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Warren B. Saré, Initiateur de la caravane de l’image : « Si j’ai une mère, Chantal Compaoré, j’ai aussi un père, Malick Sidibé »

Publié le jeudi 24 novembre 2011 à 01h08min

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Sous sa houlette, la communauté des photographes Burkinabè recevait, l’année dernière à Ouaga, le célèbre photographe Malien, Malick Sidibé. Cette année, c’est lui qui conduit près d’une vingtaine de photographes ouest-africains et européen à la biennale de la photographie africaine de Bamako. Warren B. Saré, c’est de lui qu’il est question, n’est jamais à court d’idées pour aider sa corporation, encore à la croisée des chemins, à aller de l’avant, surtout si l’on prend compte son projet de Centre photographique de Ouagadougou. Mais, qu’est-ce qui le fait tant courir ? Que nourrit-il encore comme ambitions ? Bref, ce sont entre autres, les questions auxquelles répond, sans détour, le « Photographe de la Première Dame ».

Lefaso.net : A quoi répond l’initiative de la caravane de l’image qui vous a conduit à Bamako ?

Warren B. Saré : Elle tient d’abord au fait que les photographes ont besoin de découvrir autre chose que ce qu’ils ont l’habitude de faire. Ensuite, vous n’ignorez pas que notre pays, cette année, a connu des turbulences qui ont contribué à donner une autre image du Burkina, différente de celle que nous connaissons. Et nous avons voulu également à travers cette caravane, dire aux habitants des villes traversées et aux gens de Bamako que le Faso vit, continue de vivre et que le Burkina demeure un pays de paix, où tous ceux qui le désirent ont le loisir d’y venir sans crainte.

Quels sont les participants à la caravane ?

Pour cette caravane qui a duré du 29 0ctobre au 10 Novembre 2011, il y avait au total dix-sept photographes : treize photographes représentant les 13 régions du Burkina et quatre photographes venus d’autres pays, savoir du Bénin, du Ghana, du Niger et d’Allemagne. Nous avons fait venir ces quatre photographes parce que le thème de la caravane portait sur l’intégration régionale.

Quel bilan pouvez-vous faire de l’initiative ?

Le bilan est très positif. Nous avons été bien accueillis à Bamako par les organisateurs de la biennale africaine de la photographie. Nous avons été visibles sur tous les plans à Bamako et nous avons fait passer le message de la paix du Burkina que nous pensons a été bien reçu. Le bilan est également positif parce que c’était la première fois que bon nombre de participants de la caravane découvraient des grands professionnels de l’image. Et cela été une occasion pour eux de savoir que la photographie ne se fait pas au hasard.

En photographie, il faut savoir faire la lecture, il faut savoir faire le montage de l’exposition, etc. Tout cela s’apprend. Mais, l’on ne peut pas apprendre sans savoir ce que les autres font. En cela l’initiative a été vraiment bénéfique parce que nous avons pu organiser des rencontres avec les professionnels qui ont visité le travail que fait habituellement chacun des photographes, que ce soit dans le domaine des mariages ou des masques. A l’issue des visites les professionnels leur ont dit ce qu’ils pensaient de leurs œuvres, ce qui leur restait à faire s’ils voulaient devenir de grands professionnels. Je crois que les uns et les autres ont compris, ont pris acte des conseils à eux donnés et se sont engagés à travailler dans ce sens.

Un mot sur la biennale africaine de la photographie ?

La biennale africaine de la photographie est à sa neuvième édition cette année et moi je ne l’ai découverte qu’en 2005. C’est pour vous dire que l’idée de l’organisation de la présente caravane a germé depuis 2005 et que finalement c’est maintenant que nous avons pu la tenir. C’est aussi pour dire aux photographes et à d’autres porteurs de projets, de savoir parfais faire preuve de patience et de foi dans ce que nous entreprenons. Et c’est cette croyance qui m’a permis de mener à bout cette caravane. Cela dit, Bamako est la capitale de la biennale africaine de la photographie, connue de tous avec des grands photographes de renom comme Malick Sidibé et autres que nous avons eu la chance de rencontrer là-bas.

Justement, parlez-nous de votre rencontre avec Malick Sidibé que vous receviez déjà ici à Ouaga, l’année dernière…

« Papa », si vous me permettez le mot, parce que c’est comme cela que je l’appelle et lui m’appelle « Mon fils », était au départ un rêve pour moi. Quand je le voyais à la télévision sur les chaînes internationales, je me demandais si un jour j’allais avoir l’opportunité de m’asseoir à ses côtés et comment j’allais faire pour le saluer. Mais, Dieu faisant les choses, nous l’avons effectivement reçu ici en 2010 et en 2011 c’est lui qui me reçoit avec 17 photographes pour partager son idéale photographique.

Qu’est-ce que vous aimez en lui ?

Ce qui me plaît chez « Papa Sidibé », c’est qu’il est resté attaché à son modèle de photographie africaine et n’est jamais allé chercher dans le registre des photographes occidentaux. Et c’est aussi ma démarche, en essayant de faire des photographies au Burkina et dans lesquelles les Burkinabè vont se reconnaître et aimer. Avant de penser à l’étranger ou au marché, nous faisons d’abord les photos pour nous-mêmes. Et c’est toute la philosophie de « Papa Sidibé ».
Et aux photographes Burkinabè de la caravane il a dit à peu près ceci : « Jeunes gens, suivez les bonnes pratiques. Et vous, vous avez la chance d’avoir « Mon Fils Warren ». Inspirez-vous de lui. Parce que, c’est toujours mieux d’être chez soi, sinon il serait à Bamako ».

Monsieur Sidibé vous appelle son fils. Mais, vous sentez-vous vraiment dans la peau de fils spirituel de l’homme ?

Bien sûr. Je me sens toujours bien à côté de lui, prends actes de
ses critiques et suis toujours ses conseils. Je pense que, si j’ai une mère que vous appelez « Madame Compaoré », j’ai aussi un aussi un père, Monsieur Sidibé.

A ce propos, pourquoi vous appelle t-on « Photographe de la Première Dame ?

(Rire). Ce sont les gens qui m’appellent comme cela et je crois que ce sont eux qui peuvent vous expliquer les raisons de ce surnom. Mais, si je peux vous dire quelque chose par rapport à cela, c’est que j’ai reçu une bonne partie de ma formation avec la Première Dame, notamment en matière critique d’images. C’est un volet très important en photographie. Je peux donc dire que la Première Dame est ma première formatrice.

Parlez-nous un peu de votre projet de Centre photographique de Ouagadougou. Pourquoi un tel centre ?

L’idée du Centre photographique de Ouagadougou (CPO) nous est venue à l’occasion du deuxième atelier international Afrique –Europe tenu dans notre capitale en novembre 2010. En fait, nous nous sommes dit qu’il était bon de trouver un lieu où l’on pourrait mieux encadrer nos photographes, leurs dispenser des formations en matière de lecture et de cadrage d’images ou de photographie thématiques. L’objectif, c’est de faire d’eux des photographes de demain, c’est-à-dire compétents aussi bien au plan national qu’international. Mais, cela n’est possible qu’avec la formation.

Où en êtes-vous exactement avec ce projet CPO ?

Ce projet est comme les autres projets que j’ai pu réaliser. Je m’appuie d’abord sur le courage, les moyens qui sont les miens et les bonnes volontés qui m’accompagnent. A ce jour, avec l’aide de personnes de bonne volonté, nous avons démarré le centre qui est toujours au stade d’aménagement. On le fait petit à petit. Mes partenaires de Bruxelles sont en train de faire le mieux qu’ils peuvent pour m’accompagner avec du matériel. Mais, nous espérons qu’au cours de 2012, d’autres personnes de bonne volonté qui croient à nos idées, à la photographie, comme un métier participant au développement du pays, viendront à notre secours pour nous aider à réaliser ce projet porteur.

Combien, à peu près, vous faut-il pour rendre le CPO opérationnel ?

Nos besoins, ce sont essentiellement du matériel informatique, des appareils photos, du matériel bureautique. Globalement, pour ouvrir les portes du CPO (NDLR : le site de l’établissement se trouve au secteur 28 de Ouagadougou) et le faire fonctionner correctement, une trentaine de millions est nécessaire. Comme vous le voyez, ce n’est pas une mince affaire, mais nous espérons, grâce à la bonne volonté des uns et des autres, pouvoir rendre le centre opérationnel.

Vous ne manquez pas d’idées pour aider votre profession à aller de l’avant. Qu’est-ce qui vous fait tant courir ?

C’est vrai que je suis présent en photographie, mais n’oubliez surtout pas que le Burkina Faso est présent sur le plan international dans plusieurs domaines. Et moi j’ai eu quelques fois la chance d’être aux côtés des Burkinabè qui font la promotion du pays à l’extérieur. Ces personnes constituent pour moi une source d’inspiration dans ce que je fais. Au nombre de ces personnes, je peux citer le Chef de l’Etat, sans doute, le médiateur le plus connu de la sous région, la Première Dame. Ayant eu la chance de côtoyer ces personnalités, je me suis dit que moi aussi dans mon domaine, la photographie, je peux faire quelque chose pour le rayonnement du pays.

Comment êtes-vous venu à la photographie ?

Je suis venu à la photographie par la curiosité. Avant j’étais un petit vendeur de pagnes et d’ustensiles de cuisine au marché de Béguédo, dans la province du Boulgou. Et c’est là que j’ai rencontré un photographe qui venait chaque trois jours de marché pour faire des photos. A l’époque, quand je le regardais faire les photos, c’était comme un Dieu pour moi, surtout lorsque tout le monde se groupait sur lui. Alors, je me suis dit si je pouvais apprendre aussi à faire les photos. Parce que je suis quelqu’un qui aime les contacts, les échanges. Pour communiquer il faut être avec des personnes et la photographie s’est présentée comme un outil de rester en contact avec les gens et de faire passer mes idées. C’est ainsi que je suis devenu photographe. Et dès lors j’y suis, depuis maintenant plus de trente ans. J’ai commencé à faire les photos dès l’âge de treize ans, même si dans le temps j’ai été quelques fois amené à faire d’autres boulots.

Vous exercez le métier de photographe depuis longtemps. Dites-nous, nourrit-il son homme ?

La photographie nourrit son homme. C’est comme les autres métiers. Il suffit d’y croire. Moi, je dis que la photographie me nourrit parce que c’est un métier dans lequel je me sens. Quand tu te sens dans ce que tu fais, ça te nourrit toujours. Cela ne signifie pas avoir des millions dans son compte. En tout cas, en ce qui me concerne, la photographie me nourrit.

Comme chaque profession, la vôtre doit certainement avoir ses difficultés. Pouvez-vous nous en parler, brièvement ?

La principale difficulté dans notre métier, c’est de se faire accepter et respecter en tant que photographe par les autres, surtout dans nos pays où le rôle social du photographe n’est pas encore reconnu. C’est pour cette raison, que nous pensons qu’avec la formation, les photographes pourront se professionnaliser, faire du bon travail et se faire respecter dans nos sociétés. La photographie, c’est comme les autres métiers, à l’image de la médecine. Si les acteurs de ces professions sont respectés, pourquoi pas nous. Je crois que tout est une question de formation et de professionnalisation. Mais, avant toute chose, les photographes se doivent de croire en leurs capacités à relever le défi.

Pour relever le challenge, on suppose qu’il vous faut aussi le soutien de l’Etat…

Nous attendons surtout de l’Etat, en particulier du ministère de la Culture et du Tourisme, la compréhension de nos idées, qu’ils comprennent que ce nous faisons, c’est pour la nation. Si on est bien compris, nous pensons qu’à partir de là les autorités feront de leur mieux pour nous accompagner dans ce que nous faisons, c’est-à-dire faire partager nos points de vue en matière de photographie et aussi faire découvrir le Burkina aux Burkinabè.

Personnellement, nourrissez-vous d’autres projets pour le développement du secteur de la photographie au Burkina Faso ?

Il reste encore beaucoup à faire dans notre métier. Et avec la chargée de communication, Angélique P. Kaboré, nous comptons initier des caravanes à l’intérieur du pays pour faire connaître le Burkina aux Burkinabè. Cela est possible en photographie. Nous allons essayer de voir avec notre ministère de tutelle dans quelle mesure il peut nous accompagner à produire des images des 13 régions et des 45 provinces du pays. Dans cette perspective, nous envisageons à la fin produire un livre et organiser une exposition itinérante afin de mieux faire connaître par la photo les potentialités touristiques et culturelles du Burkina Faso.

Si cette initiative venait à être concrétisée, elle donnera l’occasion aux habitants des différentes zones du Burkina Faso de découvrir les réalités des autres habitants ailleurs sur le territoire national et vice-versa. Si nous arrivons à mettre en œuvre ce projet avec l’accompagnement du ministère de la Culture et du Tourisme, je suis sûr que le Burkina pourra dire son mot en matière de photographie.

Que représente la photographie pour vous ?

La photographie, c’est comme l’écriture et elle sert à faire passer des messages. Imaginer un journal sans images, ce serait très difficile de le lire. Je pense donc la photographie va au-delà de simples actes de mariages ou de baptêmes. A travers la photographie, on peut savoir, dans 50 ou 100 ans, quelle a été la vie des gens du Centre de notre pays. A la vue des photos d’aujourd’hui, les arrière- petits fils sauront nos modes vestimentaires et nos coiffures. Sans images, cela n’est pas possible.
La photographie est donc très importante pour moi et certainement pour les autres aussi.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

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