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PRESIDENTIELLE EN GAMBIE : Le désaveu cinglant de la CEDEAO

Publié le vendredi 25 novembre 2011 à 01h14min

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Les Gambiens ont voté hier pour désigner leur président de la République. Ce sera encore Yayah Jammeh. Arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en 1994, l’homme se disait « sûr à 100% » de sa victoire face à deux opposants qui ne font pas le poids. Il pourrait ainsi briguer un quatrième mandat à la tête de la Gambie. Sauf que sa réélection n’aura pas l’éclat souhaité. Car, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a refusé d’y envoyer ses observateurs. Dans sa déclaration datée de mardi dernier, la Commission de la CEDEAO explique que, selon elle, « les préparatifs de l’élection et l’environnement politique gambien ne seraient pas propices à un scrutin libre et transparent ».

Une telle situation a donc poussé l’organisation sous- régionale à ne pas déployer ses observateurs pour l’élection. De la part de la CEDEAO, cela est inédit. Une première pour l’organisation sous-régionale, visiblement scandalisée par une consultation électorale absurde et dont l’issue paraît évidente. Un vrai coup de semonce, un remarquable premier pas d’autant que les récriminations de la CEDEAO semblent justes. En tout cas, elles situent bien le problème. Mais, que va faire l’organisation, au lendemain de la victoire probable de Jammeh, après des remarques aussi pertinentes ? A l’instar des Etats, l’organisation sous-régionale va-t-elle aussi « prendre acte » ?

Osera-t-elle se réfugier derrière la langue de bois, arguant comme tant d’autres, que « tout s’est bien déroulé à part quelques cas flagrants d’irrégularités » ? En attendant, ce coup de gueule mérite d’être salué et soutenu ardemment par la communauté internationale, notamment les partenaires techniques et financiers (PTF). Ceux-ci ont bien l’air de dormir face aux abus d’un régime de plus en plus ouvertement décrié. Les agissements liberticides de Yayah Jammeh ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. Homme intraitable et sourd aux appels, il dirige son pays d’une main de fer, sans aucune pitié pour tous ceux qui osent critiquer sa gestion du pouvoir d’Etat. C’est dire dans quelles conditions révoltantes s’est déroulée la campagne, s’il faut vraiment l’appeler ainsi.

Comme toujours dans ce genre de contexte, rien n’est vraiment fait pour favoriser l’émergence d’une opinion plurielle. Nul doute alors que les menaces et intimidations de toutes sortes, l’achat de conscience, l’insécurité et la peur vont peser lourd dans la balance. Non, il s’agit bel et bien d’un simulacre d’élection. Et cela ne peut que démotiver ceux qui, comme la CEDEAO, jouent leur crédibilité en tant qu’institutions, en acceptant d’y envoyer allègrement des observateurs. C’est donc un euphémisme de dire que les résultats de ce scrutin présidentiel sont faussés d’avance. Que fait donc la Commission africaine des droits de l’Homme ? Va-t-elle continuer à y garder son siège et à ne pas mobiliser la communauté internationale pour mettre fin à cette autocratie malodorante ?

Le régime en place dans ce pays est un exemple parfait de "démocrature", un vrai vernis de démocratie sur un ongle de dictature. En attendant, le sacre de Jammeh paraît inévitable. Sans aucune gêne, l’homme clame déjà sa victoire. C’est dire que les dés sont pipés à l’avance. Reste à savoir quel sera le taux de participation. Mais que signifie-t-il vraiment dans un tel environnement ? Ce pays tangue chaque jour un peu plus vers des lendemains incertains. Va-t-on donc continuellement fermer les yeux sur cette dictature qui le tient en tenaille ? Un type de régime dont l’Afrique et le monde d’aujourd’hui ne veulent plus, tant ils font honte !

Certes, la Gambie constitue un havre de paix pour les touristes occidentaux, ces amateurs de plages au sable fin et d’infrastructures hôtelières autorisant bien souvent ce qui n’est pas permis ailleurs. Parmi eux, de nombreux ressortissants des pays nordiques, lesquels ont bonne presse du fait de leur soutien aux organisations de la société civile et de leur vigilance et mobilisation en faveur de la bonne gouvernance et de la démocratie sur le continent noir. Mais ne vont-ils pas finir par perdre de leur crédibilité en Afrique à force de fermer les yeux sur ce qui se passe en Gambie ? Il y a bien longtemps que sont connus le cynisme et la barbarie qui caractérisent la gestion de Yayah Jammeh à la tête de la Gambie. Ce qui étonne et exaspère, c’est l’outrecuidance et la désinvolture avec lesquelles ce régime continue de narguer le continent et la communauté internationale.

A un moment où le sort des dictateurs se scelle sans répit, il est vraiment temps que l’on ouvre l’oeil sur cette espèce de dirigeants. Yayah Jammeh se complait dans une situation qui lui permet de vivre à la tête de son pays sous un mandat illimité. A chaque simulacre de renouvellement, il y a en effet comme une tacite reconduction. Un mandat à vie en somme. L’homme dit « fort » y fait donc ce qui lui convient. Ainsi, son rouleau compresseur n’a de pitié pour personne : à tour de rôle, opposants, simples critiques, journalistes, défenseurs des droits humains, citoyens et anonymes en ont fait les frais. A l’évidence, cet homme se moque éperdument de la communauté internationale. La raison en est que celle-ci ne donne pas l’air de s’intéresser un tant soit peu au sort du pauvre peuple gambien. Pourtant, plusieurs décennies après son indépendance, il trime encore.

D’où la décision courageuse et salutaire de la CEDEAO. Mais le désaveu cinglant de la CEDEAO suffira-t-il pour amorcer la déroute du dictateur gambien ? Si rien n’est fait dans un futur proche, il y a de fortes chances que Yaya Jammeh, le prétendu guérisseur de malades du Sida, cherche à veiller éternellement sur son pays malade d’une dictature dont décidément lui seul semble avoir la formule magique.

"Le Pays"

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