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M. Jean Miot : "Les NTIC peuvent être un second souffle pour les journaux écrits si ..."

Publié le vendredi 1er octobre 2004 à 06h19min

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M. Jean Miot est bien connu du paysage de la presse écrite. Chroniqueur au Figaro, l’ancien président de l’Agence France-Presse (AFP) est aussi président de nombreuses associations et fédérations françaises ou internationales.

Présent à Ouagadougou dans le cadre des premières Universités africaines de la communication (UACO), il a parlé de son expérience de journaliste, de sa foi en la presse écrite, de la presse burkinabè, des NTIC...

Sidwaya (S) : Vous êtes membre d’une association dénommée "Compagnons de Guttemberg." De quoi s’agit-il ?

Jean Miot (J.M) : Parallèlement à mes activités au Figaro, j’ai été président de la Fédération nationale de la Presse française, président de la presse parisienne et d’un certain nombre d’organismes professionnels. Je préside effectivement une association qui s’appelle les Compagnons de Guttemberg et qui réunit comme son nom l’indique des imprimeurs, des écrivains, des journalistes. C’est une association qui a d’ailleurs été créée par un grand écrivain, Robert Sabatier et qui a ensuite été présidée par Louis Powells, par Philippe Dechantres et qui a un but plus ou moins proche de celle de l’Alliance française. Il s’agit de la défense de la langue française. Notre devise est celle du poète Joachim Du Bellay : défense et illustration de la langue française. J’ai en projet de faire du Burkina le centre d’une association Guttemberg qui pourrait regrouper un certain nombre de pays africains également, comme ce que nous avons créé en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Pologne, en Belgique, au Luxembourg, au Canada, au Brésil. Je souhaite pouvoir réunir ici à Ouagadougou des journalistes, des écrivains, bref tout ce qui se rapporte à l’écrit. Ma passion, c’est l’écrit.

S. : A quand remonte la création de l’Association des compagnons de Guttemberg ?

J.M : L’ordre de Guttemberg a été créé, il y a 25 ans exactement et nous venons de fêter notre XXVe anniversaire. Nous avons déjà des représentants sur trois continents et nous souhaitons en avoir sur le continent africain comme je vous l’ai déjà dit.

S. : Avez-vous des objectifs autres que la défense de la langue française ?

J.M : Absolument. Nous aidons la presse francophone. C’est ainsi qu’au Brésil, le seul et unique journal français de l’Amérique du Sud qui s’appelle "Le franc parler," est un petit hebdomadaire que nous soutenons. Dans nos activités nous proposons aussi d’aider nos confrères francophones en proposant notamment des stages. Nous avons avec nous non seulement des imprimeurs, mais aussi tout ce qui se rapporte à l’imprimerie, c’est-à-dire les fabricants de rotatives, les fabricants d’encre, de matériel d’imprimerie...

S. : Vous êtes journaliste, vous aviez travaillé dans plusieurs domaines qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui vous avez foi en la presse écrite ?

J.M : Moi je crois fermement à l’écrit d’abord parce que j’estime que l’écrit est absolument indispensable. La télévision, la radio, ça ne suffit pas pour informer. Un journal télévisé de 20 mn représente tout au plus une page de lecture d’un quotidien. Quand on veut avoir des commentaires, des analyses, il n’y a que le journal, l’écrit qui peut vous apporter cela. La télévision, la radio, ça donne l’information immédiate. Il n’y a pas de recul. Il peut y avoir bien sûr des émissions sérieuses avec des analyses approfondies, mais la réflexion, l’analyse, c’est dans le journal. L’information sur écran, bien sûr, c’est de l’écrit. Mais tout le monde n’a pas accès à l’écran. Il y a ensuite que la presse écrite est un outil essentiel de la démocratie. Imaginez un pays sans journaux. L’information ne circulerait qu’à la télévision et sur les radios. Ceux qui auront les moyens demanderont les informations sur leur écran d’ordinateur. A ce moment-là, il y aurait deux catégories de citoyens : ceux qui auraient accès à l’information en direct et ceux qui en seraient privés, ceux qui n’auraient pas les moyens de s’informer. Le grand écrivain Albert Camus disait ceci : "La presse, c’est la conscience d’une nation." Je crois effectivement que c’est à travers des journaux, à travers les écrans que la culture d’une nation se reconnaît. J’en veux pour preuve que quand les dictateurs prennent le pouvoir, la première liberté qu’ils étranglent, c’est la liberté de la presse. Et à partir de là, ils peuvent étouffer toutes les autres libertés dans le silence.

S. : Malgré tout, est-ce que les NTIC ne constituent pas une menace pour les journaux ?

J.M : Les NTIC pour nos journaux sont au contraire une chance, un "second souffle" mais cela vaut à la condition de ne pas se contenter de reproduire sur l’écran, le contenu du journal. Il faut que ce soit complémentaire. A ce moment, les NTIC sont un supplément, un complément du journal. Le danger existe et on s’en est aperçu en France, c’est que tous les journaux maintenant ont un site web, et il y a un certain nombre de gens qui se contentent de lire le journal sur leur écran. Par conséquent, ils ne l’achètent pas. C’est là tout de même un danger. Mais je crois que tout va s’arranger.

S. : Vous êtes actuellement à Ouagadougou dans le cadre des premières UACO. Comment jugez-vous cette initiative et qu’en est-il de la qualité des travaux ?

J.M : Je suis très heureux d’être dans ce pays que je découvre pour la 1re fois. Heureux parce que c’est un pays où la liberté de presse est fondamentale. Ce n’est pourtant pas le cas partout en Afrique... Je suis en tout cas frappé par la qualité de ces UACO, frappé par l’intérêt que les participants apportent aux débats. Ce qui est intéressant dans cette université, c’est qu’on ne vient pas ici pour donner des leçons, mais pour échanger, pour faire partager notre expérience. Grâce à ce type d’université, les plus jeunes pourront évter les bêtises que nous, nous avons commises.

S. : Avez-vous eu le temps de feuilleter quelques journaux ? Qu’en est-il de la qualité des écrits ?

J.M : J’ai été frappé par la qualité d’impression des journaux, ainsi que par la qualité des textes. Ils sont bien écrits. Il y a des pays africains où la qualité n’est pas aussi évidente : les Burkinabè ont de très bons journaux. Les quotidiens offrent un large éventail d’information, à l’échelle locale, continentale et mondiale.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr Zida
(rabankhi@yahoo.fr)
Yacouba Hermann Nacambo (stagiaire)
Sidwaya

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