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Pascal Kra Koffi, en charge du « programme présidentiel d’urgence » ivoirien, dans le cadre du BNETD

Publié le lundi 27 juin 2011 à 09h55min

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Philippe Serey-Eiffel étant conseiller spécial auprès du président Alassane D. Ouattara, en charge des « questions économiques » (cf. LDD 0326/Mercredi 22 juin 2011), la direction générale du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) a été confiée à Pascal Kra Koffi. Ce n’est pas une révolution. Kra en était le directeur général adjoint depuis le 1er décembre 2000.

Et c’est un produit totalement « ivoirien » en ce qui concerne les « Grands travaux ». Né le 5 juin 1955 à Alloko Koffikro, en pays Baoulé, à une soixantaine de kilomètres au Sud-Est de Bouaké, Kra a fait ses études dans sa région natale : primaire dans un établissement catholique à M’Bahiakro (au Nord-Est de son village d’origine), puis à Bouaké et, enfin, à Yamoussoukro, au sein de l’Ecole nationale supérieure des travaux publics (ENSTP) dont il sortira ingénieur en juin 1981 après de multiples stages principalement au sein de l’Entreprise Jean Lefebvre. Son mémoire de fin d’études avait pour titre : « Evolution des déplacements liés à l’emploi dans l’agglomération d’Abidjan ». Il va rejoindre alors le Bureau central d’études techniques (BCET) tout en poursuivant, à l’Université nationale de Côte d’Ivoire, une formation en sciences économiques sanctionnée par une licence (1986), une maîtrise en économie publique (1987) et un DEA en développement et commerce international (1989). Dans le même temps, de 1984 à 1987, il sera recruté par le ministère de la Construction et de l’Urbanisme où il sera en charge notamment des questions liées à l’habitat.

En 1987, il entre à la DCGTX où officient Antoine Cesareo et Philippe Serey-Eiffel, respectivement directeur général et directeur général adjoint. Il y vivra le passage de témoin, en 1989, entre Cesareo et Serey-Eiffel, puis, au lendemain de l’accession au pouvoir de Henri Konan Bédié, l’arrivée à la direction générale, le 20 avril 1994, de Tidjane Thiam, premier DG « ivoirien » de l’entreprise. Le 14 septembre 1994, la DCGTX devient une société d’Etat puis changera de dénomination, en 1996, pour devenir le BNETD. « Concevoir, superviser, conseiller », en Côte d’Ivoire comme à l’étranger, telle est sa devise. La Côte d’Ivoire ambitionne alors de devenir « l’éléphant d’Afrique » à l’instar des « dragons » asiatiques. Bédié affirme qu’il n’y a pas de restructuration économique sans grands travaux. Il va définir 11 « grands projets » dans une perspective « libérale » : partenariat avec des sociétés privées et… « péage » pour les ponts, les autoroutes, les voies express…

Kra va travailler au sein du BNETD jusqu’en septembre 1998. Il rejoint alors le ministère de la Planification et de la Programmation du développement en tant que directeur des affaires administratives et financières. Un changement de carrière qui n’étonne pas : son ministre s’appelle… Tidjane Thiam ; il est entré dans le gouvernement à l’occasion du remaniement ministériel du 10 août 1998. C’est à ce poste que Kra va vivre la chute de Bédié, l’accession au pouvoir du général Robert Gueï et l’élection « calamiteuse » de Laurent Gbagbo. Sous Gbagbo, le patron de Kra ne sera autre que Affi N’Guessan, Premier ministre et ministre de la Planification et du Développement ; un voisin, N’Guessan est né à Bouadikro !

Ayant accédé au pouvoir, Gbagbo va aussitôt changer les têtes à la BNETD. Après Cesareo, Serey-Eiffel et Thiam, c’était Antoine Adou, un ingénieur des travaux publics, qui avait assuré la direction générale de la BNETD ; il en était auparavant secrétaire général. C’était un technicien ; pas un politique. Il cédera la place, en novembre 2000, à Ahoua Don Mello, ingénieur de l’ENSTP de Yamoussoukro (en 1982, une année après Kra), titulaire d’un DEA en génie mécanique de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de Paris (en 1983) puis d’un doctorat. A noter que Don Mello est originaire de la même région que Kra et N’Guessan : il est né le 23 juin 1958 à Bongouanou. Enseignant et chercheur, membre du Conseil économique et social (1998), militant du FPI au sein de sa tendance la plus radicale, il dirigeait la cellule de conception et de suivi de la technopole de Yamoussoukro avant de prendre en charge le BNETD. Il voudra en faire l’outil de la « refondation économique, sociale et culturelle de la Côte d’Ivoire ».

Kra revient au BNETD dans le sillage de Don Mello, au poste de directeur général adjoint. Les deux hommes vont s’atteler à relancer les activités d’un bureau d’études fragilisé par la crise au tournant du siècle. Avec plus d’un millier de salariés, ingénieurs, experts, économistes, architectes, urbanistes, topographes, informaticiens…, le BNETD entendait être un centre d’expertise technique et technologique qui « enrichit la réflexion stratégique de l’Etat ivoirien, soutient les réformes structurelles, garantit l’optimisation des investissements publics depuis les études jusqu’au contrôle technique des travaux ». A compter de 2004, le bureau va s’implanter également à l’étranger : Bénin, Centrafrique, Congo, Guinée et Guinée équatoriale, Sénégal, Togo et même la France, le bureau ayant « vocation à s’imposer sur les marchés européens ». Don Mello, dans le même temps, va se faire le chantre de la politique du chef de l’Etat, le BNETD ayant pour mission, dira-t-il, de « traduire les idées du chef de l’Etat en réalisations concrètes ». « Si l’opposition ivoirienne de la deuxième République avait eu la même sagesse que celle de la premier République, la Côte d’Ivoire n’aurait pas perdu 7 ans et serait aux portes de la « Terre promise » : le socialisme démocratique avec pour corollaire le plein emploi ».

Changement de programme. Ni Bédié ni Gbagbo n’ont tenu leurs promesses. « L’éléphant d’Afrique » avait des allures de vache folle et le « socialisme démocratique » n’a jamais été une « Terre promise » mais l’enfer assuré pour les Ivoiriens. Le samedi 26 mars 2011, quatre mois après son élection mais alors qu’il était toujours confiné à l’hôtel du Golf, Ouattara va lancer son « programme présidentiel d’urgence ». Il annoncera la mise en place d’un fonds de 45 milliards de francs CFA pour résoudre les problèmes prioritaires : eau ; électricité ; santé ; éducation ; salubrité. Gbagbo enfin déguerpi, il va nommer Pascal Kra Koffi à la direction générale du BNETD. C’est Paul Koffi Koffi, le directeur de cabinet du premier ministre (et, par ailleurs, administrateur du BNETD), qui va l’installer dans ses fonctions début mai 2011. Kra va aussitôt s’atteler à la tâche : le 27 mai, il réunira ses cadres, à Grand Bassam, dans un atelier de réflexion, afin d’identifier les projets prioritaires et les voies et moyens de les réaliser. Le BNETD va devoir faire la preuve qu’il peut être, aussi, une structure opérationnelle sur le terrain.

Nous sommes bien loin des « Grands projets » de la « Grande Côte d’Ivoire ». Ally Coulibaly, ambassadeur à Paris et conseiller diplomatique du président Ouattara, lors d’une rencontre avec les opérateurs économiques français en Afrique membres du CIAN, a récemment établi la ligne à suivre : « Notre pays, a-t-il déclaré, doit être à la pointe de la renaissance de l’Afrique. La Côte d’Ivoire en a les moyens. Elle dispose d’atouts considérables : des richesses naturelles et des ressources humaines compétentes ». Les « ressources humaines » c’est, justement, le domaine du BNETD. Dont on parle toujours très peu et qui, pourtant, a toujours été, sous Houphouët, Bédié, Gbagbo et Ouattara une entreprise à laquelle le pouvoir a accordé toute son attention. Sans doute parce que le BNETD était porteur de rêves de croissance, de développement et de gloire architecturale. Gbagbo disait que c’était son « ambassadeur technique ». Le voilà reconverti en médecin urgentiste… !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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