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Présidentielle camerounaise : Ce n’est pas la victoire de Biya, c’est la défaite de l’opposition

Publié le mardi 12 octobre 2004 à 07h33min

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Semaine politique décisive dans de nombreux pays notamment en Afghanistan, mais surtout en Afrique où les populations sont appelées à élire leurs présidents de la République.

C’est le cas en Somalie, au Niger demain, et surtout au Cameroun hier, où plus de 4,6 millions d’électeurs ont voté pour trouver un successeur au chef de l’Etat sortant Paul Biya qui a brigué un cinquième mandat avec ce scrutin, pour se succéder à lui-même.

Les résultats ne doivent pas en principe démentir l’issue programmée de ce vote : l’identité du locataire du palais d’Etoudi ne devrait pas changer et en ce jour 12 octobre Paul Biya est certain de rester scotcher à son fauteuil pour un bail de 7 ans.

Et pourtant ce ne sont pas les motifs qui ont manqué au corps électoral pour le déloger de ces lieux où il règne depuis 22 ans.

Dans un pays où il n’y a pas de Conseil de ministres (l’anecdote qui fait cas du président qui demandait qui était un jeune homme en face de lui alors qu’il s’agissait de son ministre de la Jeunesse est bien connue) où le président s’absente des mois durant, où les ministres apprennent leur grâce et disgrâce en écoutant les informations, bref où les dysfonctionnements de l’Etat sont criards sans oublier les sempiternelles revendications réelles des Camerounais (chômage, incivisme, corruption, délinquance...), les chances du sphinx de Mvomeka de rempiler devaient être réduites, si et seulement si l’opposition avait parlé d’une même voix.

Ce qui est loin d’être le cas, puisque des 13 candidats à la course à la magistrature suprême, 3 ont désisté (Jean Jacques Ekindi, Djeukam Tchameni et Gustave Essaka) criant déjà à une fraude massive mais 10 sont restés sur la ligne de départ sans pour autant qu’aucun ne puisse rattraper Biya.

C’est connu, toutes les oppositions en Afrique sont les mêmes (cf : Regard sur l’actualité du 10 septembre 2004), et celle du Cameroun pêche à l’instar des autres pays par son manque d’unité. Un tour d’horizon de cette dizaine d’opposants on notera que nombreux sont des has been, parmi lesquels il bien sûr les figures historiques des opposants légendaires à Paul Biya : l’infatigable John Fru Ndi et le Bamoun Adamou Ndam Njoya.

A 63 ans, le premier qui jouit d’une réelle popularité surtout dans la partie anglophone du pays s’est confronté n fois à l’actuel président sans pour autant le battre même si en 1992, d’aucuns estiment qu’il a été le véritable vainqueur de la présidentielle (Biya selon certains aurait effectué un hold up électoral), ravalera encore cette fois sa rancœur. Son parti le Social démocratic front (SDF) malgré des défections qui a toujours la majorité des députés de l’opposition à l’hémicycle, en alliance avec les autres opposants aurait pu barrer la route à Paul Biya.

En effet, l’éternel malaise des anglophones (20% des 16 millions de Camerounais) est toujours omniprésent. Et son organe d’expression le radical Southern Cameroun national council (SCNC) a toujours voté SDF. Sans oublier tous les autres qui voient en lui une alternative à la politique de Biya. Le chairman, certes a incarné à un certain moment l’espoir des Camerounais qui croyaient dur comme fer à un changement à la tête de l’Etat.

Un changement qui aurait pu se faire si l’alliance politique avec Adamou Ndam Njoya avait tenu tous ses paris. Il y a un an ces deux leaders avaient en effet affirmé qu’ils ratisseraient large et que l’opposition irait en rang serré à ce scrutin pour qu’enfin l’alternance soit une réalité.

Las ! Les ambitions personnelles ont vite fait de reprendre le dessus, et il ne s’est trouvé personne pour fédérer tous les mécontentements et contrer véritablement Biya.

Si en 22 ans, l’on convient que la machine électorale du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir est bien huilé et qu’il suffit d’activer certains leviers pour assurer la victoire au parti présidentiel, il n’en demeure pas moins que les querelles de clocher des opposants sont la cause de cette défaite, une encore de trop.

En vérité, la victoire annoncée, de Paul Biya n’en est pas une, il s’agit plus exactement de la déconfiture de l’opposition, incapable de s’entendre pour combattre politiquement un adversaire commun.

Si ailleurs, le vote-sanction a souvent joué (cas du Sénégal en mars 2000), ici, il demeure un leurre de par la faute de l’opposition. Et revoilà, l’ancien séminariste d’Akono dont les frères missionnaires appréciaient les talents de joueur d’harmonium, reparti pour jouer sa partition pendant 7 ans pour le pays d’Ahmado Ahidjo.

Z.Dieudonné Zoungrana
L’Observateur

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