Maternité Sylla-Sanon : Si on ne peut même plus accoucher …
« Par suite du décès de madame Sita Traoré dans cet établissement de santé (Ndlr : maternité Sylla-Sanon de Bobo), les investigations ont révélé une négligence manifeste de la part des agents chargés de la garde, qui n’ont pas apporté l’assistance requise à la parturiente. Au regard de la gravité des faits, le Conseil prononce la révocation de la Fonction publique, pour faute lourde professionnelle avec poursuites judiciaires, de Salimata Bahan/Tankoano, accoucheuse auxiliaire, et de Zénabou Ouattara/Yoni, agent itinérant de santé … En outre, le Conseil donne instructions au ministère de la Santé de mener des investigations afin de situer les responsabilités de la hiérarchie des services de santé et de prendre les sanctions qui s’imposent ».
C’est là l’un des extraits du compte rendu du Conseil des ministres, en sa séance du 7 septembre 2011, qui a certainement donné le plus matière à réflexion à bien des lecteurs et auditeurs. Notre journal, dans son édition n° 7956 du vendredi 2 au dimanche 4 septembre 2011, s’en était d’ailleurs fait l’écho. Le drame a eu lieu dans la nuit du mercredi 31 août au jeudi 1er septembre 2011 à la maternité Sylla-Sanon au secteur 21 de Bobo Diloulasso. Selon la version du mari de la défunte, cette dernière a été enfermée à clé dans la salle d’accouchements par les agents de santé, qui ont préféré piquer une ronflette après avoir eu l’outrecuidance de congédier l’accompagnatrice de la dame en travail.
De cette dernière décision gouvernementale cette nouveauté, de taille, se dégage : la célérité de l’Etat à sévir lorsqu’il y a des manquements graves dans l’exercice d’une activité d’intérêt public ; nous reviennent en mémoire les révocations de la maire de Boulmiougou, et du maire de Koubri, sans oublier le jugement des trois policiers coupables dans l’affaire Justin Zongo, qui ont écopé de lourdes peines de prison. C’est vrai que beaucoup ont estimé qu’il s’agissait, dans ce procès, de « poulets » sacrifiés sur l’autel de la paix sociale, mais bref, ç’a l’effet de mettre du baume au cœur à bien des Burkinabè, qui ont souvent l’indignation facile.
Est-ce à dire que toutes ces mesures sont les retombées de la crise que traverse notre pays ? Si c’est le cas, avouons qu’elles sont bénéfiques. Prenons le gouvernement au mot et espérons qu’en fin limier il saura chaque fois remonter la chaîne pour situer les responsabilités. Et l’idéal aurait été d’exhiber aussi des scalps de ministres de temps en temps. Cela aurait peut-être cet effet magique : faire taire ceux qui pensent qu’on ne fait rendre gorge qu’au menu fretin.
Il ne faudrait cependant pas acclamer à se rompre les phalanges la sanction qui est tombée sur les deux agents de santé en oubliant de condamner violemment cette propension des justiciables à tout casser et à tout brûler. Pendant qu’on y est, l’Etat ne doit-il pas aussi sévir de ce côté-là ? L’on peut bien comprendre la fureur des manifestants, mais de là à se muer en dragons cracheurs de feu, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. Certes, la négligence et le mépris à l’égard de la regrettée Sita Traoré sont patents ; et ce genre d’attitude est souvent décrié dans nos structures sanitaires mais les présumées victimes veulent se rendre justice, en détruisant du même coup la poule aux œufs d’or, sciant de par cette attitude la branche sur laquelle elles sont assises, et c’est là que le bât blesse. Sylla-Sanon détruite, où iront désormais accoucher les riveraines ? Si les endroits ne manquent pas, ce ne sera certainement pas la porte d’à côté ; encore faut-il que le tricycle d’ambulance soit en bon état ! Maternité ou pas maternité, c’est le comble si l’on ne peut même plus accoucher.
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga