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Augmentation des tarifs d’électricité : 240 milliards pour sortir la SONABEL des ténèbres

Publié le mercredi 6 octobre 2004 à 07h56min

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Le 29 septembre dernier, le directeur général de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) a annoncé au cours d’une conférence de presse, la hausse des tarifs d’électricité. Chez des consommateurs cet "ajustement tarifaire" a été mal ressenti. Et pourtant...

Insuffisance et obsolescence du parc de production thermique diesel, la plus grande partie des moyens de production ; une production hydroélectrique insuffisante et fluctuante, en raison des aléas climatiques... Tel pourrait être le diagnostic rapide de la situation physique de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL).

Au plan financier et comptable, un des traits marquants du budget en cours d’exécution à la SONABEL est sans doute des dépenses de fonctionnement. Elles ont été significativement réduites au profit des dépenses en investissements productifs. Et ceci pour tenir compte d’un contexte économique difficile.

Dans une directive datée du 28 avril 2004, le directeur général de la SONABEL, M. Salif Kaboré rappelait d’ailleurs à ces agents que "cette rigueur budgétaire est commandée par le nécessaire effort d’auto-ajustement que nous devons consentir aux côtés des partenaires divers qui nous accompagnent dans la réalisation de nos investissements vitaux. La bonne gestion des ressources financières, plus qu’un choix, est un impératif qui s’impose à nous au moment où notre entreprise amorce une mutation profonde qui appelle de notre part, un changement de comportement".

La SONABEL, une société en construction

La SONABEL est une société d’Etat chargée de la production, de l’importation, du transport et de la distribution de l’énergie électrique au Burkina Faso. Ses activités couvrent 53 centres, dont 6 principaux (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Ouahigouya, Banfora, Dédougou) et 47 dits secondaires. Dans son organisation, la SONABEL compte à l’heure actuelle deux centres régionaux de consommation : le Centre régional de consommation de Ouagadougou (CRCO) et le Centre régional de consommation de Bobo-Dioulasso (CRCB). Chaque centre regroupe un certain nombre d’unités qui sont connectées. Un troisième centre, celui de Ouahigouya, est en voie de construction. Les autres unités sont des systèmes isolés, alimentées par des groupes thermiques à l’exception des unités de Pô et Léo qui sont raccordées au réseau électrique nord-ghanéen.

La demande en énergie électrique, forte pendant les périodes de chaleur et faible le reste du temps, se caractérise par un doublement de la pointe. Le problème du Centre de Bobo-Dioulasso a été résolu grâce à l’interconnexion électrique avec la Côte d’Ivoire depuis avril 2001. Quant au centre de Ouagadougou, il connaît des difficultés d’approvisionnement. Celui-ci est alimenté par deux sources : une production hydroélectrique à partir de deux centrales (Kompienga et Bagré) et une production thermique à partir de quatre centrales diesel.

Depuis 10 ans, dans l’attente d’une solution optimale durable, du côté de la nationale d’électricité, il est fait recours chaque année, à des investissements de court terme pour faire face à la pointe. Ce sont pour l’occasion des actions de réhabilitation, de renforcement, d’achat de groupes d’occasion, etc., qui sont menées. Des solutions ponctuelles, en somme.

En vue de trouver une "solution optimale et durable" au problème d’approvisionnement du Centre de Ouagadougou, une série d’études est engagée depuis 2000, avec l’appui des partenaires au développement. Les alternatives étudiées sont au nombre de trois. Il s’agit tout d’abord de l’interconnexion électrique entre Bobo-Dioulasso déjà interconnectée avec la Côte d’Ivoire et Ouagadougou qui est le centre du CRCO. Cette interconnexion permettrait au CRCO de bénéficier du potentiel électrique ivoirien assez important et relativement moins cher. Ensuite, les études ont préconisé la production thermique locale. Et enfin, l’interconnexion avec le Ghana à travers une ligne électrique entre Bolgatanga au Ghana et Ouagadougou. Une des études a démontré que pour, d’une part couvrir la demande et maintenir de façon durable une sécurité d’alimentation du CRCO avant l’interconnexion Bobo-Dioulasso-Ouagadougou qui était prévue en 2005 et, d’autre part assurer la stabilité de fonctionnement de cette interconnexion une fois réalisée, il était absolument nécessaire d’installer une capacité thermique totale de 40 MW (mégawatt) jusqu’en 2005 dont 30 MW en 2004 et 10MW supplémentaire en 2005.

Un besoin de 240 milliards F CFA

La SONABEL a bâti en fonction des études réalisées, un "programme d’investissement de 2003-2020" d’environ 240 milliards F CFA. Ce programme vise entre autres le développement de la production thermique locale par l’installation d’une puissance totale de 40 MW telle que recommandée, et l’ajout dans le futur d’autres groupes diesel pour faire face à la demande. A ce niveau, un groupe de 7 MW a pu être installé en 2003 grâce à un crédit fournisseur. Un deuxième groupe de 7 MW est en cours d’installation grâce à l’emprunt d’Etat . Des crédits sont en négociations avec la Banque mondiale et les crédits mixtes danois pour l’acquisition et l’installation d’autres unités de production thermique. La SONABEL couvre à l’heure actuelle 21 centres isolés alimentés par de petits groupes diesel dont l’exploitation très coûteuse contribue à saper la situation financière de la société.

L’électrification de nouveaux centres est prévue afin de contribuer à la réalisation de l’objectif du gouvernement qui est d’atteindre un taux d’électrification de 60% en 2015. Le taux actuel d’électrification est de 13%.

La mise en œuvre de ce programme d’investissements a pour conséquence, l’obligation faite à la SONABEL de dégager un autofinancement conséquent.

La société se doit de donner aux bailleurs de fonds des assurances quant à sa capacité à faire face aux remboursements des emprunts qui seront contractés.

Une analyse financière prospective 2003-2020 de la SONABEL a été faite avec le concours financier de l’Agence française de développement.

Au terme de cette étude, cinq principales conclusions ont été tirées. Il s’agit entre autres de l’obligation de hausse des tarifs d’électricité de 28% dès 2004 ; la cessation de paiement rapide pour la société si aucune mesure d’accompagnement n’est prise dans un bref délai dans le cadre de la réalisation des investissements sus évoqués.

L’étude , afin de réduire cette hausse tarifaire obligatoire, d’assurer le niveau requis d’autofinancement des investissements, d’assurer le remboursement de la dette et enfin d’améliorer la trésorerie de la SONABEL, a fait plusieurs recommandations.

A la SONABEL, recommandations ont été faites de procéder à un ajustement tarifaire dès 2004 (15%) sur 3 ans soit 5% par an) ; de réaliser d’importants gains de productivité et réduire significativement ses frais de fonction.

A l’Etat, l’étude recommande d’annuler certaines dettes, de suspendre la distribution des dividendes sur la période 2003-2010 ; de racheter les titres d’Etat (5,2 milliards F CFA) détenus par la SONABEL.

Aux bailleurs de fonds, les recommandations suivantes ont été faites : réduction du niveau d’autofinancement exigé du projet d’interconnexion Bobo-Ouaga (actuellement de 15% au minimum) et l’octroi de prêts à des taux bonifiés (3% à 4%).

Les anciens tarifs datent de 1994. Ils avaient été ajustés suite à la dévaluation du francs CFA. A l’époque, l’Etat avait pris des mesures d’accompagnement consistant pour la SONABEL à une remise de dette (transformée en subvention d’équipement) de 32,10 milliards F CFA.

Cela avait permis de limiter l’ajustement tarifaire qui s’imposait. Ces nouveaux tarifs étaient applicables de 1994 à 1998. Après cette période et selon la planification, un autre ajustement tarifaire devait avoir lieu. Ça n’a pas été le cas. Alors, il s’en est suivi une dégradation croissante de l’équilibre financier de la société.

Aussi, lors des dernières concertations avec les bailleurs de fonds pour le financement de la ligne Bobo-Ouaga, l’augmentation tarifaire significative dès 2004 a été l’une des exigences sine qua non des bailleurs de fonds pour le déblocage des financements. C’est ainsi que la SONABEL a procédé à un ajustement tarifaire qui se traduit par une augmentation moyenne des tarifs d’environ 10%.

La caractéristique principale de cet ajustement tarifaire est que "la hausse ne touche pas la couche des consommateurs dits "sociaux", ceux dont la consommation mensuelle ne dépasse pas 50kwh ainsi que les industriels.

Rabankhi Abou-Bàkr ZIDA (Rabankhi@yahoo.fr)
Sidwaya

P.-S.

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