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Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

Publié le jeudi 18 août 2011 à 01h36min

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Allongé sur une civière dans un grillage, agonisant sous le regard de son peuple, l’ancien président égyptien, Mohammed Sayed Selaaem Hosni Moubarak a commencé à payer un lourd tribut des erreurs de son long règne à la tête de son pays. Son procès qui s’est ouvert, dans la banlieue du Caire lui ouvre des lendemains amers en contradiction avec les récentes délices d’un pouvoir absolu. Le très craint Raïs a certes quitté le pouvoir sous la pression de la rue mais il se voit combler de regrets par ses compatriotes. Rattrapé par les affres d’un pouvoir sans partage (1981-2011), son calvaire ne fait que commencer. Les rendez-vous avec la justice de son pays, 3 août, 15 août et bientôt le 5 septembre ouvrent son calvaire.

Ils dressent partisans et adversaires. Ils ternissent l’image du chef de guerre de 1973, du vice-président sous Anouar El Sadate et du porte-flambeau du panarabisme. Conduit au box des accusés en même temps que ses deux fils, Gamal et Alaa, la famille Moubarak paie cash le côté mou de sa gestion des affaires publiques axées sur le clanisme, l’amicalisme, le népotisme. Crimes économique et de sang, corruption, … sont, entre autres, les chefs d’accusation. Celui qui s’est alloué les attributs de dernier Pharaon en mettant aux pas une population assoiffée d’ouverture démocratique connaît aujourd’hui son lot d’humiliations. Même si la tendre moitié, Suzanne Saleh Sabet, semble avoir, pour l’instant, échappé aux poursuites.

Héritier du charismatique Gamal Abdel Nasser et de l’audacieux Anouar El Sadate, le Raïs répond à son entêtement et à son refus de fléchir sous les aspirations de ses compatriotes. Jadis adulé par les Occidentaux qui voyaient en lui un interlocuteur privilégié au Moyen-Orient en général et dans le monde arabe en particulier, le leader a été surpris en train de perdre ses soutiens devant une fronde jamais connue. Là où les conspirations internes et externes ont échoué, la hargne du peuple a eu raison du géant du Nil, un 11 février 2011. Un mythe s’est écroulé ce jour-là.

Adieu l’indispensabilité, adieu les bras-de-fer inutiles autour de l’appel à la liberté. Refugié depuis à la station balnéaire de Charm-el-Cheick, croupissant sous le poids de la maladie, Hosni Moubarak ne bénéficie pourtant d’aucun répit. La soif de justice prend le pas sur une quelconque indulgence à son égard. Ironie du sort, l’académie de police qui enregistre aujourd’hui la déchéance du Raïs est un autre symbole de sa gloire sur terre. Elle portait, avant sa chute, son nom comme des centaines de rues, de places et de monuments. Le risque d’affrontement sanglant, entre les « Nous t’aimons Président ! » des partisans téméraires et les « Justice ! Justice ! » des victimes inconsolables, a certes conduit à la sage décision de procès à huis clos non retransmis mais Hosni Moubarak a déjà pris une grande dose déshumanisante.

Le poids d’une trentaine année de pouvoir pèse sur sa mémoire, sa conscience, son esprit. Après avoir franchi avec de larges scores, les simulacres d’échéances électorales de 1981, 1987, 1993, 1999, et de 2005 dont le sexennat ne sera pas bouclé le 9 septembre 2011. Les supplications pour accéder à cet anniversaire d’honneur n’ont pas été entendues à la « Place Tahrir » ou « Place de la libération ou de l’indépendance ». Le dernier Pharaon ploie sous la vindicte populaire sans aucune pitié. Le dix-huitième Président de la République arabe d’Egypte semble avoir perdu toute sa réputation d’homme à poigne, emporté dans les flots du Nil tourbillonnant sous les revendications d’un pays débité.

Entre admiration, compassion et vengeance, à 83 ans, le Général mène son dernier combat en puisant dans ses tréfonds les forces inouïes d’un certain héroïsme face à une bataille perdue d’avance. Ingratitude ou volte-face de bon sens, c’est le même système qui se trouve à rendre la vie impossible à celui qui a tissé la toile d’un régime trentenaire dans lequel les uns et les autres ont bâti fortune, prestige et notoriété.

Face aux puissances déflagrations causées par le joug des contradictions politiques et des injustices socio-économiques, les Frères musulmans, les Coptes chrétiens et la jeunesse désemparée ont rangé leurs vielles contradictions pour crier, à l’unisson, leur ras-le-bol. Et quelques semaines de courage ont suffi à faire plier celui qui s’est accroché au pouvoir jusqu’à ce que « honte et humiliation » s’en suivent. Prenant la direction du vent comme d’habitude, les alliés d’hier du Nord ont retourné leur veste. Il est porté à croire que la force de certains chefs d’Etat africains se trouve hors des frontières de leur pays et du continent. Présidents omniprésents et hommes d’Etat aux pieds d’argile, après qu’ils aient été amadoués et poussés à accomplir les sales besognes contre leur nation et leur peuple, ils deviennent inutiles telles des oranges sans jus.

Cette métaphore traduit bien une posture de pantins qui commettent la grave erreur de ne pas bâtir les assises de leur régime avec leur peuple et se complaisent dans les artifices de l’extérieur. Moboutou Sese Séko, Félix Houphouët-Boigny, Jean Bedel Bokassa, Etienne Gnassingbé Eyadema, Zine Abedine Ben Ali, Hosni Moubarak, … en ont payé les frais à des degrés divers. En cas de révolte populaire ou de contestation sérieuse à l’intérieur, ces dirigeants ont vite été lâchés avec un discours bien divergeant. « Il faut que tel ou tel président entende maintenant la voix de son peuple et opère les réformes tant attendues », entend-t-on à Washington, Londres, Paris, Bruxelles, Berlin en cas de pépins. Trois décennies sont en train de s’écrouler avec le procès du Raïs.

Voilà le prix à payer quand on opte pour un modèle de régime « accrochage à la chauve-souris ». Et les anciens compagnons du Parti national démocratique (PND) ne se sont pas donné assez de gêne et de temps pour livrer le maître.
Toute une famille, tout un clan et même tout un système subissent, sous les feux des cameras et des photos, le courroux de tout un peuple avec le rôle de traitrise de d’autres membres. A force de vouloir s’éterniser au pouvoir, une ignominie a pris forme pour les jeter en pâture dans la quête des solutions aux plaies actuelles d’Egypte. De Nelson Mandela, -icône mondiale de la paix et de la sagesse pour avoir passé vingt-sept (27) ans en prison pour une cause noble, mené le combat victorieux contre l’apartheid pour seulement de cinq (5) ans de pouvoir- à Hosni Moubarak qui s’use à la déchéance d’un long règne, l’abîme entre la grandeur d’une âme et la petitesse d’un dirigeant donne à pleurer. « Il faut savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quittent ».

Moubarak se trouve aujourd’hui en solitaire à se voir refuser toute excuse de la part de ses compatriotes et du tribunal. L’homme, jadis le plus puissant d’Egypte et l’un des leaders les plus craints du monde arabe, risque la peine de mort. Parce qu’il n’a jamais pensé se trouver de l’autre côté, abandonné par les siens, oublié des amis d’hier. Et c’est arrivé à force d’user de sourde oreille et d’entêtement. « Cela n’arrive pas qu’aux autres ! ». Les sages moaga n’hésitent pas à accompagner tout homme qui se met à l’ouvrage de cette bénédiction : « Wenna baas oufe bass nèré ». En d’autres termes : « Puisse Dieu faire que tu termines bien ». John Jerry Rawlings, pour ne prendre cet exemple si proche, a certes mal commencé l’exercice du pouvoir au Ghana mais il s’est rattrapé et arpente aujourd’hui sans inquiétude les rues d’Accra, devisant en toute familiarité avec ses compatriotes. Cela donne à réfléchir.

Dorcas Céleste KOIDIMA (dorcas.koidima@yahoo.fr),

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 18 août 2011 à 02:44, par simple En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    C’est comme ça on termine quand on dure au pouvoir. On perd surtout les bons réflexes.Ils sont nombreux ces chefs d’États qui ont atteint leur apogée comme dans un empire Quand la chute commence on peut rien.
    Dommage pour ce président qui était un pion dans le système américain pour la stabilité au proche orient.Quand on est têtu comme une mule ça se termine dans la honte.
    Vraiment dommage

  • Le 18 août 2011 à 09:53 En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    Bonjour,
    C’est tout simplement triste pour la dignité humaine de voir ces images (indépendamment de ce qu’il a fait ou non) mais il rend les comptes qu’il doit à son peuple. Ce qui est tout à fait logique, le peuple te "confie" sa destinée - que tu l’aies prise par la force des urnes, des armes ou de je ne sais quoi - il est donc logique que tu rendes compte. Le président n’est rien d’autre que l’employé du peuple, et il - le président - ne fait qu’employer le peuple pour accomplir la tâche que ce même peuple lui a confié. J’espère tout simplement bien qu’avec très peu d’optimisme que certains sous nos cieux - suivez mon regard - tireront les leçons nécessaires pour garder la dignité humaine et leur dignité s’ils l’ont encore. A bon entendeur, salut !
    Karim

  • Le 18 août 2011 à 12:22 En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    Article de belle facture. Bonne dose d’équilibre.
    Que ceux qui veulent entendre attendent et que ceux qui veulent voir voient.

    A bon entendeur salut.

  • Le 18 août 2011 à 15:43, par Zama En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    Très bonne analyse.Comme quoi, toute chose a une fin.

  • Le 18 août 2011 à 18:34, par Raogo En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    ce dictateur ne saurai etre pris en pitié ! car n’ayant pas lui meme eu de la pitié pour ses freres et soeurs !ainsi parle le seigneur ! aimez vous les uns et les autres !

  • Le 19 août 2011 à 04:53 En réponse à : Leçons d’une déchéance : Le mou d’une baraque honnie

    Pour lui c’st deja gate, mais pour les autres qui ne sont pas encore sur la civiere, qu’ ils sachent que ca n’ arrive pas qu’ aux arabous.

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