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SOS Sahel : Philippe Lecomte, directeur général de Schroders France, prend la présidence

Publié le lundi 1er août 2011 à 14h51min

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Dans le petit monde des ONG humanitaires, l’événement est majeur. C’est le retrait de Marc Francioli de la présidence de SOS Sahel. Il en était l’animateur depuis une douzaine d’années et s’était affirmé, à travers ses livres et ses actions, comme un amoureux fou du Sahel. Il y a un an, au lendemain de l’assassinat de Michel Germaneau par AQMI, il s’était révolté contre les déclarations de Nicolas Sarkozy qualifiant la « zone sahélienne » de zone à risque et demandant aux Français de « renoncer définitivement » à y voyager.

Une mise en garde qui, disait-il, va « nuire à l’image du Sahel et pourrait conduire à une réduction des dons que nous recevons ». Il ajoutait : « Il y a certes des poches de non-droit, très dangereuses, notamment dans certaines régions de Mauritanie, du Mali et du Niger. Elles sont tenues par des terroristes islamistes, mais aussi des trafiquants de drogue et d’armes, des rebelles touaregs, des bandits de grands chemins. Mais il ne faut pas confondre ces poches avec le Sahel en général […] C’est comme si, après un attentat à Paris, les Etats-Unis recommandaient de ne plus se rendre en Europe ».

Francioli était alors préoccupé par la montée en puissance de la famine dans la région, particulièrement au Niger où, disait-il, 8 millions de personnes, sur une population d’environ 12 millions d’habitants, sont en état de « malnutrition ou de dénutrition ». Francioli, à 67 ans, vient donc de passer la main.

Il passe la main en un temps où les images de famine et d’enfants dénutris refont la « une » des médias français à la suite du drame que vit, en ce moment, la corne de l’Afrique. Si, en 2005-2006, la famine au Sahel avait été circonscrite à certaines régions du Sahel, la situation que connaît la corne de l’Afrique est beaucoup plus préoccupante compte tenu de l’importance des populations concernées (12 millions de personnes) et de l’insécurité qui règne dans la sous-région et qui rend difficile un traitement humanitaire « local » de la situation, d’où des déplacements de population considérables.

Mais si la situation 2011 dans la corne de l’Afrique ne ressemble pas à celle du Sahel en 2005-2006, il se pourrait bien que cette année 2011 dans la corne de l’Afrique soit la préfiguration de ce qui attend, dans les mois à venir, l’Afrique de l’Ouest. Insécurité alimentaire + insécurité des personnes et des biens = « somalisation » ; autrement dit trafics d’armes, de drogues, d’êtres humains... C’est ce que ne cesse d’expliquer le président du Niger, Mahamadou Issoufou, et c’est ce que n’entend pas la « communauté internationale » (si peu et si mal - quand à l’Union africaine, pour la grande majorité d’entre eux, les « patrons » sont en vacances, alors… !), obnubilée par la liquidation de Mouammar Kadhafi, une démarche qui favorise plus encore qu’au cours des mois passés la déstabilisation de la zone sahélo-saharienne, déjà passablement déglinguée.

Le début de la décennie 1970 avait été marqué - entre autres événements internationaux majeurs (et ils ne manquaient pas !) - par une formidable sécheresse qui avait touché non seulement le Sahel mais, également, la corne de l’Afrique. L’Ethiopie, à elle seule, comptera 200.000 morts dans le Wollo et le Tigré, et le chaos qui régnera alors dans le pays sera une des explications à la chute de l’empereur Hailé Sélassié, le « Négus », en septembre 1974.

Cette sécheresse exceptionnelle, qui avait débuté en 1968 dans le Sahel et avait persisté, pour atteindre un pic, en 1973-1974, provoquant environ 100.000 morts dans la région ouest-africaine, avait interpellé la « communauté internationale ». Le 12 septembre 1973 était créé le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) à Ouagadougou et, à l’initiative de l’OCDE, sera mis en place, en 1976, à Dakar, le Club des Amis du Sahel (par la suite Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest - CSAO). C’est à Dakar encore, à l’appel du président Léopold Sédar Senghor, que sera créé, en novembre 1976, SOS Sahel International, qui ambitionnait de « reverdir le Sahel ». C’était le temps de l’émergence des ONG. Le siège de l’association sera implanté dans la capitale sénégalaise, au « Point E ». Senghor et son premier ministre, Abdou Diouf, vont mobiliser leurs amis autour du projet. Un prêtre : le père Michel Lunardini - figure majeure de l’église catholique en Guinée, sous Ahmed Sékou Touré, puis au Sénégal (il est mort le 6 décembre 2003) - et un général : Henri Mirambeau (qui a été le bras droit du maréchal Leclerc, notamment en Indochine, au lendemain de la Seconde guerre mondiale ; premier président de SOS Sahel, il est mort le 26 juillet 1990) - vont être les acteurs majeurs de cette mobilisation qui aura un comité de patronage prestigieux*.

35 ans plus tard, SOS Sahel a essaimé en Afrique et en Europe. Depuis le 9 juin 2011, l’ONG est présidée par Philippe Lecomte. 44 ans, économiste formé à l’Université de Caen, c’est un financier qui s’est passionné pour l’Afrique via le rallye-raid. Victime, en 2004, d’une péricardite, ce gros mangeur (105 kg à l’époque) et gros fumeur (trois paquets de cigarettes par jour), a failli dégager définitivement en touche. Hospitalisé au CHU de Poissy, tout juste papa, il s’est promis alors de changer de mode de vie. Régime (il perdra 30 kg), sport (avec un coach) et hypnose (pour arrêter de fumer). Puis le « Paris-Dakar » en janvier 2007 pour la première fois (avec Jérôme Hardy). Coup de foudre pour l’Afrique et le Sahel. En 2003, il est promu DG de Schroders France, groupe de gestion d’actifs deux fois centenaire (il gérait, à fin septembre 2010, 210 milliards d’euros d’actifs !), 2.700 collaborateurs dans 25 pays et 32 bureaux dont celui de Paris ouvert en 2001. Parmi les actions de mécénat de ce groupe, désormais : SOS Sahel.

C’est en 2008 que Lecomte va intégrer son conseil d’administration après avoir aidé à lever des fonds pour l’ONG. Trois à quatre fois par an, désormais, il se rend dans le Sahel pour y rencontrer les équipes locales (l’ONG compte environ 300 salariés locaux en activité du Sénégal au Tchad) ; l’intervention est focalisée désormais sur le développement des filières économiques (production, distribution, commercialisation) au profit des agriculteurs locaux.

Un « humanitaire » cède donc la place à un « homme d’affaires » qui sait mobiliser autour de lui des partenaires financiers (Accor, Amaury Sport Organisation, EDF…) et politiques ; et pas seulement des hommes et des femmes de bonne volonté. Autre temps, autres mœurs. Il n’y a que les problèmes qui demeurent ; et notamment celui de l’insécurité alimentaire qui n’est pas lié qu’aux conditions climatiques (aussi difficiles - et dégradées - soit-elles) mais, de plus en plus, aux modes de production mis en œuvre par les hommes. Egoïstement. Un éditorialiste rappelait ce week-end (Le Monde daté du 31 juillet-1er août 2011) que les cultures vivrières avaient été abandonnées en Ethiopie et au Kenya pour « le secteur très dynamique des fleurs coupées » (qui réclame beaucoup de main-d’œuvre et celle-ci n’y est pas chère) destinées aux marchés « occidentaux » !

* Madame Léopold Sédar Senghor, Madame la Maréchale Leclerc de Hautecloque, Gérard Kango Ouédraogo, Jacques Rabemanananjara, Louis Leprince-Ringuet, Théodore Monod, Fatima Traoré, Michel Debatisse, Boubacar Sidibé, Djibril Séné, Monsieur et Madame Andrew Young, Camara Laye, François de Closets, Fatoumara Diallo, Famara Diedhiou, Issa Diop, Alioune Diop, René Dumont, Paul-Marc Henri, Joseph Ki-Zerbo, Jacques Laboureau, la générale André Madre, Bernard Lédéa Ouédraogo, Père Denis Sonet, Père Pierrre Souillac, Haroun Tazieff, Louis Sugier, A. Vanistendael. N’oublions pas Souleymane Ndiaye qui a été le secrétaire général de SOS Sahel International jusqu’en 2000.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 1er août 2011 à 17:59, par bocar En réponse à : SOS Sahel : Philippe Lecomte, directeur général de Schroders France, prend la présidence

    L’AFRIQUE ira toujours de mal en mal.
    Les OGM ont pris les devant. Tout est OGM. 
    Les agents de INERA arrivent à insérer des graines déjà traitées aux paysans. Ce qui fait que les produits comme le haricot, le maïs le sésame et autres changent de gout. Ces produit quant on les consomme frais, une certaines formes de paludisme très violent qui intervient chaque année et les enfants sont les plus touchés : forte fièvre, maux de tête, vomissement et surtout amnésiés. Les meilleures semences, c’est ce que nos grands parents utilisaient. Avec une bonne sélection on peut avoir de bons résultats. Demandez les statistiques au niveau de l’hôpital et vous en rendrez compte de ce que je soulève.
    Je félicite l’ONG SOS SAHEL. Bon vent au nouveau directeur et surtout sachez que les uns construisent et les autres démolissent. Soyez vigilant.

  • Le 1er août 2011 à 23:45 En réponse à : SOS Sahel : Philippe Lecomte, directeur général de Schroders France, prend la présidence

    Mon frere, il faut arreter de divaguer et donner des points de vue sans valeur scientifique, dirai je des preuves.Qu’est ce qui fonde ta declaration sur le paludisme que donnent les nouvelles semences. Pour ce qui est des nouvelles varietes, il faut reconnaitre que les changements climatiques ont engendre un bouleversement dans les saisons pluvieuses. Nous ne recevons plus autant de pluies comme il ya cela des decennies et c’est normal qu’on trouve des varietes de courte duree de reproduction qui s’adapte aux saisons actuelles.

  • Le 20 septembre 2011 à 17:59 En réponse à : SOS Sahel : Philippe Lecomte, directeur général de Schroders France, prend la présidence

    Vous avez raison. ce type est un analphabète. Les américains mangent OGM, mais ils n’ont pas le palu et vivent plus longtemps que nous. Ignorance quand tu nous tiens !

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