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Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

Publié le jeudi 6 octobre 2011 à 01h17min

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Michel Yanogo, natif de la commune rurale de Komsilga, âgé de 62 ans est un exploitant agricole. C’est en 2010 qu’il a commencé à investir dans l’agriculture au Burkina Faso, après avoir quitté les Etats-Unis où il a vécu 14 ans. Dans cet entretien, il donne ses motivations pour la production agricole et des suggestions, afin de booster ce secteur au Burkina Faso.

Sidwaya (S) : Qui est Michel Yanogo ?

Michel Yanogo (M.Y) : Je suis l’enfant d’un paysan de Komsilga. Je n’ai pas eu la chance d’aller loin à l’école. Dès l’âge de 13 ans, je suis venu à Ouagadougou, pour chercher à me débrouiller en faisant de petits boulots. En 1969, je suis allé à Abidjan en Côte d’Ivoire. J’avais 17 ans. Je me suis rendu dans la brousse ivoirienne comme d’autres Voltaïques de l’époque.

J’ai travaillé dans une plantation d’hévéa. Après 9 mois de labeur, j’ai eu un peu d’argent et je suis revenu à Abidjan pour apprendre la couture. J’ai ouvert mon atelier en 1973. En 1977, j’ai laissé la couture pour aller travailler à l’aéroport d’Abidjan. J’y ai fait 18 ans . En 1994, j’ai pris congé et je suis parti pour les Etats-Unis d’Amérique. C’est ainsi que j’ai eu un "job" dans un supermarché derrière Chicago.

S. : Qu’est-ce qui vous a motivé à rentrer au pays et à investir dans la production agricole ?

M.Y : Aux Etats-Unis, entre-temps, j’ai commencé à fréquenter les éleveurs et les agriculteurs. Un jour, j’ai échangé avec un fermier et je lui ai dit que moi j’ai envie de faire ce métier. Il m’a encouragé. C’est là que j’ai eu l’idée d’investir dans le secteur agropastoral. Je me suis dit que si chez nous au Burkina Faso, il faut tout le temps aller chercher des céréales ailleurs, ce n’est pas intéressant. Si moi aussi, je m’ajoute à d’autres producteurs, peut-être que cela apportera un plus à la production agricole de notre pays. C’est une manière pour moi de contribuer au développement de mon pays. C’est à partir de ce moment que j’ai cherché à m’acheter un tracteur et bien d’autres matériels de production. Mais bien avant que je ne regagne le bercail, j’avais déjà garanti un espace à cet effet. Je suis arrivé au Burkina le 2 avril 2010 et j’ai commencé à produire la même année. J’ai pu produire le haricot, l’année dernière. J’ai gagné 26 sacs de 80 kg de graines de haricot. J’ai décidé donc d’investir dans ce secteur pour avoir à manger et faire manger d’autres personnes. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui travaillent dans mon champ et je les paie. Il y a même certains élèves qui ont payé leur scolarité, l’année dernière avec l’argent qu’ils ont gagné avec moi. Mais si je faisais des boutiques, combien de personnes allaient en profiter ? Il faut qu’on arrête d’être égoïste et de ne penser qu’à soi-même car Dieu dit : "Qui donne, reçoit".

S. : Quels sont vos moyens et techniques de production ?

M.Y : L’an passé, comme j’ai été pris par le temps, j’ai utilisé de l’engrais chimique. Cette année, je me suis lancé dans la production du maïs et c’est du fumier que j’ai mis autour des semences. Je suis en train de réaliser des fosses fumières pour faire de la fumure organique. Avec l’utilisation du fumier, mon champ de maïs a poussé très vite, malgré l’état latéritique du sol. J’ai exploité cette année environ 16 hectares. Grâce à mon tracteur, j’ai pu labourer tout le champ. En plus du maïs et du haricot, j’envisage d’essayer l’année prochaine, le sésame. Je compte aussi faire l’élevage de la volaille.

S : Faut-il dire que tout va bien chez vous ?

M.Y : Je suis confronté à un certain nombre de difficultés. Il y a le manque de financement. Si tu travailles avec ton propre fons, à un moment donné, il te faut un appui financier. Quand j’étais aux Etats-Unis, j’ai suivi le discours de l’ex-Premier ministre, Tertius Zongo, qui disait que le gouvernement burkinabè va tourner un regard vers la production agropastorale. Mais depuis que je suis là, je n’ai pas eu de l’assistance. L’accompagnement technique aussi me manque beaucoup. La contrainte majeure reste le problème d’eau. Ce que j’espérais avoir cette année, je ne peux plus l’atteindre à cause de la rareté de la pluie.

S : Quelles solutions préconisez-vous pour booster la production agricole dans notre pays ?

M.Y : Il faut que l’Etat suive les tproducteurs pour voir comment ils travaillent, combien ils ont investi, afin de les accompagner comme il se doit. Le gouvernement doit faire en sorte que le secteur agro-pastoral soit un domaine de priorité. Il faut qu’on encourage les producteurs. Moi, je demande au gouvernement de leur venir vraiment en aide. Il faut qu’il y ait plus de retenus d’eau comme les barrages. Pourquoi ne pas réaliser des forages et des châteaux pour arroser les champs, au moment où les pluies se font rares si cela est possible.

S : Que direz-vous à ces jeunes qui pensent que l’agriculture est une activité reservée aux paysans ?

M.Y : Les jeunes ont un peu raison de croire que l’agriculture est une activité de paysans puisque pour eux un paysan c’est un pauvre bonhomme ; quelqu’un qui n’a rien à faire ou qui a échoué dans la vie. C’est à notre gouvernement de montrer aux jeunes que l’agriculture est un secteur prometteur. Il faut qu’il ait des producteurs modèles au Burkina qui vont servir d’exemples à ces gens. Il faut qu’on arrive à ne plus considérer l’agriculteur comme un "pauvre type". .

S : Quels conseils donnerez-vous à des jeunes qui désirent aller à l’aventure aux États-Unis par exemple ?

M. Y : Si vous voyez que les jeunes vont aux États-Unis, en Italie ou en Côte d’Ivoire, c’est parce qu’on ne valorise pas bon nombre de secteurs comme l’agriculture et l’élevage qui pouvaient les intéresser. Ceux qui fuient les travaux champêtes au Burkina, partent faire soit du jardinage ou travailler dans les plantations ailleurs, tout simplement parce que ces pays d’accueil accompagnent ces domaines d’activités. A tous ceux qui désirent donc aller à l’aventure, je leur dit de bien mûrir leur réflexion, puisque j’ai vu des gens qui ont vendu leurs cours pour se rendre en Amérique, mais qui ont regretté.
Je leur dis que ce n’est pas aux États-Unis ou ailleurs qu’on peut s’en sortir. Nous pouvons rester au Burkina Faso et créer.
Il faut que les Burkinabè aient confiance en eux-mêmes et disent comme Barack Obama : "Yes, we can" ("oui, nous pouvons") . Oui, nous pouvons produire, si toutefois, il y a de la volonté réelle d’accompagner les producteurs.

Kowoma Marc DOH (dohmarc26 @yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 6 octobre 2011 à 06:17, par Jeune etudiant En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

    vRAIMENt bocou de courage Mr Yanogo. Moi je suia un jeune Burkinabe etudiant aux Etats Unis mais des que je fini mes etude je vais me lance ds le secteur agricole. Jaimerai si possible nouer des relation avec vous. My email is wily11edo@gmail.com email me please.

  • Le 6 octobre 2011 à 10:52 En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

    Salut Monsieur Michel Yanogo ! Votre aventure vous a tout de même donner des idées et des moyens de revenir investir, donc souffrez que d’autres aussi tentent leur chance.

  • Le 6 octobre 2011 à 13:28, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

    - Mon cher ami, félicitation même si tu as crapahuté !

    Mais pour ton information, on ne met pas du fumier autour des semis. La raison est simple :

    - Le fumier exposé à l’air libre est déssiqué et évaporé par le vent et le soleil. Il profite donc très peu à tes plantes,
    - Ensuite, il y a le risque que s’il pleut dessus, il libère des acides uriques qui attaquent et pourrissent le collet de tes plantules.

    Le fumier se met en fumure de fonds à la dose de 4 à 5 tonnes par hectare et juste avant le labour. Ainsi le labour est fait aussi pour enfouir le fumier et permettre sa bonne décomposition dans le sol pour qu’il libère les oligo-éléments dont les plantes ont besoin.

    Merci mon frère agriculteur.

    Par Kôrô Yamyélé

    • Le 6 octobre 2011 à 19:01, par TAO En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

      Salu, eh mon Kôrô Yamyélé, tu connais tout alors ! félicitations. Tantôt cè toi qui parle de sauterelle, de roi lion et de ... je ne sais plus ; que j’ai quand même apprécié et maintenant tu parles de techniq agricoles. Bravo mon Kôrô Yamyelé.
      Courage à l’exploitant agricole Michel Yanogo. Qu’il puisse avoir un appui dans sa production.

  • Le 6 octobre 2011 à 18:55, par le paysan professionnel En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

    Félicitation M. Yanogo. Juste est votre réaction. Au BF, l Etat n accompagne pas les investisseurs dans l agriculture. Vous ferez le tour et aucune banque ne va vous accompagner dès le debut. Les banques ne financent pas des projets, maïs rrenforcent les capacités. Elles veulent un fonds de garantie pour les differents projets. Les différents fonds créés par l Etat tels FBDS, PAPE ne sont pas à la portée des porteurs de projets. On fait les pub des fonds, la réalité est tout autre. Moi j ai un projet pour faire de l aviculture, mais malgré les garanties et le terrain disponibles, j ai peine derrière les banques sans succès.

    • Le 7 octobre 2011 à 07:24, par KORO OUATT En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

      Je t’encourage beaucoup car tu as vraiment tenu parole.Esperons que ton exemple motivera l’etat a mieux s’invertir dans le domaine agropastoralcar c’est la seule voie pour notre auto suffisance alimentaire.
      La seule chose que je ne vais te pardonner est de quitter Madison sans dire mots a certains de tes compatriotes qui t’ont soutenu a des moments difficiles de ta vie.Nous te pardonnons mais nous n’oublierons jamais cela.
      Bon vent a toi grand frere.

  • Le 7 octobre 2011 à 13:25, par bob En réponse à : Michel Yanogo, un exploitant agricole : "Nous pouvons produire, s’il y a de la volonté..."

    Au regard des investissements dans les équipements et compte tenu de l’ambition réelle de Yanogo, il doit : se former pour cerner les techniques culturales au Faso qui sont distinctes du style américain pour des raisons climatiques et ensuite, faire les cultures de contre-saison (oignon tomate, poivrons) puis enfin développer l’élevage des volailles pour compenser les charges.

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