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Emmanuel Kaboré, Directeur général de Projet Production Solaire : « L’énergie doit être vue comme une source vitale tel le mil qu’on mange et mieux que le coton qu’on cultive. »

Publié le mardi 15 novembre 2011 à 19h18min

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Tous les spécialistes des énergies s’accordent à dire que les « énergies stock » issues des gisements de combustibles fossiles tels le pétrole, le charbon, le lignite, le gaz naturel sont en voie de raréfaction. Pour changer la donne, l’exploitation des énergies renouvelables, propres ou vertes s’impose. Générées entre autres par le soleil, le vent, ou la croissance des végétaux, ces énergies n’engendrent pas ou peu de déchets ou d’émissions polluantes. Le Burkina Faso, riche en soleil, souffre paradoxalement d’une pauvreté énergétique criarde. A la faveur du 1er salon international sur les énergies renouvelables de Ouagadougou, du 25 au 29 octobre 2011, Wikiburkina a échangé avec le Directeur général de Projet Production Solaire (PPS), Emmanuel Kaboré, ingénieur électrotechnicien, sur les enjeux du solaire au Burkina Faso. Lisez plutôt.

Wikiburkina (W.B.) : Qu’est-ce que le Projet Production Solaire (PPS) et quels sont ses objectifs majeurs ?

Emmanuel Kaboré (E.K.) : Projet Production Solaire (PPS) est une entreprise promotrice d’énergies renouvelables, et plus particulièrement de l’énergie solaire. L’objectif principal de PPS, c’est de répondre aux besoins des populations. Nous avons constaté par exemple que des gens font la promotion des énergies renouvelables sans pour autant en être des professionnels. Et le défi pour nous a été de recruter des étudiants venant entre autres de l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE), de l’Institut supérieur de génie électrique (ISGE) et de l’Université de Ouagadougou que nous reformons afin qu’ils nous aident pour des travaux de dimensionnements, d’installation et de maintenance dans le domaine de l’énergie solaire. Les populations ont en général des besoins énergétiques sans forcément savoir ce qu’il leur faut véritablement comme solutions. Une fois leurs attentes enregistrées, nous œuvrons à les satisfaire au mieux par des conseils et des installations adaptées.

Nous en faisons de même pour les pompes solaires, le solaire thermique. PPS est à ses débuts en ce qui concerne les climatiseurs solaires. D’où le fait que nous n’en disposons pas en réserve, comme pour les cellules photovoltaïques ou les pompes solaires. Nous n’installons ces climatiseurs que sur commande.

W.B. : PPS offre-t-il des produits tout fait ou est-il à même d’en développer suivant les attentes des clients ?

Nous offrons d’une part des produits prêts à consommer, et la plupart du temps nous essayons de répondre aux attentes spécifiques de nos clients d’autre part. Nous sommes davantage à l’écoute de nos clients que nous ne leur servons des produits. Nous prenons le temps d’écouter leurs besoins et nous leur fournissons les conseils appropriés, avant toute opération d’achat ou d’installation.

W.B. : Quel est le public cible visé par PPS ?

E.K. : Nous visons tous les Burkinabè. Cependant, je peux dire que nos clients potentiels sont surtout ceux-là qui ne disposent pas encore du réseau de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) – notamment les individus ou structures dans certaines localités non desservis par la SONABEL. Nous avons aussi des clients qui, bien que bénéficiant du courant de la nationale d’électricité, commencent à comprendre l’intérêt de l’énergie solaire, son rendement et l’économie qu’elle génère.

W.B. : Quelle est la différence en termes de coût entre vos prestations et celles de la SONABEL ?

A long terme, ce sera moins coûteux que de choisir l’option des énergies renouvelables, et particulièrement celle de l’énergie solaire. La comparaison entre les deux sources d’énergies peut même déjà se faire car nous proposons à nos clients des compteurs d’énergie qui leur permettent d’évaluer leur consommation, et ce bien sûr en comparaison à leur utilisation du courant de la SONABEL.
W.B. : Mais la réalité est tout autre pour l’instant…
Effectivement pour le moment, le choix de l’énergie solaire revient plus cher dans un pays comme le Burkina Faso.

W.B. : Que faut-il faire alors ?

C’est une politique nationale, et il faut que les autorités du Burkina Faso fassent des énergies renouvelables une priorité. Cela passe par exemple par la détaxation des produits liés à l’énergie solaire. Pourquoi ne pas subventionner carrément les produits des énergies renouvelables comme on le fait pour ceux de l’énergie fossile qu’est le pétrole ? Sans de telles initiatives, il va de soi que l’utilisation des énergies renouvelables revienne très chère aux populations. Mais j’ai bon espoir que le gouvernement travaillera à réduire considérablement leur accès.

W.B. : Pensez-vous que l’Etat dispose d’assez de moyens pour soutenir à la fois et la SONABEL et les questions relatives à l’énergie solaire ?

La SONABEL est la société nationale d’électricité du Burkina. On n’a pas précisé qu’elle doit uniquement produire ou fournir de l’énergie thermique ou solaire. A ce titre, l’énergie solaire relève aussi de la SONABEL qui sait très bien qu’elle a de plus en plus intérêt à y aller. Mais tout le problème – dans tous les pays du monde – vient du fait que les gens ont fait depuis longtemps des investissements colossaux dans les énergies fossiles comme le pétrole avant de découvrir et de maîtriser l’énergie solaire. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’apparemment les énergies fossiles reviennent moins chères. En plus, il me semble tout à fait légitime que les uns et les autres cherchent avant tout à amortir leurs investissements. Pour résumer, la SONABEL n’est pas contre la production de l’énergie solaire.

W.B. : Les Burkinabè, et partant les autres Africains disposent-ils des technologies nécessaires pour l’exploitation de l’énergie solaire ?

Je vous rassure que l’Afrique n’a pas de limites techniques en la matière. Il est plutôt, à mon avis, question de limite de conviction. Il faut d’abord que les autorités africaines soient convaincues des avantages à investir dans ce domaine. Ensuite, elles trouveront bien les moyens de former ses propres ingénieurs pour porter les projets liés à l’énergie solaire. A ce niveau on n’est pas à plaindre car des écoles comme l’Université de Ouagadougou et le 2iE en forment de très bons au bout de cinq ans. Ceux qui ont plus de « chance » ou de moyens peuvent se former hors du pays. L’Afrique dispose de très bons ingénieurs capables de maîtriser l’énergie solaire.

W.B. : Comment financez-vous vos activités ?

Nous avons plus de partenaires techniques et financiers européens – France et Allemagne - qui nous soutiennent par rapport à l’approvisionnement en équipements. C’est un partenariat qui nous permet de nous approvisionner, vendre et acheter à nouveau. Au plan national, nous n’avons pas encore de soutien. Les banques étaient même réticentes chaque fois que nous leur demandions des prêts pour réaliser des activités entrant dans le cadre du solaire. Je nourris tout de même l’espoir que par le SIERO, des partenaires nationaux vont nous accompagner désormais afin de nous aider à promouvoir davantage les énergies renouvelables qui sont des énergies propres, vertes, capables à long terme de garantir l’avenir radieux de nos populations. Ce sera ainsi un grand pas vers le développement durable.

W.B. : Quels sont les obstacles qui s’opposent au bon fonctionnement de PPS ?

PPS rencontre des difficultés dans son fonctionnement. Nous avons très souvent à faire à des clients qui ont soif et faim de l’énergie, qui veulent réellement s’octroyer nos produits sans en avoir pourtant les moyens. Ils sont impuissants à se procurer une énergie à la fois accessible gratuitement et accessible très cher. Les coûts d’investissements, le manque de subventions et de détaxation font que nos produits reviennent forcément très chers. Si l’Etat consent à nous aider vraiment, la couverture en électricité au Burkina Faso s’étendra de 45% environ d’ici cinq, et les populations s’en procureront comme elles achètent des motos au marché. Mais en attendant, les gens doivent de plus en plus comprendre que l’énergie doit être vue comme une source vitale comme le mil qu’on mange et mieux que le coton qu’on cultive.

W.B. : N’y a-t-il pas moyen d’adapter vos prix en fonction du manque réel de moyens financiers chez certains de vos clients potentiels, comme vous l’avez reconnu vous-même ?

A vrai dire, nous tenons compte de cet aspect des choses. Avant d’être des commerciaux, nous sommes des humains. C’est ce qui nous oblige d’ailleurs à réduire considérablement les coûts d’accès à nos produits, et ce comparativement à d’autres structures du même genre. Cela est vérifiable une fois chez nous.

W.B. : Existe-t-il une concurrence dans le secteur des énergies renouvelables, et spécifiquement dans celui solaire ?

La concurrence existe bel et bien dans notre domaine d’intervention. Mais je prends cela comme une concurrence positive. Un seul acteur ne pouvant pas à lui tout seul faire la promotion et divulguer convenablement les produits et services liés aux énergies renouvelables. Il y a plusieurs entreprises promotrices de ces énergies qui travaillent depuis quelques années au Burkina Faso. L’essentiel pour moi est que chacune offre le meilleur d’elle-même pour le bien-être des clients et du Pays.

W.B. : Comment se fera selon vous la transition inévitable entre l’utilisation des énergies fossiles et celles renouvelables ?

Le passage des énergies fossiles à celles renouvelables se fera forcément. Les premières sont épuisables et sont même en voie de l’être, tandis qu’une énergie propre comme le soleil reste inépuisable. Il fut même une époque où le monopole de l’énergie solaire était détenu par les pétroliers. Le développement durable qui consiste à satisfaire nos besoins actuels tout en préservant celles des générations futures se fera incontestablement par les énergies renouvelables. Je reste convaincu que tous les décideurs actuels ont compris cela.

W.B. : Quelle est la part contributive de PPS dans la promotion des énergies renouvelables, et surtout de l’énergie solaire, au Burkina Faso ?

Projet Production Solaire existe depuis août 2010. Nous avons un bilan très positif de notre parcours depuis lors. On a voulu dans un premier temps se faire connaître au bout de deux ans, et dans un second temps contribuer à faire connaître aux populations burkinabè et africaines les avantages des énergies renouvelables, et surtout de l’énergie solaire. En témoignent les multiples visites de renseignements que nous enregistrons au quotidien dans nos locaux. Il nous est même arrivé de faire des dimensionnements gratuitement pour certains clients même s’ils ne reviennent pas forcément acheter le matériel chez nous. Nous essayons au mieux de leur faire comprendre quel type d’installation il leur faut pour éviter tout mécontentement et désaveu de nos produits. Nous les sensibilisons continuellement afin qu’ils sachent se démarquer des soi-disant professionnels du domaine, mais qui en réalité n’ont pas les qualifications requises en énergie solaire. Très heureusement, le public comprend bien nos messages.

W.B. : D’où certainement votre participation au 1er salon international des énergies renouvelables de Ouagadougou (SIERO), du 25 au 29 octobre 2011…

Exactement. Le SIERO était pour nous une occasion à ne pas manquer. Nous avons participé activement à l’organisation de ce salon en tant que partenaire parce que nous étions convaincus que c’est le genre d’activités qui pouvait faire comprendre davantage aux populations l’intérêt des énergies renouvelables. Ce qui va les convaincre à s’y mettre. A ce sujet, je ne manque pas de dire que les Africains sont comme saint Thomas, ils demandent d’abord à voir ou à toucher avant de croire.

W.B. : Quelle est votre appréciation d’ensemble du 1er SIERO auquel vous avez participé ?

Nous saluons et respectons les organisateurs de ce salon. Nous les avons appuyés et nous restons toujours à leur disposition pour les accompagner sur tous les plans, selon nos moyens. Ce salon a eu l’avantage de nous dire pourquoi les énergies renouvelables ne sont pas assez divulguées, de faire savoir ce que sont les énergies renouvelables, de savoir qu’elles existent et sont disponibles. Tous les participants ont compris le bien-fondé de tout mettre en œuvre pour la promotion de ce secteur.

W.B. : Quelles étaient vos attentes en venant à ce salon, et à quelle hauteur ont-elles été atteintes ?

Nos attentes ont été atteintes. Nous avions pour soucis premier de nous faire connaître, et je puis dire que ce fut chose faite. Nous avons eu de très bons contacts avec des décideurs nationaux comme internationaux. Nous avons eu des échanges techniques avec des privés qui nous ont permis de comprendre d’autres techniques. En retour, nous avons aidé en partageant nos expériences. C’était des échanges gagnant-gagnant. Personnellement, j’ai découvert des techniques tels les biodigesteurs, les foyers améliorés. L’Institut de recherche en sciences appliquées et technologies (IRSAT) et le 2iE nous ont convaincus qu’ils peuvent être pour nous des appuis techniques à l’avenir.

W.B. : Aux organisateurs du SIERO, quelles suggestions faites-vous faire pour améliorer les éditions prochaines ?

Il va falloir que les organisateurs du SIERO offrent dans un premier temps une part belle à l’aspect information et communication autour de l’existence même du salon. Dans ce sens, des moyens comme la publicité via la radio, la télé, les affiches doivent être beaucoup exploités. Cela fera en sorte qu’un plus large public soit mieux informé sur les tenants et les aboutissants du salon. Dans un second temps, il est souhaitable que dans la mesure du possible on nous propose des dates plus « raisonnables » pour la tenue du SIERO. Car n’oublions pas que nous sommes dans un pays où il est difficile de mobiliser assez de monde les jours ouvrables. Il s’agit donc de proposer que le SIERO couvre tout un week-end pour permettre au plus grand nombre d’y participer.

Christophe TAPSOBA

www.wikiburkina.info

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