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DAKAR-PARIS : Quand Karim Wade infantilise son pays

Publié le vendredi 8 juillet 2011 à 02h18min

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Face aux émeutes qui ont embrasé récemment le Sénégal, Karim Wade a eu l’idée de faire appel à l’armée française pour réprimer les manifestants. Décidément, on aura tout vu avec les velléités de Me Abdoulaye Wade de mettre, par tous les moyens, son fils en orbite pour lui succéder. La requête de Wade fils est restée sans suite, la suite des événements en témoigne. Le porte-parole de la présidence s’est évertué à démentir cet appel au secours. Mais, c’était sans compter avec la sincérité cinglante de Robert Bourgi que Wade fils a appelé pour négocier cette intervention. Celui-là a confirmé qu’il a bel et bien reçu un coup de fil dans ce sens. En effet, ce conseiller officieux de Nicolas Sarkozy pour les affaires africaines, a, avec force détails, dit avoir été sollicité par le fils du président sénégalais en vue de plaider l’intervention des troupes françaises à Dakar la nuit des émeutes.

On imagine le malaise de Karim Wade et du porte-parole, face à cette mise au point du conseiller du président français. Cette information soulève maintes interrogations et observations. Karim Wade a-t-il informé son père avant de passer ce coup de fil ? L’a-t-il fait sur instructions ou de son propre chef ? On ne peut s’empêcher de se demander aussi pourquoi Wade fils s’est tourné vers l’armée française. A-t-il essuyé, au préalable, une fin de non-recevoir de la part de l’armée de son propre pays au point de recourir aux troupes françaises au Sénégal pour faire le « sale boulot » ? En tout cas, cet acte traduit un vrai malaise dans le système en place au pays de Gorgui. Cet appel au secours du fils du président sénégalais laisse percevoir une certaine frilosité, une panique dans son camp.

C’est le genre de comportements révélateurs d’un régime aux abois. Certes, il y a des accords militaires entre le Sénégal et la France. Mais, à supposer que le Sénégal ait vraiment besoin d’un appui militaire de la France, Karim Wade n’est pas, dans l’orthodoxie républicaine, l’autorité compétente pour demander cette aide. Cela est évident du moment où il n’est ni le chef de l’Etat, ni le Premier ministre, ni même le ministre de la Défense. Des choses de ce genre ne peuvent pas se faire dans un Etat de droit souverain. Par cet acte, Wade fils donne la preuve qu’il manque de culture et de maturité politiques solides. Comment a-t-il pu prendre un tel risque de voir l’armée française intervenir pour « mâter » des Sénégalais qui manifestent dans leur propre pays ? A-t-il seulement pensé, un seul instant, aux conséquences désastreuses d’un tel acte pour son pays et surtout pour son avenir politique à lui ?

A-t-il pensé au tollé prévisible de tous les anti-impérialistes et autres souverainistes, tant au Sénégal que sur le continent, que cela aurait provoqué ? Il est vrai que comme le dit, en substance, un dicton, en situation de noyade, on s’accroche à tout, même à un serpent. * Inutile de dire que tout cela est grave et surprenant pour un pays comme le Sénégal, censé être un des Etats africains les plus respectables en termes de démocratie et à cheval sur les principes de souveraineté nationale. Me Abdoulaye Wade n’avait-il d’ailleurs pas demandé le démantèlement des bases militaires françaises dans son pays, symboles forts du néo-colonialisme français ?

En sollicitant une intervention militaire française dans son pays, Wade Junior donne du Sénégal, l’image d’un pays irresponsable, incapable de faire face à ses propres problèmes. En posant cet acte qui s’inscrit en droite ligne des agissements déplorables de la Françafrique, il infantilise son pays. Pour sa part, cette sortie de Robert Bourgi sonne comme un désaveu pour le ministre Karim Wade, mais aussi pour Abdoulaye Wade et son régime. Un ami ne vous jette pas en pâture de la sorte, sauf si, cette amitié bat de l’aile. Le fils du chef de l’Etat sénégalais a visiblement oublié qu’en politique, les intérêts priment sur l’amitié, que les temps ont quelque peu changé, que l’Elysée a maintenant de la peine à soutenir des régimes comme le leur, sans s’attirer les foudres de l’opinion.

Ce comportement de Bourgi tend à confirmer ce qui se murmurait déjà : la France, consciente du rapport de force qui se dessine, se serait rapprochée de l’opposition sénégalaise, au détriment de Wade. Cette ruade de la diplomatie « officieuse » fait écho aux propos tenus dernièrement par Alain Juppé -diplomatie officielle- suite aux émeutes survenues au Sénégal, sur les risques liés à la volonté de Wade de se maintenir au pouvoir à tout prix. C’est un signe qui ne trompe pas. Quand on considère que tout cela se passe à quelques encablures de l’élection présidentielle, ces bévues ont toutes les caractéristiques des signes avant-coureurs d’une fin de règne. Mal négociée comme le fait le pouvoir actuellement en place au Sénégal, cette fin de règne est source de risques énormes. Aux Wade de savoir se ressaisir et d’éviter le pire à eux-mêmes et à leur pays.

« Le Pays »

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Vos commentaires

  • Le 8 juillet 2011 à 04:36, par Etienne En réponse à : DAKAR-PARIS : Quand Karim Wade infantilise son pays

    Les ennemis de l’Afrique, ce sont les Africains ou je dirai ses dirigeants, l’heure est grave.

  • Le 8 juillet 2011 à 18:55 En réponse à : DAKAR-PARIS : Quand Karim Wade infantilise son pays

    Sa réaction à Karim Wade est celle d’un françafricain normal dans une néo-colonie normale qu’est le Sénégal. C’est même la première néo-colonie française en Afrique de l’ouest. Il a eu raison de solliciter l’aide de l’armée française. En Côte d’Ivoire, Ouattara non plus n’a pas hésité à le faire et il est bien au pouvoir grâce à la France. A Ouaga, on est pas non plus à l’abri de telles évolutions, dans la mesure où "les Africains ne sont pas encore rentrés dans l’histoire" comme dirait l’autre nabot.

    • Le 12 juillet 2011 à 12:19, par LDALAB En réponse à : DAKAR-PARIS : Quand Karim Wade infantilise son pays

      Très cher(e) frère/soeur l’attitude de Karim n’a rien de surprenant pour nous autres. L’Afrique francophone obéit aux règles de la françafrique. Entre autres, les grandes décisions concernant notre peuple doivent se prendre depuis les bords de la Seine.Dans cette sphère, les enfants de certains présidents africains sont des "petits neveux ou nièces" des conseillers ministres, conseillers de l’Elyséee ..etc. Alors "Tonton" vient à mon secours, comme requête de Karim, c’est tout à fait normal. Bien sûr avec la bénédiction du père Wade, faut pas leurrer.
      C’est du non-dit. Mais c’est la vérité de la basse cour. Et comme dans l’analyse que vous faites, du fait des intérêts, la France regarde dans la direction qui renflouerait ses caisses. La Politique politicienne : l’art de la ruse et de la mauvaise foi. Du moins applicable sous les tropiques.Voilà la problématique à nous posée. Comment s’en sortir ? Seul le Très-Haut en sait quelque chose. Fraternellement

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