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FUMURE ORGANIQUE ET ENGRAIS CHIMIQUE : Le SOS des producteurs de céréales

Publié le mercredi 31 août 2011 à 02h06min

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Les producteurs agricoles ont besoin d’intrants pour accroître leurs productions. C’est la raison pour laquelle ils ont recours par exemple au NPK, à l’urée ou à la fumure organique. Mais une chose est de vouloir les intrants agricoles et une autre est d’en disposer. Le coût et la qualité des intrants, notamment les engrais, constituent des freins à leur accessibilité par les producteurs, tel que l’a révélé le dernier rapport du Réseau de veille sur la commercialisation des céréales (RVCC) en 2010. Nous nous sommes intéressés à ces aspects des intrants et sommes allés à la rencontre de quelques producteurs pour mieux comprendre les difficultés liées à l’utilisation de l’engrais chimique (urée et NPK) et de la fumure organique.

Aujourd’hui, la bonne pluviométrie, la qualité des semences et la fertilité des sols ne sont plus les seuls facteurs d’une bonne production agricole. Il faut, en plus, des intrants pour maximiser les rendements. C’est dans cette optique que les producteurs agricoles burkinabè en général et les grands exploitants en particulier font beaucoup recours à l’engrais minéral comme le NPK, l’urée, Burkina phosphate et à l’engrais naturel comme la fumure organique. L’habitude s’est installée à tel point qu’ils ne peuvent plus s’en passer, vu que la pluviométrie n’est plus aussi abondante que par le passé et que les sols sont également de moins en moins fertiles. L’approvisionnement en engrais minéral se fait sur la place du marché auprès de commerçants d’intrants à des prix qui ne sont pas à la portée de tous les producteurs agricoles.

Par exemple, et selon Soumaïla Sanou, producteur de maïs, de sorgho et de niébé à Bobo-Dioulasso et président du Comité interprofessionnel des céréales du Burkina (CIC-B), un sac de NPK coûte 20 000 F CFA sur la place du marché. Un autre circuit d’approvisionnement en NPK est celui des Directions provinciales de l’Agriculture et de l’Hydraulique depuis la subvention par l’Etat des intrants. Du fait de cette subvention, les prix de ces intrants sont inférieurs à ceux du marché. Selon toujours M. Sanou, un sac de NPK est vendu dans ces Directions à 13 500 F CFA et celui de l’urée à 12 500 F CFA. Outre ces circuits, il y a d’autres plus spécifiques mis en place dans le cadre d’opérations ou de projets. C’est le cas de l’opération intrants initiée depuis 6 ans par le CIC-B pour mettre à la disposition des producteurs de céréales de l’engrais issu d’un achat groupé.

Il y a également le projet Food Facility de l’Organisation mondiale de l’agriculture (FAO), financé par l’Union européenne, qui dote en semences de base et en engrais des OP tels les membres de l’Union régionale des organisations professionnelles agricoles des jeunes de l’Est (UROPAJE) installés sur un de ses sites d’intervention. Si l’engrais chimique est vendu sur la place du marché, ce n’est pas le cas de la fumure organique. Il faut la fabriquer. A cette fin, beaucoup de producteurs agricoles ont suivi des formations. C’est le cas par exemple des conseillers agricoles de la Fédération régionale agricole NIAN-ZWE dans la Sissili formés à la fabrication de compost. La fédération NIAN-ZWE est dirigée par Moussa Joseph Dagano, exploitant agricole de son état. La fumure organique résulte de la décomposition de résidus de récolte et de déchets d’animaux enfouis dans une fosse, mélangés à de l’engrais phosphate et de la cendre.

Le tout est régulièrement arrosé et retourné de temps à autre jusqu’à l’obtention de la fumure. Celle-ci est répandue après dans les exploitations pour apporter de l’humus au sol, améliorer sa fertilité et, par ricochet, les rendements. A côté de cette fumure fabriquée dans les fosses, il y a celle confectionnée hors fosses fumières. Selon Soumaïla Sanou, elle a été développée par le Centre régional pour l’eau potable et l’assainissement (CREPA). Elle est aussi un mélange de résidus de récolte et de déchets d’animaux arrosés et recouverts d’un grand plastique noir jusqu’à décomposition complète. En dehors de la fabrication in situ, il y a d’autres types de fumure organique. C’est le cas par exemple des déchets issus de l’égrenage du coton. Il y a également la bouse de vache répandue comme fertilisant dans les champs ainsi que celle de petits ruminants (moutons et chèvres).

Des intrants pas faciles à en disposer Les intrants sont donc devenus indispensables aux agriculteurs qui veulent améliorer leurs rendements. Malheureusement, il n’est toujours pas aisé d’en disposer. Des difficultés de divers ordres existent dans leur acquisition. Ainsi, concernant l’engrais chimique vendu dans le commerce, son prix est jugé élevé. Avec par exemple 20 000 F CFA le sac, le NPK n’est pas à la portée du premier venu des producteurs. Et plus les surfaces sont grandes, plus la quantité d’engrais voulue est aussi élevée. Ce qui nécessite d’énormes moyens financiers que beaucoup d’exploitants agricoles ne peuvent pas réunir. A cette cherté s’ajoute souvent l’indisponibilité des types d’engrais utilisés par les producteurs pour améliorer leurs rendements.

Une autre difficulté liée à l’engrais minéral vendu sur la place du marché est, selon Jules Zongo de l’UROPAJE à Fada, leur qualité souvent douteuse. Restent maintenant les intrants subventionnés par l’Etat. Certes, ils sont de bonne qualité, moins chers mais pas en quantité suffisante face à la très forte demande des producteurs. A titre d’exemple, le CIC-B, selon son président Soumaïla Sanou, voulait environ 70 tonnes d’engrais pour ses membres au cours de la campagne agricole 2010-2011. Mais la structure n’a pas obtenu la moitié de la quantité demandée. Cet état de fait est corroboré par le constat fait au cours de la même campagne agricole par une mission du Réseau de veille sur la commercialisation des céréales (RVCC) qui s’était rendue dans les régions de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Ouest pour suivre et évaluer « l’opération intrants » de l’Etat.

Dans son rapport, cette mission mentionnait par exemple que dans la Sissili, sur 1 974 tonnes de NPK demandées par les producteurs, seules 109 tonnes ont été fournies. Et sur un besoin de 1 319 tonnes d’urée, 150 tonnes ont été mises à disposition. En dehors de l’insuffisance des quantités, il y a les modalités de remboursement des crédits liés aux intrants qui constituent également un obstacle. Selon Jules Zongo, « il est demandé aux producteurs de rembourser le crédit intrants au plus tard fin février ». Ce qui est difficile, car, selon toujours M. Zongo « à cette période, les producteurs ne vendent pas leurs productions sauf ceux qui les bradent ». Un autre écueil concernant l’engrais subventionné est son arrivée souvent tardive par rapport à la campagne agricole. En somme, il ressort qu’il est difficile de compter exclusivement sur l’engrais subventionné par l’Etat pour mener une bonne campagne agricole. Toutefois, cette initiative a l’avantage d’avoir été prise même si des inquiétudes se font jour par rapport à sa pérennité.

Le président du CIC-B est de ceux qui s’en inquiètent sérieusement. C’est la raison pour laquelle il demande qu’une réflexion soit menée sur le sujet pour éviter un retour à la case départ en cas d’arrêt de la subvention. Il suggère à l’Etat de jouer sur les taxes sur les intrants pour obtenir une baisse sensible des prix au niveau des vendeurs à l’image de ce qui est fait concernant les produits de première nécessité. Les contraintes liées à la fumure organique

La fumure organique, bien que fabriquée par les producteurs, a aussi des exigences qui sont souvent des obstacles. Ici aussi, plus les surfaces cultivables sont importantes, plus la fumure doit être en grande quantité. Mais la fabrication de cet engrais naturel n’est pas une mince affaire. Elle nécessite, selon Moussa Joseph Dagano qui travaille avec la fumure organique depuis plus de 20 ans, un minimum de moyens. A titre d’exemple, il faut disposer de moyens de transport des résidus de récolte et des déchets d’animaux pour les entreposer à des fins de compostage, de beaucoup d’eau pour l’arrosage. Soumaïla Sanou, qui ne fabrique pas in situ la fumure, confirme la nécessité de moyens minima concernant cet engrais naturel lorsqu’il fait savoir, par exemple, qu’au cours de la campagne écoulée, il a déboursé près de 200 000 F CFA pour acheter de la fumure organique.

Ensuite, il a loué un camion pour transporter la quantité achetée de la zone industrielle de Bobo à son exploitation, située à une vingtaine de kilomètres en dehors de la ville, à 75 000 F CFA le voyage. Ces facteurs sont à l’origine d’un certain abandon de la fabrication de la fumure par des producteurs qui bénéficiaient d’un coup de pouce de l’Etat à travers l’opération fosses fumières. Dans certaines localités, ces fosses sont délaissées après l’arrêt des financements. Ce qui fait dire à M. Dagano de la fédération NIAN-ZWE que : « il ne suffit pas de donner des pelles, des pioches, des brouettes, un peu de ciment pour faire une fosse sans une politique de fabrication de compost ». Sinon, ce serait réaliser des fosses fumières qui ne seront pas fonctionnelles. C’est d’ailleurs le constat fait par la mission du RVCC ci-dessus citée la campagne écoulée dans les régions de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Ouest. D’où sa recommandation de « réaliser une étude sérieuse pour faire le bilan de mise en œuvre de l’utilisation des fosses afin d’aboutir à des recommandations vers l’élaboration d’une stratégie plus adaptée ». Pourtant, comparativement à l’engrais minéral, la fumure organique est beaucoup plus bénéfique et incontournable. A en croire Moussa Joseph Dagano, « au Burkina, il n’y a pas de sol suffisamment riche pour se passer de la fumure organique ». Et, ajoute-t-il, avec les changements climatiques, la fumure organique est devenue un thème transversal. Tout doit être mis en œuvre pour vulgariser et rendre accessible la fumure organique, la mère des engrais.

Les intrants nuisibles à l’environnement ?

Les intrants agricoles causent-ils des problèmes particuliers à l’environnement ? C’est ce que nous avons voulu savoir avec nos interlocuteurs. De façon unanime, ils répondent par la négative. Concernant par exemple la fumure organique, ils ne lui ont trouvé un quelconque impact négatif sur l’environnement. Bien au contraire ! Pour Moussa Joseph Dagano de NIAN-ZWE, la fumure organique contribue à l’enrichissement du sol. Jules Zongode l’UROPAJE complète en disant qu’elle permet de restaurer les sols dégradés. Concernant l’engrais minéral comme le NPK et l’urée, nos interlocuteurs estiment qu’il n’y a pas de crainte à avoir au sujet de l’environnement tant que les quantités utilisées ne sont pas très importantes. Ainsi, pour Soumaïla Sanou du CIC-B, l’utilisation intensive de l’engrais chimique dégrade à la longue les sols. M. Zongo pense aussi la même chose en parlant d’une quantité raisonnable de 5 sacs d’engrais à l’hectare qui est un seuil au-delà duquel on peut s’inquiéter. Et comme rares étant les producteurs agricoles de sa zone (l’Est) à pouvoir utiliser cette quantité, il estime que l’on ne peut pas y parler de préjudices causés à l’environnement.

Les propositions du RVCC

Le rapport sur le suivi des intrants commandité par le RVCC, après avoir fait le tour de la question de la gestion des intrants agricoles, avait fait une série de propositions qui sont toujours d’actualité. Il proposait entre autres :
- l’organisation d’une rencontre d’échange national sur la refonte du système d’approvisionnement en intrants ;

- D’accroitre les quantités d’engrais (NPK et l’urée).

- De faire en sorte que la quantité d’engrais distribuée soit proportionnelle à la quantité de semences ;
- De faire l’effort de quantifier selon les objectifs de production réelle. Les OP pourront être impliquées pour aider l’Etat dans l’identification des besoins ;
- Des dispositions soient prises pour que les semences soient disponibles dans les magasins au plus tard le 30 avril pour la campagne prochaine ; ainsi que l’engrais céréales subventionné ;
- Réaliser une étude sérieuse pour faire le bilan de la mise en œuvre de l’utilisation des fosses afin d’aboutir à des recommandations vers l’élaboration d’une stratégie plus adaptée ;
- L’implication des producteurs à travers les CRA dans le circuit de distribution d’engrais. Source : rapport RVCC

Abdoulaye TAO et Séni DABO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 1er septembre 2011 à 12:30, par suko En réponse à : FUMURE ORGANIQUE ET ENGRAIS CHIMIQUE : Le SOS des producteurs de céréales

    bonjour. il ya le crepa aussi qui a fait des etudes sur l’utilisation des fècès et urine humains.Donc comme option veuillez cher paysan, construire chacun une latrine ecosan chez soit et gagner doublement à savoir preserver l’environnement et aussi avoir de la fumure de qualité(birg-koom(urine) et birg-koïga(fèces hygiénisés)).pour savoir comment cela marche veuillez contacter le crepa ou la DGAEUE/MAH

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