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Présidentielle française 2012 : François Hollande, candidat du Parti socialiste. « La Corrèze avant le Zambèze » ?

Publié le jeudi 3 novembre 2011 à 18h34min

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Le coup de génie de François Hollande (cf. LDD spécial Week-End 0508/Samedi 15-dimanche 16 octobre 2011), dans la perspective de la présidentielle 2007, avait été, tout en étant à la tête du Parti socialiste, d’imposer un leader qui était sa compagne (que ne dirait-on, à gauche, s’il y avait un tel duo à droite) et qui, plus encore, voulait s’affranchir de l’appareil du parti pour conquérir le pouvoir et gouverner en direct.

Vous avez dit populisme de gauche ? Oui ! Je dis populisme. Car le PS, qui était un parti de militants, va devenir un parti de votants. Tous les cinq ans. Et la primaire organisée en 2011 est l’aboutissement de ce processus de décomposition du parti qui tend à n’être plus qu’un rassemblement. Mais l’échec de Ségolène Royal à la présidentielle 2007 et l’impopularité quasi permanente de Nicolas Sarkozy vont permettre à Hollande d’imposer son image en rupture : ni la séduction de l’une, ni le « bling-bling » de l’autre. Plutôt la « force tranquille » de François Mitterrand. Nouveau look et, surtout, nouvelle compagne : pas une politique, une journaliste (Valérie Trierweiler qui bosse à Direct 8 où elle a été recrutée par Yannick Bolloré, le fils de Vincent Bolloré).

C’est dans l’air du temps ; et cela lui permet, désormais, de jouer solo. Imperturbablement, il va labourer les terres françaises sans jamais se soucier du numéro d’équilibriste (qui s’est mal terminé) de Dominique Strauss-Kahn ni du socialisme lillois, à l’ancienne (ce qu’il appelle le « socialisme sectaire »), de Martine Aubry, ni de la légitimité de Ségolène Royal arrivée au second tour en 2007 quand, en 2002, Lionel Jospin n’y était pas parvenu. Face à ces poids lourds, Hollande n’est qu’un « ex » (ex-premier secrétaire du PS, ex-compagnon de Ségolène Royal), simple député de province (et pas la plus significative !) et personnalité atone sur le plan international.

En refusant de se déterminer par rapport aux autres, Hollande va s’imposer comme un candidat possible à la primaire 2011 (ce qui n’apparaissait pas évident en 2010) avant d’être, depuis hier soir (dimanche 16 octobre 2011), déboulant du diable vauvert, un candidat crédible à la présidentielle 2012. Bien labourer, c’est garder sa ligne sans jamais dévier. Hollande sait faire. Il est de la race de ceux dont on dit : « on leur donne du boulot à faire comme on jette un os à un chien » ! Ce n’est pas un magistrat à la Cour des comptes pour rien, même s’il n’en cultive pas l’image. Celui que Arnaud Montebourg qualifiait encore, l’an dernier, de « pire défaut du Parti socialiste », tandis que Emmanuel Valls faisait le rapprochement entres les Bleus de Raymond Domenech et « le PS de François Hollande » et que DSK-Aubry-Royal « pactisaient », devient aujourd’hui l’homme avec lequel il faut, une fois encore, compter. Mais cette fois-ci, c’est pour son propre compte qu’il roule.

Candidat du PS ? Non, bien plus que cela. Allant au bout de la logique développée pour permettre le choix de Ségolène Royal comme candidate à la présidentielle 2007, il n’est pas le candidat de la direction du parti, il est celui de ceux qui se reconnaissent en lui, « l’homme tranquille », et qui veulent le changement sans la révolution. Et, surtout, un homme en adéquation avec les valeurs sûres qui étaient celles (dans le souvenir des Français) des années 1970-1980.

Au printemps 1964, Raymond Cartier, alors journaliste à « Paris-Match », se vit attribuer une formule choc : « La Corrèze avant le Zambèze » qui s’inscrivait dans l’air du temps : la France était engagée dans une aide accrue aux pays d’Afrique nouvellement indépendants. La formule n’est pas de Cartier - mais définira ce qu’était le « cartiérisme » : les ex-colonies coûtent cher à l’ex-métropole ! - qui avait affirmé plus banalement : « Plutôt la Bretagne que le Dahomey ». « La Corrèze avant le Zambèze » ? La formule pourrait-elle s’appliquer au député de Corrèze et président du conseil général de Corrèze devenu candidat du PS à la présidentielle 2012 ? Les primaires socialistes ont fait l’impasse sur les questions internationales.

Frustrant, sans doute, pour le commentateur ; mais s’inscrivant dans une logique politique qui est celle de la « démondialisation ». Pas nécessairement celle des « altermondialistes » d’hier ou des « indignés » d’aujourd’hui, mais celle de tous ceux qui en subissent les conséquences économiques et sociales au quotidien. Hollande n’a pas une vision spécifique des relations internationales. « Je ne distingue pas la politique étrangère de la politique intérieure » a-t-il déclaré à François Soudan et Laurent de Saint Périer (Jeune Afrique du 7 août 2011), affirmant par ailleurs, plus récemment (entretien avec Sylvie Pierre-Brossolette et Michel Revol - Le Point - 15 septembre 2011), qu’il avait « de l’estime » pour Alain Juppé, ex-premier ministre de Chirac, actuellement ministre des Affaires étrangères et européennes, « qui fait plutôt honneur à la diplomatie française ».

Personnalité franco-française, Hollande ne semble pas avoir d’ambitions pour la France sur l’échiquier mondial. Ce qui ne signifie pas qu’il n’a pas d’opinions sur la question, loin de là, et qu’il est sous informé en la matière. Il revendique même « des positions bien établies » qui « n’ont pas eu besoin de changer selon les circonstances », affirmant dans le même temps qu’il entend « prôner des changements dans la conduite de la politique extérieure de la France menée depuis des années par la France, y compris par des gouvernements de gauche ». Face à l’incohérence du « sarkozysme », il entend affirmer sa « cohérence ». Et sa « lucidité ». Hollande est un « internationaliste » de proximité : Union européenne (« L‘Europe doit être au cœur de toutes les politiques publiques »), Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient, Afrique noire.

Cette zone suscite déjà suffisamment de préoccupations à Paris pour n’avoir pas à se soucier, hors crise, de ce qui se passe dans le « Reste du Monde ». Hollande n’est pas Bernard Kouchner prêt à enfourcher n’importe cheval de bataille dès lors que les cameras tournent. Ses « dix propositions » pour la politique internationale présentées le mardi 15 juin 2010, sont passées quasiment inaperçues sauf qu’il est évident que, contrairement à l’homme de l’Elysée, il n’ambitionne pas d’être « maître du monde » (« y compris le journal [Le Monde] » ironisait alors Hollande tandis que la prise de contrôle du quotidien du soir était à l’ordre du jour).

Europe d’abord. On notera que le « coordinateur » de Hollande pour les primaires PS, Pierre Moscovici, a été ministre délégué chargé des Affaires européennes dans le gouvernement Jospin (selon Moscovici, l’Europe doit être une composante essentielle de la politique intérieure de la France), et que son bras droit, Stéphane Le Foll, qui a été son directeur de cabinet tout le temps où Hollande a été le patron du PS, a tâté du parlement européen. La priorité européenne de Hollande sera donc « d’organiser une relations confiante et durable » avec l’Allemagne. Sa priorité internationale visera l’Afrique : « Pour que nous puissions avoir des principes établis entre le nouveau président de la République française et les chefs d’Etat africains » (Jeune Afrique - cf. supra). Objectifs en Afrique : « clarifier nos rapports, renforcer nos relations, faire confiance aux médiations africaines ».

En ce qui concerne l’Afrique, chacun se souvient des propos de Hollande, en octobre 2004, au sujet de Laurent Gbagbo, un « personnage infréquentable ». Il dit aujourd’hui (Jeune Afrique - cf supra) que « le fait qu’il ait été arrêté ne m’a pas choqué. Il s’était mis en marge d’un processus démocratique qu’il avait pourtant accepté ». Tout Hollande est dans cette pérennité du jugement.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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