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SENEGAL : Le peuple reprend en main sa démocratie

Publié le lundi 27 juin 2011 à 01h52min

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Le peuple sénégalais s’est largement approprié le principe constitutionnel qui veut qu’il exerce lui-même sa souveraineté lorsque les représentants à qui il a délégué son pouvoir ne font plus sa volonté. Devant l’entêtement de leur président à faire adopter un projet de ticket présidentiel malgré le rejet d’une telle proposition par les partis de l’opposition et la société civile, les populations sénégalaises n’ont pas hésité à affronter les forces de l’ordre pour manifester leur mécontentement. C’est donc au prix de leur courage que les Sénégalais ont réussi à faire fléchir, pour l’une des rares fois, Abdoulaye Wade qui croyait avoir trouvé dans cette stratégie une occasion de faire passer une réforme non consensuelle. Dans sa démarche, le chef de l’Etat sénégalais semblait avoir sous-estimé la maturité et la détermination politiques des forces sociales de son pays.

A moins que sa mémoire lui joue quelques mauvais tours, il doit tout de même se rappeler la force de caractère et l’engagement de ses alliés d’hier, aux temps forts de son opposition aux précédents régimes. Si les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, les gouvernants doivent également se rendre à l’évidence qu’ils feront face à des concitoyens dont l’attitude à leur égard dépendra du traitement à eux infligé. Un président qui tente de fouler aux pieds les principes du bon sens et de passer outre les règles du jeu démocratique, pourra donc voir ses partisans devenir ses contempteurs et ses pacifiques adversaires se muer en farouches manifestants. Après avoir tenté en vain de protester par des déclarations contre le projet de succession dynastique nourri par le président sénégalais, les forces politiques et sociales n’avaient d’autre choix que d’emprunter la voie qui produit le plus de résultat.

La résistance dont celles-ci ont fait montre sonne comme un avertissement envoyé au pouvoir de Dakar, dont le leader, malgré sa décennie de règne et son âge très avancé, entend briguer un autre mandat contre vents et marées. Ragaillardis par leur victoire, à savoir le retrait du projet de ticket présidentiel, les manifestants du 23 juin dernier rendront sans doute la tâche dure à Gorgui. Ceux-ci ont, du reste, déjà annoncé les couleurs en créant le « mouvement du 23 juin ». Les opposants à toute initiative visant à favoriser une prochaine candidature de Me Wade ou la dévolution du pouvoir par celui-ci à son fils, prouvent ainsi qu’ils sont prêts à aller plus loin.

Ils sont plus que jamais déterminés à ne plus s’en laisser conter par le régime d’un ancien opposant dont l’accession au pouvoir d’Etat avait pourtant suscité bien des espoirs notamment au sein de la jeunesse. Après avoir attendu en vain, dix années durant, plus d’emplois, plus de paix en Casamance, plus de liberté d’expression, de choix et d’opinion, et plus d’avancées politiques, le peuple sénégalais est en train de reprendre en main sa démocratie. Et ses chances de parvenir à se façonner un destin en phase avec ses aspirations sont d’autant plus grandes que l’une de ses caractéristiques principales est sa maturité et sa conscience politiques assez élevées. Tout le mal que l’on peut souhaiter à une nation, comme le Sénégal, autrefois cité comme un exemple de démocratie à imiter dans la sous-région ouest-africaine, c’est qu’elle se remette le plus vite possible de ses régressions politiques.

L’actuel président du pays de Léopold Sédar Senghor a d’ailleurs contribué, par ses prises de position courageuses en tant qu’opposant, à construire cette belle image que l’on avait de son pays. Son aura sera à l’image de celui de l’Etat qu’il est chargé de gérer, si bien qu’il n’ait aucun intérêt à ramer à contre-courant de l’évolution mondiale dans laquelle s’est engagé le Sénégal. Il devra se montrer brave en reconnaissant qu’il a joué et perdu en entreprenant des projets antidémocratiques. Le chef de l’Etat sénégalais doit refermer au plus vite la boîte de Pandore qu’il a ouverte en tirant leçon des mouvements mondiaux de colère dont ceux du « printemps arabe » qui ont emporté des régimes qui se croyaient indéboulonnable.

On le sait fin, rusé, capable de rebondir en essayant de passer par d’autres moyens comme la voie référendaire pour réaliser ses desseins inavoués. La fraude aidant, il pourrait ainsi s’assurer de pouvoir légaliser son projet. Toutefois, la sagesse dont il doit éviter d’être dépourvu à son âge, commande qu’il évite de commettre la faute de trop qui pourrait le conduire vers une fin indigne de son rang et de sa personnalité. C’est seulement en renonçant définitivement à son projet de dévolution du pouvoir à son fils Karim Wade et en déclarant solennellement qu’il ne se représentera pas à la présidentielle de février 2012, que le président Wade redorera son blason et évitera de se tirer une fois de plus une balle dans le pied. L’on peut déjà saluer à sa juste valeur sa prompte réaction qui a évité à son pays une grande instabilité.

Au cas où certains députés du parti au pouvoir auraient vraiment exprimé leur désaccord vis-à-vis des ambitions du président de la république sénégalaise, ce dernier doit savoir interpréter objectivement ces signes qui sont loin d’être anodins.

"Le Pays"

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