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Boubié Bazié dit Agozo, artiste musicien burkinabè : Ce sont les étudiants qui m’ont fait »

Publié le lundi 25 juillet 2011 à 02h43min

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S’il est un homme qui a su transformer la souffrance en force, c’est bien et bel celui dont vous allez prendre connaissance tout à l’heure. Il a la musique dans le sang. Les dures épreuves auxquelles il a fait face ne lui ont pas fait plier l’échine. Stoïque, jovial, bosseur et altruiste, il fait sans nul doute, désormais, partie intégrante des figures sûres du patrimoine culturel du Burkina. Dans un entretien à bâtons rompus, l’homme dont il est question passe en revue sa vie et décline ses ambitions.
Découvrez-le plutôt !

Lefaso.net (L.N) : Pouvez-vous vous présenter à vos lecteurs ?

Bazié Boubié alias Agozo, je suis un Gourounsi de Réo.

L.N : D’où vient alors l’appellation Agozo ?

Agozo : C’est ma grand-mère qui m’a donné le nom. En bon Gourounsi, c’est « gbôzor » qui veut dire ‘’tô couché’’. Quand j’étais enfant, je n’aimais pas le tô chaud. C’est le tô couché que j’aimais. On on appelle ça gbôzor. C’est ainsi que ce nom est resté et avec les amis du Lycée ils ont estimé que ça ne sonnait pas bien. Donc ils ont ajouté le ‘’A’’ en enlevant le ‘’B’’ pour donner Agozo.

L.N : Entre nous, êtes-vous toujours le même Boubié du ‘’tô couché’’ ?

Agozo : Toujours le ‘’tô couché’’. J’aime très bien ça.

L.N : Ah bon, voulez-vous nous suggérer que votre plat préféré reste le tô ?

Agozo : Mon plat préféré c’est le tô avec sauce oseille.

L.N : Parlons de votre album qu’on a découvert avec le titre Atito

Agozo : Atito, c’est aussi le titre de l’album. C’est une inspiration que j’ai tirée de ma souffrance. Aujourd’hui je peux rendre grâce à Dieu pour ce que je suis. Je ne savais pas que j’allais être ce que je suis aujourd’hui. J’ai connu la souffrance. Je suis né dans une famille pauvre où pour avoir à manger était un problème. Ma mère n’avait rien. Elle vendait des beignets. Mon père n’avait rien. Il était cultivateur. Ça n’allait pas. Je me suis jeté dans la coiffure et ça commencé à aller un peu un peu. Donc un jour j’étais assis et j’ai dit : Dieu merci !
C’est pourquoi j’ai chanté ce titre pour non seulement retracer ce chemin mais aussi pour encourager mes frères burkinabè et africains en leur disant d’aller molo molo (prudemment, ndlr). Un jour, ça va aller.

L.N : Votre genre musical, comment peut-on le qualifier ?

Agozo : Je fais du « binon » (rythme gourounsi) mélangé à du zouglou (musique d’origine ivoirienne).

L.N : Quels sont les thèmes que vous y as abordés ?

Agozo : Hormis Atito qui traite de la souffrance, le second titre, c’est ‘’Aimons-nous’’. J’ai remarqué qu’on ne s’aime pas. On ne s’aime même pas. S’il y a de l’amour entre nous, tout baigne : pas de guerre. Si on s’aime, Dieu va nous aider. Si tu aimes ton prochain, il va t’aimer et ainsi de suite…

Le troisième titre, c’est le ‘’Pardon’’. J’ai remarqué également qu’on ne se pardonne pas franchement. Je demande à tout le monde de se pardonner. Ça va aller. Le quatrième titre c’est ‘’Maman’’. C’est un titre dédié à ma maman. Elle a beaucoup souffert pour moi. A l’heure où je vous parle, elle vient de me quitter il y a environ deux (2) mois de cela. C’est pour lui dire merci pour tout ce qu’elle fait pour moi.
Le cinquième titre, c’est un appel que j’ai lancé aux filles. Celles qui quittent l’école pour les trottoirs. Je leur demande d’arrêter de vendre leur corps et de prier Dieu afin qu’il leur donne un mari. Il faut toujours prier et demander à Dieu.

Le sixième titre rend un hommage à nos parents cultivateurs. Ils ont usé toute leur force à cultiver avec des outils rudimentaires, qui épuisent. Actuellement, ils sont fatigués, ils ne peuvent plus rien faire et cela aggrave la misère. Voilà pourquoi j’ai lancé un appel aux autorités de les aider avec des outils modernes tels des charrues, des tracteurs, etc.

Le septième morceau parle de la musique. Au Burkina Faso, on dit que les artistes ne chantent pas bien. Mais ils grouillent, ils font de leur mieux mais malgré tout, ils ne sont pas encouragés. Pourtant, il y a de l’évolution dans la musique burkinabè. Le huitième titre est un remix du titre Atito. A la fin, j’ai dit : Dieu Merci !

L.N : Quels sont les artistes qui vous ont influencé ?

Agozo : C’est principalement le vieux père (aîné, ndlr) Georges Ouédraogo. On peut aussi ajouter certains artistes ivoiriens comme Boni Gnaoré, Jimmy Gnaoré, Ernesto Djédjé.

L.N : Contrairement à ce que pensent nombreux de vos fans, vous n’êtes pas un étudiant. Qu’est-ce qui explique votre encrage dans le milieu estudiantin ?

Agozo : On me prend pour un étudiant parce que ce sont eux qui m’ont fait. C’est grâce à eux que je suis ce que je suis aujourd’hui. Quand j’ai créé le salon de coiffure, ce sont eux qui m’ont aidé et pour finir c’est devenu le coin des étudiants. Ce sont eux qui font que Agozo mangent aujourd’hui. Je dis merci à Dieu et je leur suis reconnaissant.

L.N : Vous gérez donc vos salons et…

Agozo : Je fais tout, parce que j’aime le travail. Je sais d’où je viens. Si j’ai le réflexe de chanter pour encourager mes frères au travail et moi-même je n’en fais pas, c’est que ce que je dis dans mes chansons ne sert pas. Je fais la coiffure, je vends la friperie et je fais la musique. Et je suis également « manager » de tout le monde (enfant, femme, adulte, vieux). Si tu me demandes un service je le fais, parce que j’aime le travail.

L.N : N’allez-vous pas vous mélanger les pédales à la fin ?

Agozo : Non ! Les trois me vont bien. Surtout quand tu sais ce que tu fais, avec l’aide de Dieu tu arrives à ne pas mélanger les pédales.

L.N : Etes-vous épanouis dans la musique ?

Agozo : Oui ! Grâce à la musique j’ai connu de bonnes personnes, tout comme j’en ai rencontré de mauvaises également. Comme dans tout autre milieu d’ailleurs ! Quand j’ai un petit problème, j’ai toujours un frère qui vient à mon secours.

L.N : Comment vous y êtes arrivé ? Par nécessité ou par passion ?

Agozo : J’ai commencé la musique avec Top Vacances Culture à Koudougou avec Junior Kaboré et Eric La Bombe. Chaque année on venait à Ouaga pour la finale. C’était au temps de Désiré Kodjo. Et après je suis allé à Abidjan où j’étais dans un même quartier avec des amis Wôyôsseurs (groupe d’ambiance, ndlr). Chaque soir je partais causer avec eux, je regardais leur manière de taper le djembé (instrument de percussion africain, ndlr), de chanter. Ça m’a captivé et j’ai appris à chanter petit-à-petit. Tout cela ajouté à la souffrance que je vivais en son temps ont contribué à mon arrivée dans la musique. Ce sont donc les deux à la fois. Et je compte y faire une grande carrière.

L.N : Vos projets ?

Agozo : Tant qu’il y a la santé, on se battra toujours pour créer. Par exemple, quand je vois aujourd’hui des enfants qui viennent travailler avec moi et qui y gagnent leur vie, ça me fait beaucoup plaisir. J’ai vu des enfants qui ont quitté Abidjan avec la situation, qui sont arrivés et n’avaient rien à faire comme boulot. Ils ne partaient pas à l’école non plus. Je les ai envoyés chez moi et j’ai ouvert des salons pour eux. Aujourd’hui, Dieu merci, ça va chez eux ; certains se sont payé des motos, d’autres des vélos, etc. Je dis Dieu merci pour cela. Et tant que j’aurais la santé je m’investirai toujours pour aider, dans la mesure du possible, ceux qui sont dans le besoin.

L.N : Une entreprise…

Agozo : Oui ! Entreprise Agozo Coiffure. J’ai appris à coiffer à 45 enfants. Quand tu viens chez moi, tu apprends à coiffer et tu fais les cours du soir en même temps. Ce qui fait que certains parmi eux sont devenus des policiers, des gendarmes, des infirmiers.

L.N : L’inscription au cours du soir est une obligation ?

Agozo : Obligatoire. Même si tu es adulte le soir à partir de 18 heures tu dois suivre les cours. Tu fais ton cours jusqu’à 20 heures ou 22 heures et tu rentres chez toi. Le matin à 7 heures tu es au salon. C’est comme ça. Depuis 1992 je suis dans la coiffure.

L.N : Combien de personnes travaillent avec vous actuellement ?

Agozo : J’ai 3 salons de coiffure à Ouaga et 2 à Koudougou avec un total de 16 personnes. Toutes ces personnes vont à l’école. Certaines sont mariées mais continuent d’aller à l’école. Il y a un qui vient d’avoir son BEPC en cours de soir. On a arrosé ça.

L.N : Quels sont vos rapports avec ceux qui sont passés dans ‘’l’entreprise’’ « Agozo Coiffure » et qui sont aujourd’hui ailleurs (policiers, infirmiers, etc) ?

Agozo : Certains m’appellent ou m’envoient régulièrement des SMS et me remercient. Ils m’envoient même parfois des cadeaux. Pour d’autres, ils ont rompu tout lien. Quand ils viennent à Ouaga (ils travaillent à l’intérieur du pays), ils ne jugent pas nécessaire de retrouver les amis avec lesquels ils ont évolué pour un bonjour. Mais tout cela n’est pas un problème , ce sont des détails. Mon souhait de tous les jours est que Dieu donne la santé à chacun et l’accompagne dans son travail. Le fait que j’aie contribué, que Dieu soit passé par moi pour faire des gens est une grâce pour moi. C’est vraiment une fierté et un bonheur pour moi. Et je dis : Dieu merci !

L.N : Le caractère que vous pouvez détester chez un homme ?

Agozo : Quelqu’un qui n’aime pas son prochain. Par exemple, tu causais bien avec ton voisin, et depuis qu’il a payé sa moto, tu ne causes plus avec lui ! Tu es aigris, tu ne l’aimes plus ! Quelqu’un qui a un tel caractère ne peut pas avancer. Ce n’est pas possible. Je n’aime pas ça du tout. Quelqu’un qui ne veut pas voir son prochain progresser !

L.N : Le caractère qui peut vous enchanter ?

Agozo : Un homme qui aime le travail. Quelqu’un qui prie Dieu. Qui est modeste. Il faut avoir du respect pour son prochain, quel que soit ton statut social.

L.N : Un événement vous a-t-il marqué négativement dans la vie ?

Agozo : Oui ! C’est l’accident mortel de mon père en 1993 au village. Il a été fauché par un camion ‘’10 tonnes’’. Ce jour-là, je partais au marché avec des poulets pour aller vendre. Quand j’ai vu l’accident de loin j’ai crié. Mais je ne savais pas que c’était mon père. Je suis allé voir. Et c’est une fois sur le lieu que je me suis rendu compte que c’était mon père qui venait de nous quitter ainsi. Ça m’a choqué ; ça m’a marqué.

L.N : Votre beau souvenir ?

Agozo : On est né dans la galère, grandi dans la galère. Et Dieu nous a toujours soutenu. De sorte que malgré la souffrance, on n’a pas connu de maladie, pas de prison et en aucun jour, on a dit que les enfants d’Antoine (prénom de son père, ndlr) ont volé ceci ou cela. Ça m’a positivement marqué et j’en suis très heureux.

L.N : La possibilité est donnée à Agozo de rencontrer une personnalité de son choix, du Burkina ou d’ailleurs. Qui auriez-vous choisi de rencontrer et pourquoi ?

Agozo : C’est mon président. Pour lui dire de grouiller pour faire plaisir à nos parents paysans qui sont au village. Dieu seul sait la souffrance qu’ils endurent pour produire. Qu’il les aide à alléger leur souffrance en les dotant de moyens adéquats pour cultiver. Cela va avoir une répercussion positive sur la vie de ceux qui vivent dans les villes également.

L.N : Quand peut-on attendre la sortie de l’album Atito ?

Agozo : Tout dépend du manager maintenant. Tout est prêt et il est en train de mettre les petits plats dans les grands pour la dédicace. Ce devrait être pour le 25 juillet mais ça été légèrement décalé. La date précise sera communiquée dans peu de temps.

L.N : En attendant, quel message avez-vous à lancer à vos fans et à vos lecteurs ?

Agozo : Je prie Dieu qu’il me donne l’inspiration nécessaire pour répondre aux attentes de mes fans et du public burkinabè en général. Je les remercie pour tout ce qu’ils ont fait pour moi depuis que je me suis révélé à eux avec le titre ‘’Atito’’. Je leur dis de rester à nos côtés et de toujours nous encourager. Le fait de dire à quelqu’un, mon frère, ça va aller, du courage, est un grand soutien. C’est très important. Et ils m’ont toujours témoigné cette sympathie.
Dieu merci !

Oumar Ouédraogo pour Lefaso.net

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