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Elevage en Afrique : Niamey promet de verts pâturages

Publié le mercredi 22 juin 2011 à 03h06min

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Du lundi 13 au samedi 18 juin derniers, l’Association de promotion de l’élevage en savane et au Sahel (APESS) a tenu son assemblée générale à Niamey, dans la capitale nigérienne. 21e du genre, cette rencontre générale a réuni un beau monde, venu de onze (11) pays de l’Afrique de l’Ouest et Centrale que sont : le Burkina, le Bénin, le Tchad, le Sénégal, le Niger, le Mali, le Nigeria, le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée-Bissau, la Gambie qui sont des zones d’intervention de cette association. Les participants ont, cinq jours durant, planché sur la problématique de l’avenir des familles d’éleveurs, les perspectives, l’espoir que cela peut susciter et les responsabilités qui incombent aux acteurs de la filière bétail, viande. Bref, dans la salle de spectacles Diado Sékou, à une encablure de l’Assemblée nationale à Niamey, de fécondes idées sur l’avenir de l’élevage dans notre zone ont été développées et seront sans aucun doute mises en œuvre par le docteur Ibrahima Aliou, le secrétaire général d’PESS et son équipe. Pour le bien-être de tous. Nous y étions. Compte rendu.

Pour la petite histoire, disons que l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane – APESS – a été portée sur les fonts baptismaux en 1989 et ce, après plusieurs années de recherche-action dans le monde des éleveurs.

L’APESS qui reste sans aucun doute la plus grande organisation d’éleveurs d’Afrique occidentale et centrale de par sa dimension et l’espace qu’elle couvre, est présente sur toute la bande sahélo-soudanienne de la Mauritanie au Tchad en passant par plusieurs autres pays à façade maritime. Active dans 14 pays et comptant environ 30 000 membres, l’action de l’APESS rayonne directement sur plus de 60 000 familles du mode des éleveurs.

C’est de notoriété publique que l’élevage au Sahel a vécu ces dernières décennies les pires difficultés, mais aussi des évolutions non négligeables et ce, à cause de longues sécheresses répétées et de la croissance exponentielle de la population.

C’est pour cela que l’APESS qui, de par ses propositions sur l’amélioration de l’alimentation des animaux en saison sèche pour rendre continue la production animale, de par l’aménagement des terroirs et zones d’élevage des éleveurs eux-mêmes, de par la sélection de bons géniteurs et de femelles laitières, de par l’alphabétisation, la formation, la valorisation des connaissances traditionnelles en élevage et l’organisation des éleveurs, ainsi que de par ses conseils avisés et sa présence dans la proximité des communautés d’éleveurs, a de manière notable contribué à booster l’environnement de l’élevage dans ladite zone.

Cela était d’autant plus nécessaire que l’apport dudit secteur à la production alimentaire nationale des trois principaux pays d’élevage en Afrique de l’Ouest se voulait non négligeable et était de l’ordre de 49% pour le Mali, 44% pour le Burkina et de 28% en ce qui concerne le Niger. Outre l’apport inestimable des animaux en fertilisation et en conservation des sols, l’élevage offre également des alternatives concrètes en matière de mécanisation agricole par le biais de la traction animale.

Par ailleurs, la production laitière et l’apport en viande représentent une plus value pour la famille de l’éleveur. Tout cela a été affirmé par les différents intervenants à la rencontre de Niamey. Mieux, sur le plan de l’économie familiale, la croissance naturelle du troupeau et l’acquisition d’autres animaux au titre de l’épargne constitue un indispensable facteur à la stabilisation du budget du foyer de l’éleveur.

C’est dire que de par sa place dans la transformation et la commercialisation du lait, l’élevage assure une intégration économique des femmes au sein des sociétés rurales. C’est pour cela que l’APESS œuvre pour la rénovation de l’activité de l’élevage traditionnel et pour une meilleure implication des éleveurs dans le développement économique, social et politique de sa zone d’intervention. Et pour atteindre de tels objectifs, à Niamey, la capitale nigérienne, il a été réaffirmé de poursuivre, voire d’intensifier ce qui suit :

- promouvoir les initiatives des éleveurs et groupes d’éleveurs permettant une meilleure maîtrise de l’alimentation de leurs animaux,

- diffuser des méthodes et techniques de production favorisant l’augmentation de la production et de la productivité des animaux et de l’espace pastoral,

- rechercher une meilleure valorisation des produits et sous-produits de l’élevage,

- renforcer les capacités des éleveurs à travers l’information, l’alphabétisation, l’éducation et la formation,

- appuyer l’organisation et la structuration du monde des éleveurs,

- promouvoir et valoriser le patrimoine culturel du monde pastoral.


A l’issue des cinq jours de travaux, et pour en savoir davantage sur cette association, nous nous sommes entretenu avec trois responsables du monde de l’élevage. Il s’agit du Camerounais Hamadou Ousman qui est le coordonnateur pour l’APESS de la zone Afrique centrale dont le siège est à Garoua au Cameroun, du docteur Ibrahima Aliou qui est le secrétaire général de l’APESS, dont le siège est à Ouagadougou, et de Mamadou Boly, le responsable de l’ONG Andal et Pinal dont le siège est à Korsimoro au Burkina.

- 1- Hamadou Ousman

Nous intervenons dans quatre pays qui sont : le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique. Au niveau de notre zone, nous avons démarré nos activités en 1996 et aujourd’hui, nous avons plus de 18 000 membres qui travaillent directement avec nous. Le Centre régional de l’APESS basé à Garoua est l’une des rares structures qui travaille avec les éleveurs traditionnels et on y trouve facilement des centres de formation pour de jeunes agriculteurs et pour d’autres types de filières. Avec cette formation, les éleveurs arrivent à apprécier l’évolution du monde et de mieux adapter leur système de vie aux contingences de l’heure.

Comment trouvez-vous cette AG de l’APESS ?

Je suis extrêmement satisfait de cette assemblée générale.

Disons que c’est la première fois qu’on délocalise l’Assemblée générale, ce qui est une suite logique des résolutions adoptées lors de la dernière AG tenue à Ouagadougou qui veut que ces rencontres soient tournantes, tous les deux ans. Vous savez que depuis, l’APESS a engagé une réflexion pour faire l’état des lieux de la situation des éleveurs de manière à adopter une nouvelle vision et de nouvelles orientations que nous devons définir, et voir les défis que nous devons relever. C’est pour cela que depuis, nous avons organisé des réunions par pôle, c’est-à-dire une à Fada pour les éleveurs du pôle Centre-Ouest, une autre à Thiès au Sénégal pour les éleveurs de l’Ouest et à Garoua au Cameroun pour les éleveurs de Centre. C’est de tout cela que nous avons débattu au cours de cette AG.

C’est dire que vous êtes comblé à l’issue de cette rencontre ?

Absolument, parce que tous ceux qui sont présents à Niamey ont eu déjà à réfléchir sur le sujet et y ont formulé un certain nombre de recommandations. Ce sont ces résultats qui ont été mis en débat en plénière et en groupe. Tout s’est bien passé et nous nous en félicitons.

Est-ce à dire que l’avenir des éleveurs peut être désormais envisagé avec plus de sérénité ?

Comme le dit une des affiches de l’AG, il y a espoir, seulement, nous ne devons pas adopter une position fataliste pour peu que les éleveurs acceptent de s’asseoir pour réfléchir. Une nouvelle voie est possible.

- 2 - Ibrahim Aliou, secrétaire général de l’APESS

L’objet de cette AG, c’était de nous accorder sur les orientations stratégiques de l’APESS. C’est dans ce sens que nous avons travaillé parce que nous voulons aboutir à un document d’orientation stratégique. Comme il a été dit avant, nous avons organisé trois ateliers pour avoir la vision d’élevage des éleveurs et leurs responsabilités. C’est ce travail qui est rendu ici à Niamey et nous devons adopter une vision claire et unique pour l’APESS ; nous avons déjà commencé par une analyse de la situation telle que décrite par les différents ateliers. La première chose, c’est que les changements sont généraux. L’élevage ne se pratique plus comme de par le passé ; il a changé. Cette analyse de la situation a été discutée ici à Niamey et après, nous avons fait des projections sur l’avenir pour voir ce qu’il faut ?

Quel type de solution faut-il y trouver et quelles en sont les orientations ?

Nous avons d’abord discuté d’une vision d’élevage qui est l’élevage familial. Dans ce cadre, nous avons parlé de l’élevage familial, d’une famille d’éleveurs et d’une famille moderne, d’une famille de vie, sur le combat à mener sur l’avenir et comment mener la réflexion au niveau des éleveurs et quel type de vie pour soutenir tout cela. Après, nous avons travaillé en groupe sur l’ensemble des défis à réaliser. Au résultat, nous avons abouti à des axes d’orientations qui sont au nombre de quatre :

- Transformation de l’élevage

- L’influence des éleveurs pour défendre leurs intérêts ?

- Comment impliquer les jeunes et les femmes dans la conception et la réalisation ?

- Type d’école et quelle capacité des éleveurs ?

Quelle ambiance a prévalu au cours de cette AG ?

Ce fut une très bonne ambiance, très conviviale.

Peut-on dire qu’à l’issue de cette AG, l’avenir de l’éleveur sera mieux garanti ?

C’est ce que nous souhaitons. On ne peut pas travailler si on ne sait pas où on veut aller. L’APESS a une nouvelle feuille de route et notre succès dépend de l’engagement de tout un chacun dans cette mise en œuvre.

Ce programme va demander des moyens financiers conséquents. Le financement est-il déjà acquis ?

Non, le financement n’est pas acquis et avant d’aller voir les partenaires, il faut avoir quelque chose à présenter. Nous devons concevoir un document d’orientation stratégique sur la base duquel nous allons élaborer un premier plan d’action quinquennal et nous allons nous adresser aux partenaires.

Qui sont vos partenaires ?

Nous avons la Coopération Suisse qui a soutenu l’APESS depuis sa création et que je remercie au passage. Nous avons également SOS FAIM Luxembourg.

Pour finir, disons que nous sommes en train d’élaborer un programme sur l’alphabétisation transfrontalière entre le Burkina et le Bénin sur l’espace de transhumance. Ce programme est déjà élaboré et sera exécuté par l’APESS, les ONG Andal et Pinal du Burkina et Potal Men qui est basé au Bénin.

- 3 - Mamadou Boly de Andal et Pinal

Ce fut une très belle rencontre et nous avons bien travaillé pour l’orientation stratégique de l’APESS. Nous envisageons de mettre un programme transfrontalier d’alphabétisation des éleveurs entre le Bénin et le Burkina. C’est un programme sous-régional. Nous allons donner à tout un chacun une alphabétisation spécifique. De nos jours, le travail d’éleveur doit s’actualiser et on doit évoluer avec le temps. Il ne faut plus prôner un pastoralisme pur et dur.

Boureima Diallo

Ouagadougou /Niamey /Ouagadougou


Nous vous proposons les conclusions de la 21e assemblée générale de l’APESS

1) L’AG confirme l’orientation de l’APESS pour la promotion d’un élevage familial moderne de vie à travers le renforcement de nos exploitations familiales et la défense d’un projet de société orienté vers la recherche du bien-être pour tous et le respect des valeurs, et non la seule recherche du profit. C’est cette orientation qui doit guider le choix de ses actions.

2) L’AG réaffirme que pour défendre les intérêts des éleveurs dans le cadre de cette vision, développer chez ses membres les capacités qui leur permettent de la réaliser, et prendre appui sur leurs valeurs et leur culture, l’APESS doit renforcer son caractère d’association internationale d’éleveurs, dirigée par les éleveurs eux-mêmes et dans laquelle chacun, membre, élus et techniciens, prenne des responsabilités précises et les assume. Elle rappelle que les membres d’APESS sont des éleveurs qui ont fait des choix et ont opté pour changer leur élevage dans la direction voulue par eux, mais que cela n’empêche pas des éleveurs qui adhèrent à d’autres associations d’adhérer à APESS s’ils partagent ces options.

3) Elle a retenu 4 voies pour relever les défis qui permettront de réaliser sa vision :

- Pour promouvoir un élevage familial de vie, l’Organisation des éleveurs doit se donner les moyens de promouvoir chez ses membres et autour d’eux la transformation de l’élevage et de stimuler l’innovation

- Pour améliorer les rapports sociaux, l’organisation doit se donner les moyens d’aider les éleveurs d’une part à faire progresser leur propre société en coopérant entre eux et en renforçant les bases familiales de leurs exploitations, d’autre part à améliorer leur positionnement dans la société globale en coopérant avec les autres acteurs.

- Pour faire avancer la réalisation de la vision de l’APESS, l’organisation doit se donner les moyens de porter la parole des éleveurs et de défendre leurs intérêts

- Pour développer chez ses membres et leurs enfants les capacités nécessaires à la mise en œuvre de cette vision, l’organisation doit se donner les moyens de renforcer la capacité et l’autonomie de réflexion des éleveurs et de leurs enfants, et d’œuvrer à l’avènement d’une "nouvelle école des éleveurs".

En conséquence, l’AG 2011 recommande :

4) Que les résultats de la réflexion conduite au cours de cette assemblée soient largement partagés par ses participants au sein de leurs propres familles, dans leurs zones APESS et dans leurs localités pour que la réflexion se poursuive et s’enrichisse.

5) Qu’un document d’orientation stratégique (DOS) soit rapidement rédigé pour exploiter cette réflexion.

Il réaffirmera l’identité propre d’APESS et constituera le guide à partir duquel seront conçus et réalisés les différents plans d’action et programmes de l’APESS.

6) Que sans attendre la mise en œuvre de ces programmes, les membres d’APESS :

a) se sédentarisent pour mieux conduire leur élevage familial moderne de vie ;

b) scolarisent leurs enfants pour augmenter leurs chances de promotion ;

c) renforcent la concertation entre tous les membres de leurs familles et impliquent pleinement leurs épouses dans les décisions pour améliorer la cohésion familiale ;

d) participent à la vie citoyenne et s’impliquent dans les instances de décision politiques et les cadres de développement locaux pour y faire entendre la voix des éleveurs.

7) Que des mesures soient prises pour faciliter les concertations entre les membres du CA de façon à leur permettre de prendre leurs responsabilités dans les décisions qui concernent la vie de l’association.

Niamey, le 18 juin 2011

L’Observateur Paalga

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