pas de salaires aux artistes. Ce sont les ventes de leurs œuvres qui leur sont restituées à un certain pourcentage. Sur chaque œuvre vendue, le Centre prélève 20% qu’il reverse au trésor et les 80% sont remis à l’artiste. Les artistes travaillent avec leurs propres matières premières et profitent seulement des opportunités du Centre tels l’eau, l’électricité, les locaux, l’assistance, les outils de travail... "Actuellement les ventes sont en baisse au niveau de la boutique", nous confie M. Palenfo".

Depuis un certain temps, le Centre n’arrive plus à honorer ce que le trésor lui demande : "sur une prévision de 5 millions de FCFA que le trésor nous demande chaque année, nous avons payé à la date de recouvrement de 20,30% alors que le taux de recouvrement à la même période devrait être de 58%". Au niveau des artistes ce problème est ressenti. Ces derniers sont alors obliges de "traiter" directement avec les clients pour s’octroyer quelques rémunérations. Maxime Ouédraogo que nous avons trouvé en train de sculpter un jeu d’enfant avoue qu’il a eu la commande avec une école de la place.

Le CNAA confronté à une forte concurrence

Le CNAA a été le point de mire de l’artisanat au Burkina Faso. Il a formé beaucoup d’artistes qui jouissent d’une réputation internationale et a contribué à la mise en place d’autres centres artisanaux comme le village artisanal : "Nous avons des jeunes qui voyagent à l’extérieur chaque année. Nous avons été à la base des éléments qui se trouvent au village artisanal. Le CNAA a été la pépinière qui a servi pour former les personnes ressources de ce village artisanal", confie le Directeur du Centre, M. Michel Zio et d’ajouter : "Nous n’avons pas à copier le V.A. puisque nous avons été à la base de sa création. En effet, le CNAA est confronté aujourd’hui à une forte concurrence de structures jeunes comme la vitrine de bronze, le V.A., le centre laroum...".

Cette concurrence est ressentie au niveau des ventes qui sont en baisse. En plus de cela, la vétusté des locaux qui accueillent des effectifs pléthoriques, l’inadaptation des ateliers, le manque d’outils de formation, l’assainissement en eau, toilettes et latrines en état précaire... sont autant de difficultés auxquelles les artistes et le personnel font face dans leurs activités quotidiennes. M. Bamba explique que ces problèmes ont conduit à l’arrêt de la formation des jeunes et cela depuis 1998. L’arrêt de la formation des jeunes est dû a un "problème structurel" dont pose le directeur du centre M. Michel Zio, "le centre a besoin d’une nouvelle réorientation.

Ce qui nous tient à cœur, c’est de transformer le centre en une structure de formation de pointe aussi bien dans le domaine de l’artisanat que par rapport au commerce électronique au marketing...". Monsieur Paul Darga quant à lui pose le problème de finance. "En tant que service rattaché au ministère de la Culture, des arts et du tourisme, les crédits qui nous sont alloués sont insuffisants. Il faut qu’on arrive a donner au CNAA une nouvelle force, une nouvelle dynamique qui puissent permettre à ses activités de se réaliser pleinement et de façon sereine. Cela nous permettra de recruter plus de jeunes, de les former, de les mettre sur le marché de l’emploi". Cette vision optimiste prouve qu’au delà des problèmes l’espoir est permis.

Un enjeu prometteur

Malgré les difficultés que vit le CNAA, trouver des issues et des alternatives pour dynamiser le centre ne manque pas. Des perspectives en terme de réorganisation structurelle sont à l’horizon. "Depuis quatre ans nous sommes en train de transformer le centre en Etablissement public de l’Etat (EPE) afin de recouvrir une certaine autonomie qui puisse nous faire profiter des financements", souligne M. Paul Darga. Il ajoute que dans l’immédiat et "si les prévisions sont bonnes", ils pourront relever le défi "parce qu’en ce moment l’art constitue un enjeu prometteur pour la lutte contre la pauvreté et le chômage". "L’assurance d’une meilleure visibilité des activités du centre, lui donner une certaine réorientation sont dans l’urgence et c’est à quoi nous travaillons pour le bien-être des artistes" résume le directeur du centre. Mais cela ne peu être un acquis que si les partenaires économiques font preuve de bonne foi et laissent parler leur cœur. "Nous invitons les bailleurs de fonds à prendre conscience de l’enjeu du centre. Nous avons des atouts et nous voulons faire profiter le maximum de jeunes", lance M. Palenfo.

Des atouts qui se traduisent en terme d’amélioration de la qualité de la formation : "Nous sommes en train de réfléchir sur les formules de formation en fonction des innombrables sollicitations qui nous sont adressées" précise M. Bamba. Du côté des artistes ce sont "les relations" avec l’extérieur qui sont envisagées. Mettre en place des fichiers électroniques pour les œuvres artistiques, la connexion sur le net sont aussi des projets en chantiers, dans l’optique de faire mieux connaître les produits du centre et passer au commerce virtuel plus rentable pour les artistes.

Enfin en terme de statut monsieur Bamba projette un nouveau statut qui répond à la réalité du moment, c’est-à-dire la création d’emplois : "Voyez tous ces jeunes qui vont apprendre à faire du batik, de la sculpture, de la teinture... plus tard quand ils vont grandir, ils auront des capacités qu’ils peuvent utiliser. Un jeune qui se forme au centre, au bout de deux ans, s’il est dynamique et consciencieux peut se prendre en charge".

Christophe TOUGRI (Christoug 218 yaoo.fr)
Sidwaya

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