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Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 20h40min

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L’exceptionnel, en ce qui concerne Kadhafi, aura été la longueur du règne (31 août 1979-20 octobre 2011). Il n’est pas d’exemple, me semble-t-il, dans l’Histoire - et plus encore dans l’Histoire contemporaine - d’un leader qui ait exercé aussi longtemps sa « dictature » et sa « tyrannie ». Et il faudra bien, un jour, expliquer pourquoi.

Les « Occidentaux », mais également bien des pays arabes (sans oublier Israël), n’ont eu de cesse de liquider un homme qui était considéré comme « l’ennemi public » numéro un. La perspective de l’acquisition par Kadhafi d’une bombe atomique semant la terreur à New York avait été, dès 1980, le thème d’un livre haletant (mais oublié) de Dominique Lapierre et Larry Collins : « Le Cinquième cavalier » (éditions Robert Laffont - Paris, 1980). Et cette « mythologie » autour du « guide de la révolution » justifiera toutes les opérations contre lui dont aucune, finalement, n’aboutira.

Dans un contexte international troublé (guerres israélo-arabes, émergences des groupes armés palestiniens, groupuscules terroristes en Irlande, en Allemagne, en Italie, en Espagne…, crises pétrolières, etc.), Kadhafi deviendra l’icône (et le banquier) de ceux qui « voulaient changer le monde » par la violence sans passer par la constitution d’une avant-garde et l’organisation des masses. Et dès décembre 1969, Kadhafi devra lutter, en Libye même, contre toutes les tentatives - fausses ou avérées - de coup d’Etat (1970, 1975, 1977, 1984, 1985, 1987, etc.) venues, pour l’essentiel, de son entourage direct (on se souvient de l’exécution de son beau-frère, Hassan Ishkal, commandant de la région militaire de Syrte, en novembre 1985).

Même sa déroute tchadienne, coûteuse en vies humaines, en matériel et en « image », ne le fera pas tomber de son trône. Détesté par « l’Occident », les Soviétiques (au temps de la « guerre froide ») et par le monde arabe, Kadhafi l’était aussi par sa population. François Burgat et André Laronde (« La Libye » - éditions Presses universitaires de France - Paris, 1996) ont évoqué une « impossible opposition » compte tenu de « la faible densité démographique du pays » ; une opposition dont les possibilités d’action étaient limitées au « registre extrême du complot ». Si, un temps, le régime libyen a fait illusion en Libye, sa « dérive militariste » (Burgat/Laronde, cf. supra) et les ambitions du « guide » de voir naître « un peuple en armes » auront plongé les Libyens dans l’apathie. Même le raid américain du 15 avril 1986 sur Tripoli et Benghazi ne parviendra pas à mobiliser la population en faveur de celui qui se considérait comme « le plus dangereux ennemi du premier allié [les Etats-Unis] de l’ennemi absolu [Israël] ».

Les petites histoire de Kadhafi occultent la grande Histoire de la Libye. Et c’est dommage. En occupant le devant de la scène pendant plus de quarante ans, le fantasque colonel a fait de la Libye le pôle de fixation de toutes les exécrations. Son pays vaut bien mieux que cela. Pour s’en convaincre, il faut lire ou relire le « Libye » de Pierre Rossi (Editions Rencontre - Lausanne, 1965), écrit peu d’années avant l’accession au pouvoir de Kadhafi. Dans quelques mois, le 24 décembre 1951, il y aura soixante ans que le roi Idriss, accédant au trône, proclamait l’avénement du Royaume libyen et l’indépendance du pays. Ce sera peut-être l’occasion de relancer les études et commentaires sur une histoire de la Libye qui ne soit pas qu’une histoire de Kadhafi.

Dictatures et dictateurs fascinent toujours plus que de raison les démocraties et les démocrates. Expression des frustrations que ne manque pas de susciter ce système que, pourtant, « l’Occident » présente comme notre devenir commun ? Le goût amer du danger supposé quand la menace ne se fait plus sentir ? Il faut relire les pages que l’Américain Armand Hammer consacre au pétrole libyen (dont sa compagnie, Occidental Petroleum, a été un des « inventeurs ») et à ses négociations avec le régime de Kadhafi (« Hammer » - éditions Robert Laffont - Paris, 1987) où celles sur les « habitudes à Tripoli » de Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand (« Le Fil et la Pelote » - éditions Plon, Paris, 1996). Ceux qui ont écrit sur leurs relations avec Kadhafi ont fait beaucoup pour mythifier un individu qui n’était, par ailleurs, qu’un « voyou » (et c’est un euphémisme) et créer ainsi un personnage dont Guy Georgy (ambassadeur de la France en Libye de 1969 à 1975) disait « qu’il n’est pas monté sur le cheval du Khalife. Il n’a qu’un tout petit âne. Et ce n’est pas parce qu’il passe ses sabots à la peinture dorée que cela va changer grand chose ».

J’ai vécu à Bamako, à l’hôtel de L’Amitié, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1989 - seul journaliste présent - la négociation menée par Omar Bongo et Chadli Bendjedid (Algérie), en présence de Moussa Traoré (Mali) entre Hissein Habré et Kadhafi. Le Tchadien était alors le vainqueur et Kadhafi le vaincu, plus encore le grand perdant. Ses troupes avaient été anéanties à Ouadi Doum dans le Borkou que le « guide » considérait comme son jardin privé. Mais cette nuit là, et le matin encore, tout au long de son (court) séjour dans la capitale malienne, Kadhafi dictera sa loi aux autres chefs d’Etat ; il imposera même sa Cadillac blindée (venue par avion depuis la Libye ainsi que quelques automitrailleuses sans compter une flopée « d’amazones ») pour qu’ils se rendent à la mosquée. Même étonnante considération, le mercredi 4 avril 2007, quand, au lendemain de sa prestation de serment, Abdoulaye Wade, à l’issue du défilé de la fête nationale sénégalaise, a cru devoir céder le micro à Kadhafi.

Costard blanc de maquereau marseillais, le « guide » va d’abord dégager l’interprète sénégalais pour imposer son propre traducteur et appeler, devant le corps diplomatique rassemblé, à « aller récupérer en France tout ce que la France a pillé en Afrique ». Qu’il mette en cause l’impérialisme français (jolie prémonition ?) n’était pas condamnable, même si ce n’était ni le moment ni le lieu ; mais le « tueur d’avions-preneur d’otages » s’illustrera surtout, ce jour-là, en donneur de leçons aux Noirs alors que, justement, en ce même mois d’avril 2007, Valérie Dupont, dans un reportage publié par Afrique Magazine, évoquait « les nouveaux esclaves de Kaddafi. Les migrants noirs […] taillables et corvéables à merci, au pays de la Jamahiriya ».

Ce ne sont que quelques exemples de la tolérance de « l’Occident » et de l’Afrique vis-à-vis d’un homme exécrable dont le comportement n’a jamais été en adéquation avec ce qui est, disons, « acceptable ». Mais le « guide » était immensément riche… ! Et quand les Etats ont failli - ce qui, en soi, ne saurait être étonnant - bien des « intellectuels », qui ne subissent pas les mêmes contraintes, ont failli plus encore. A l’instar de Edmond Jouve, charmant monsieur par ailleurs, professeur émérite de l’Université Paris-Descartes, président honoraire de l’Académie des sciences d’outre-mer. Voici quelques mois (Jeune Afrique du 16 janvier 2011), il affirmait avoir « combattu ensemble [avec Laurent Gbagbo] pour que votre pays ne soit pas étouffé par les impérialismes », parce que Gbagbo rêvait de faire de son pays un « exemple dans un continent abandonné aux régimes autoritaires ».

Bravo. Mais Jouve, pourfendeur des « régimes autoritaires », est aussi l’auteur d’un « Mouammar Kadhafi » (éditions L’Archipel - Paris, 2004), s’enthousiasmant pour le « visionnaire » : « Aux semelles de vent de Kadhafi sont fixées des armes morales dont l’objectif est de détruire l’Ancien Monde pour donner la parole aux peuples. Nous avons connu cela, il y a plus de deux cents ans, lorsque Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Olympe de Gouges et l’ensemble des encyclopédistes sapaient le Vieux Monde pour faire éclore les temps modernes ». Kadhafi n’était pas le seul à dérailler !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 28 octobre 2011 à 17:15, par gwandba En réponse à : Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

    bêtise humaine quand tu nous tiens !!!
    on se masturbe le cerveau en pensant avoir la lumière sur tout et dans tout !
    quoi qu’on disent c’est l’un des leader africains qui pensais que la touche africaine étais indispensable à l’évolution pour pas révolution des choses et la marche du monde vers un matin juste et honnête !!!
    mais hélas ! la rapace comme d’habitude téléguide un des frère qui sans scrupule
    l’explose !!!
    pauvre afrique à quand la fin des premières dame sans état d’âmes ???

  • Le 28 octobre 2011 à 19:04 En réponse à : Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

    ‎1-L’électricité à usage domestique est gratuite !
    2 – L’eau à usage domestique est gratuite !
    3- Le prix d’un litre d’essence est de 0,08 EUROS !
    4- Les banques libyennes accordent des prêts sans intérêts !
    5- Les citoyens n’ont pas d’impôts à payer, et la TVA n’existe pas !
    … … 6- La Libye est le dernier pays dans la liste des pays endetté ! La dette publique est à 3,3% du PIB,En France, elle est à 84,5% ,Aux USA , 88,9%, Au Japon à 225,8% !
    7- Le prix pour l’achat d’une voiture (Chevrolet, Toyota, Nissan, Mitsubishi, Peugeot, Renault…) est au prix d’usine (voitures importées du Japon, Corée du sud, Chine, Etats-Unis…) !
    8- Pour chaque étudiant voulant faire ses études à l’étranger, le « gouvernement » attribue une bourse de 1 627,11 Euros par mois !
    9- Tout étudiant diplômé reçoit le salaire moyen de la profession du cursus choisi s’il ne trouve pas d’emploi !
    10- Lorsqu’un couple se marie, l’ »Etat » paie le premier appartement ou maison (150 mètres carrés) !
    11- Chaque famille libyenne, sur présentation du livret de famille, reçoit une aide de 300 EUROS par mois !
    12- Pour tout employé dans la fonction publique, en cas de mobilité nécessaire à travers la Libye, l’Etat fournit une voiture et une maison gratuitement. Et quelque temps après, ces biens sont à lui.
    A cela s’ajoute les investissements faits dans les pays pauvres et « ingrats » de l’Afrique noire !
    Aucun président au monde ne pourra se vanter d’avoir fait le tiers de ce que Khadafi a fait pour son pays.
    RIP khadafi que la terre lui soit légère. » -

  • Le 29 octobre 2011 à 22:30 En réponse à : Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

    Ce qui est acceptable pour vous c’est quand un avion atterit dans le désert tchadien et avec à bord des démons déguisés en sauveurs humanitaires pour ramasser des enfants noirs africains pour amener en France pour extraire leurs organes ? et que ces démons soient arrétés et emprisonnés , puis Sarkosy criera haut et fort que s’ils ne sont pas libérés il ira lui meme le chercher.

    Votre modèle de démocratie pue , c’est le sang des autres pour le diamant, l’uranium, le pétrole, et tout ce qui est trésor des autres.

    Khadaffi n’est pas bon, on est d’accord, qui est bon ? vous ?
    L’intelligence de l’occident n’est rien d’autre que la malédiction de l’homme sur la terre.

    Tout le monde sait bien que vous ne ferez rien pour sauver les autres, vous avez ensanglanté le pays pour avoir de l’argent mais pas pour sauver quelqu’un.
    La preuve est que ceux qui ont faim ne seront jamais sauver, ils ne verront que vos cameras pour les filmer.

    Vous vendrez bientot aux libyens leur eau et tout ce qui leur appartient.

    Fous faites une campagne pour amener tout le monde à détester Khadaffi mais vous vous fatiguer car on n’a plus le meme niveau de compréhension qu’en 1900 pour croire à tout ce que vous écrivez.

    Khadaffi c’est votre ennemi pas le notre.

    Khadaffi a réussi à ce que l’Italie s’engage à dédommager la Libye pour l’avoir colonisé et la France a eu très peur.

    Khadaffi a décidé de la non attribution de visas aux européens et vous avez du négocier.

    Khadafi a fait emprisonné des blancs qui sont venus pour contaminer le sida aux enfants libyens et vous avez eu très mal.

    Sauf un idiot croira et lira les livres diables menteurs .

    Continuez, que dieu vous rende des milliers de fois ce que vous faites aux autres, s’il existe.

  • Le 31 octobre 2011 à 13:31, par Le pacifiste En réponse à : Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

    Tous nos heros qui ont été assasinés, l’ont été avec la complicité de l’occident.Et des gens comme vous, des scribouillards avez chaque fois contribué à ces assasinats à travers les insannités que vous ecrivez.ce que vous dités n’est rien d’autre que de la difamation.kadhafi est un héro pour nous.Que cela vous fasse rougir.

  • Le 8 novembre 2011 à 21:23, par chouman En réponse à : Les petites histories de Kadhafi ont occulté la grande Histoire de la Libye. Dommage !

    A NOS RESPONSABLES

    Mouammar EL KADDAFI a été certes un dictateur qui a pris le pouvoir par la force et l’a gardé plus de 40 ans, mais nous devons reconnaitre la vérité que les libyens ont eu les avantages suivants qu’aucune autre nation n’a su offrir à ses citoyens :

    1-L’électricité à usage domestique est gratuite !

    2 - L’eau à usage domestique est gratuite !

    3- Le prix d’un litre d’essence est de 0,08 EUROS !

    4- Les banques libyennes accordent des prêts sans intérêts !

    5- Les citoyens n’ont pas d’impôts à payer, et la TVA n’existe pas !

    6- La Libye est le dernier pays dans la liste des pays endetté ! La dette publique est à 3,3% du PIB ! En France, elle est à 84,5% ! Aux US, 88,9% ! Aux Japon à 225,8% !

    7- Le prix pour l’achat d’une voiture (Chevrolet, Toyota, Nissan, Mitsubishi, Peugeot,
    Renault...) est au prix d’usine (voitures importées du Japon, Corée du sud, Chine, Etats-Unis...) !

    8- Pour chaque étudiant voulant faire ses études à l’étranger, le « gouvernement » attribue une bourse de 1 627,11 Euros par mois !

    9- Tout étudiant diplômé reçoit le salaire moyen de la profession du cursus choisi s’il ne trouve pas d’emploi !

    10- Lorsqu’un couple se marie, l’ »Etat » paie le premier appartement ou maison (150 mètres carrés) !

    11- Chaque famille libyenne, sur présentation du livret de famille, reçoit une aide de 300 EUROS par mois !

    12- Pour tout employé dans la fonction publique, en cas de mobilité nécessaire à travers la Libye, l’Etat fournit une voiture et une maison gratuitement. Et quelque temps après, ces biens sont à lui.

    Quel pays démocratique dans le monde peut se targuer d’en faire autant avec ses concitoyens.

    Et dire que ce pays va être transformé en un espace de ruine, de malheur et de pauvreté comme le sont l’Irak et l’Afghanistan par les bons voeux des occidentaux, d’israel et de l’OTAN, avec comme bouc émissaire le CNT et ce qu’il est convenu d’appeler les rebelles.
    Les Libyens avaient certes besoin indéniablement d’espace démocratique mais pas de ce genre de chaos qui a engendré des milliers de morts en plein mois sacré de Ramadan....
    Ils vont le regretter amèrement quant ils vont s’apercevoir de la supercherie de l’aide des occidentaux non pas à installer une démocratie mais à réduire un pays en cendre pour pouvoir bien "gérer" leur manne pétrolière......

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