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Ethique politique en Afrique : Le « faux logo » du phénix de Sinématiali

Publié le mardi 24 mai 2011 à 02h08min

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Au prix du sang, la légitimité et la légalité démocratique ont été rétablies en Côte D’Ivoire. Après six (6) mois d’attente et de patience pénibles, Alassane Dramane Ouattara s’empare, triomphalement, du pouvoir d’Etat. L’ère Laurent Koudou Gbagbo prend ainsi fin. Malgré la mue et la volte-face politiques dont il a seul le secret, un des dinosaures de ce régime à tragédie ivoirienne, Laurent Dona Fologo, n’a pas su ou pu emprunter le sens de ce vent nouveau. En dépit de la cour assidue quand le glas a sonné pour le Front populaire ivoirien (FPI) et ses alliés. En nommant Marcel Zadi Kessy au poste de Président du Conseil économique et social (CES), Alassane Dramane Ouattara vient de tourner une page de l’histoire politique de son pays et d’un homme. Les nouvelles pages de l’houphouëtisme rassembleur et réconciliant vont s’inscrire sans ce serviteur de première heure du père-fondateur de l’Eburnie moderne.

Pour avoir pactisé avec les farouches adversaires du « Vieux » et profité de leurs régimes successifs, Laurent Dona Fologo s’est farfouillé à jamais. Peut-être, l’homonyme des prénoms des enfants de Mama et de Sénématiali a innocemment rapproché les deux mais c’est par ce compagnonnage fructueux avec celui-ci que tout oppose pourtant foncièrement que ce dernier a définitivement vendu son âme politique. En acceptant la haute fonction de patron du CES, il a été corrompu jusqu’à la moelle.

Pour le respect de la mémoire de Félix Houphouët-Boigny et de l’idéal politique du Parti démocratique de Côte D’Ivoire/Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA), Laurent Dona Fologo aurait gagné une survivance unanime due à un artisan de première heure s’il avait pris son bâton de pèlerin pour aplanir les divergences et concilier les vues entre les héritiers du premier président quand le bateau battant pavillon « Eléphant » a commencé à tanguer. Il a raté sa part contributive à cet acte salutaire que tout observateur aurait aujourd’hui reconnu à sa juste valeur. Abandonnant Henri Konan-Bédié et Alassane Dramane Ouattara à leurs incompréhensions, leurs déchirements et leurs contradictions profondes, le journaliste et Directeur Général de « Fraternité Matin », plusieurs fois ministres et même super membre du gouvernement, président d’institution, s’est penché vers le côté de la soupe et des honneurs.

Au plus profond des affres de « l’ivoirité », celui qui aurait pu jouer le rôle de trait d’union entre les Nordistes et les Sudistes a brillé de son mutisme laissant ses compatriotes à la croisée des chemins et sans repère après trente-trois (33) ans de règne de Félix Houphouët-Boigny. Dans l’exercice périlleux de la guerre civile, il aurait aussi réussi, à unir les rares bâtisseurs sincères de la paix, pour accorder les violons et redonner la joie de vivre ensemble à un pays, longtemps envié pour son hospitalité et sa cohésion. Marié à une Française et ressortissant de la partie Nord du pays, Laurent Dona Fologo, avait intérêt à s’investir dans la résolution de la crise identitaire de son pays étant donné que ses propres origines et sa situation matrimoniale peuvent lui valoir le même montage de rejet comme celui dont le Président du Rassemblement des Républicains (RDR) a souffert depuis 1993, date de la disparition de Houphouët-Boigny.

Né le 12 décembre 1939 à Péguékaha, sous-préfecture de Sinématiali dans le département de Korhogo, il disposait pourtant de réels moyens de rapprocher Henri Konan-Bédié et Alassane Dramane Ouattara (né tous deux à Dimbokro respectivement en 1934 et en 1942) en tant que cadet du premier et aîné du second mais aussi en insistant sur l’appartenance à la même famille qu’il faut préserver. Il a préféré déposer armes et bagages de l’autre côté.
L’un des plus proches collaborateurs du chantre de la paix s’est détourné, de façons irresponsable et lâche, de son obligation de perpétuer son œuvre.

L’un des acteurs clés des négociations de Linas-Marcoussis et signataire des accords de Kléber connaissait le nœud du problème ivoirien mais il a refusé d’accomplir la mission qui est la sienne. S’il ne tenait qu’à lui seul, le PDCI/RDA aurait volé en éclat, ses militants reconvertis dans une dynamique d’un pays sans âme et l’effet Houphouët rangé aux oubliettes. Le si emblématique « Eléphant », qui a caractérisé tout son parcours professionnel et politique, aurait disparu avec ses pattes, sa trompe et ses ivoires.

Ses retournements de veste sous les régimes du Général Robert Guéi et Laurent Koudou Gbagbo sont à même de donner à réfléchir sur son sens du militantisme et sa foi en un idéal. Bien qu’il ait été des Ivoiriens qui ont abondamment goûté aux délices du miracle de leur pays, celui qui a eu la lourde charge d’être le Secrétaire Général du PDCI/RDA ne s’est jamais estimé rassasier au point de se résoudre à s’impliquer dans un combat noble pour offrir à ses compatriotes en général et à la jeunesse de son pays en particulier une conscience politique basée sur l’adhésion à un idéal, la culture du militantisme raisonné et la défense de valeurs républicaines. Il a manqué l’occasion de rentrer brillamment dans l’histoire sociopolitique de son pays au point d’en être un symbole. Rien qu’en se consacrant pour rappeler les belles et sages paroles de Félix Houphouët-Boigny dans les médias, Laurent Dona Fologo aurait averti, prévenu et se serait engagé à défendre la Nation contre une déliquescence certaine. S’il avait eu le seul courage de replonger les Ivoiriens dans des souvenirs très conscients tels « La paix, ce n’est pas un mot. C’est un comportement », « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu », « Que chacun s’interroge : qu’ai-je fait, bien fait pour mon pays », l’un des dignitaires du PDCI/RDA, héritier du « Vieux » se serait érigé en un rempart d’éveil et sauver une catastrophe. Ses propres intérêts ont pris, malheureusement, le pas.

« Je n’ai pas la culture de l’opposition », aurait-il usé d’échappatoire devant les multiples récriminations à son encontre. Défendant l’indéfendable, justifiant l’insensé et trouvant une caution à l’intolérable et à l’humainement inacceptable. Laurent Dona Fologo a poussé la politique dans un dégoût. Il a toujours voulu et poursuivi les grâces. Malgré son âge et sa stature d’homme d’Etat, il a déçu une petite frange de la génération montante qui a cru à une certaine lucidité de tout homme politique et maintenu dans la volupté une grande partie de la jeunesse ajustant ses opinions et ses intérêts au gré du pouvoir et de ses tenanciers. Heureusement qu’avec le père de la nation, il a bénéficié de ce faux jeu pendant trente-trois (33) ans. Ce qu’aucun autre de ses prédécesseurs n’a pu pourtant lui offrir dans le contexte actuel.

Sa fidélité apparente à un homme et l’adhésion à son parti aux assises d’éléphant n’ont pas été respectés avec franchise. Sans mesurer la portée de ses actes, Laurent Dona-Fologo fait partie de ceux qui ont trahi, inconsciemment Houphouët-Boigny, tirer profit de la guéguerre entre ses héritiers et siroter dans l’autre camp, les retombées de la démission voire de l’abandon. Conformant son fond politique à la forme de régime en place, il est devenu ce caïman fluctuant selon le cours du marigot. Adepte du miel et ennemi de l’abeille, alors que quiconque veut s’offrir le jus de la cire doit, parfois, s’attendre aussi à quelques piqûres. Laurent Dona Fologo n’a plus d’arguments nécessaires pour prétendre à un quelconque leadership. Il ne possède ni l’essence ni d’aura. Il ne peut porter le fanion d’aucune formation politique. Loin d’être une éviction ou un limogeage, le débarras de Laurent Dona Fologo est même bon.

Alassane Dramane Ouattara lui a même rendu un énorme service en lui ouvrant une porte honorable pour sortir de l’arène sans souffrir d’une éventuelle vindicte populaire et du couperet de la justice.
Les contradictions politiques ont été acerbes entre les héritiers de Félix Houphouët-Boigny au point de conduire à une scission (PDCI, RDR, etc.), de donner lieu à des reniements dont l’exploitation par le camp adverse a engendré un coup d’Etat en 1999, un hold-up électoral en 2000, la partition du pays en 2002. Contre vents et marées des hommes et des femmes ont pris de la hauteur vis-à-vis des deux principaux leaders opposés de la même famille, Bédié et Ouattara. Ils ont œuvré à les mettre devant leurs responsabilités.

La raison politique a triomphé débarrassant le duo Bédié-Ouattara de leurs erreurs pour un nouvel envol. A travers leurs amendes courageuses et honorables, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a permis de rétablir une cause que Laurent Dona Fologo a cru, très tôt, perdue et rétabli les héritiers dans leur résolution de lancer l’assaut final pour reconquérir le pouvoir d’Etat. Seules la réconnaissance en l’œuvre de Félix Houphouët-Boigny et la volonté farouche de la poursuivre ont suscité, entre les partisans du PDCI/RDA et ceux du RDR, ce miracle de rapprochement, que personne n’espérait. L’hommage revient à tous ces héros, à toutes ces héroïnes qui sont en train de gagner le pari d’une Côte D’Ivoire rassemblée et réconciliée selon la vision de Félix Houphouët-Boigny. Et honte à ceux et celles qui ont pris la poudre d’escampette dès les premières étincelles pour aller se réfugier, goulument, dans le camp adverse.

Tout combat politique s’auréole aussi d’une éthique.
« Dans un parti politique, il y a des courants et des opinions. Tout comme dans une famille. Des contradictions peuvent survenir entre les militants. Mais nul ne doit perdre de vue le ciment entre tous : l’idéal, la cause pour laquelle les uns et les autres ont décidé de conjuguer ensemble leurs forces et leur intelligence ». Cette notion s’éloigne au fil des ans même chez certains politiques d’avant-indépendances. Le ventre l’emporte sur la conviction. D’où les démissions en cascade au sein des partis, le papillonnage politique, le fractionnement d’obédience et le suivisme ventral amenant à douter de l’intérêt supérieur du peuple et de la nation que les leaders politiques professent de défendre et de préserver.

Une grave prostitution matérielle et intellectuelle aiguisée par toutes sortes de gourmandises du pouvoir reflète les acteurs politiques actuels. De « faux logos » essaiment, dangereusement, les démocraties africaines. Dans son élan de construction de la maison « Félix Houphouët-Boigny », Alassane Dramane Ouattara doit se départir des girouettes politiques telles qu’incarné par Laurent Dona Fologo. Si son ambition de s’entourer, sur la base du mérite, de tout Ivoirien ou de toute Ivoirienne compétent, intègre et plein de probité pour redonner à son pays ses lettres de noblesse, est encourageante ; il lui appartient de s’appuyer sur des collaborateurs politiques guidés par la sincérité dans la fidélité, la foi dans l’idéal et la culture du militantisme dans l’âme pour « refonder » une Côte D’Ivoire nouvelle et retrouvée.

Car la bataille nationale du progrès et de la réconciliation doit être commune. Elle requiert un esprit républicain, des actions collectives et individuelles, une quête permanente d’une victoire d’ensemble. Ce que Laurent Dona Fologo et bien d’autres ont oublié, un tant soit peu, dans leur carrière politique. Le phénix de Sinématiali essayera certainement de rebondir mais il aura servi de mauvais exemple même si Henri Konan-Bédié et Alassane Dramane Ouattara le rachetaient encore une fois. Bien que l’heure soit au rassemblement et à la réconciliation, il faut s’en méfier de même que ces pasteurs et autres « vuvuzéleurs » qui ont bouché les oreilles de Laurent Koudou Gbagbo au point de ne pas entendre et comprendre la sanction des urnes.

Dorcas Céleste KOIDIMA (Dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2011 à 12:45, par NAOUALAGIMBA En réponse à : Ethique politique en Afrique : Le « faux logo » du phénix de Sinématiali

    Merci Dorcas KOIDIMA pour cette analyse du comportement de cet homme politique Ivoirien qui, si on remplacait les noms, que ce soit celui du pays ou des habitants, cette analyse collerait bien aussi aux comportements de beaucoup d’hommes politiques sous nos tropiques.Ce que je souhaite, c’est que les hommes politiques mettent de la sincerité et de l’idéalisme dans ce qu’ils font.

  • Le 24 mai 2011 à 12:46, par cric crac En réponse à : Ethique politique en Afrique : Le « faux logo » du phénix de Sinématiali

    Félicitation Mme, c’est la 3ème fois que je vous lis et suis vraiment émerveillé par vos écrits. Vous êtes le prototype de journaliste qu’il faut dans ce pays. Je suis un lecteur très assidu de nos journaux qui paraissent mais suis très déçu des écrit. l’on a l’impression de lire des compte rendu de missions
    Encore tous mes encouragement et bonne suite pour votre carrière
    Par un de vos fan

  • Le 25 mai 2011 à 01:36, par Dyckerman En réponse à : Ethique politique en Afrique : Le « faux logo » du phénix de Sinématiali

    Vous allez un peu trop vite en besogne. FOLOGO n’a pas rallier le nouveau pouvoir ou fait une quelconque ALLEGIANCE (deja un mot-clef du Ouattarisme) a qui-que-ce-soit.

    Re-ecoutez sa derniere interview, il regrette que l’Occident decide encore des choses qui relevent de la souveraineté d’un Etat independant.
    C’est une question de principe, des Ivoiriens comme FOLOGO se reclament de cet Houphouet-Boigny, combattant anti-colonialiste et progressiste des premietres heures. Cet Houphouet-historique n’est le Houphouet-serviteur-des-interets-francais de Ouattara.

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